Opinion
La difficile tâche
de la gestion de l'image de François
Hollande
Laurent Brayard
Photo: AFP
Mardi 23 juillet 2013
Il y a quelques
jours dans
Le Figaro
nous lisions un article de
François-Xavier Bourgaud sur la visite
surprise du président français dans sa
bonne ville de Tulle. Enterré dans les
sondages, la difficile tâche de redorer
le blason et l’image du président
Hollande n’est pas un des moindres
problèmes de son équipe présidentielle.
Cette gestion a subi une nette et
franche évolution malgré des similitudes
notoires entre les trois dernières
présidences. Analyse d’une impopularité
endémique…
Ayant atteint les tréfonds de sa
côte de popularité après une petite
année de pouvoir, les chiffres donnés
par les instituts de sondages sont tous
d’accord pour dire que désormais
François Hollande est le plus
impopulaire des présidents de la Ve
République. N’oublions pas cependant de
dire que c’est aussi une constante de
tous les présidents et notamment des
quatre derniers. Pourtant, cette gestion
change et elle évolue au fil des mandats
présidentiels, au fil des erreurs
également. L’exercice n’est pas une
sinécure, les Français sont connus pour
être versatiles et la crise ne date pas
d’hier, elle touche la France par cycle
depuis les deux chocs pétrolier de 1973
et 1979. L’accessibilité du président
avec les citoyens français a beaucoup
pâti de cette évolution, également due à
des erreurs de communication célèbres
qui sont devenus des cas d’écoles.
C’est le cas d’une interview
accordée à l’Elysée par le président
François Mitterrand en 1994. Elle
faisait suite à la sortie d’un livre qui
pour la première fois mettait en cause
le président à propos de son engagement
politique à l’extrême droite autour de
l’année 1935, puis sa collaboration avec
le régime pétainiste de 1940 à 1943 qui
lui valut le sinistre honneur d’être un
des rares décorés de la Francisque,
médaille emblématique du régime de
Vichy. Il fut d’ailleurs décoré en
personne par le maréchal Pétain. Dans
cette interview, le journaliste avait
posé franchement la question du passé
collaborationniste du président. Les
images sont célèbres, François
Mitterrand éconduit son interlocuteur et
indique devant la caméra que l’interview
est terminée dans un froid glacial et
figé qui en disait long sur la vérité.
Les présidents suivants ont par
contre bien retenu la leçon. Désormais,
le contrôle de l’approche des
journalistes et celui des sujets et
questions abordées est total. Dans le
cas de la dernière visite de Tulle ;
mais les présidents Sarkozy et Chirac en
faisaient de même ; le terme « visite
surprise » cache la volonté de se garder
justement des mauvaises rencontres et
des questions dérangeantes. Chaque
déplacement du président est ainsi
savamment orchestré, les journalistes
n’accèdent au président que par groupe
et les questions posées et les réponses
apportées sont restreintes. La visite de
Tulle est l’exemple même de l’opération
de communication : visite d’un vieillard
fêtant ses 99 ans, visite du président Chirac.
Le sieur François-Xavier Bourgaud,
qui n'écrit d'ailleurs que sur le
président Hollande, fait désormais
partie des hommes accrédités à écrire ce
que l’on veut bien qu’il soit écrit… et
sur qui. L’article, ainsi que tous ceux
de sa plume, est un petit bijou de
propagande présidentielle. Derrière les
formulations creuses et quelques
déclarations hardies sur la popularité
du président, nous apprenons surtout la
balade de François Hollande, son petit
programme. Autrefois il aurait été
question de la guérison miraculeuse des
écrouelles par le Roi, aujourd’hui il
s’agit surtout de faire de larges
sourires de loin à des gens censés
bienveillants, quoi de mieux que la
ville fief du président ? Nous avions eu
Château-Chinon, nous avons désormais
Tulle.
Le plus étonnant de cet article
reste son caractère insipide, un simple
récit d’une journée banale, même si nous
ont été épargnés le menu ainsi que
l’heure où le brave homme s’est rendu à
la selle… Les sorties des présidents
deviennent en effet des exercices
périlleux, le président Sarkozy en fit
la dure expérience, c’est aujourd’hui le
tour de François Hollande. Il est en
effet difficile d’écarter les passants,
de les maintenir à distance suffisamment
pour qu’il n’y ait pas un trouble-fête
pour apostropher violemment le
président. Il est difficile aussi de
contrôler tous les journalistes,
photographes ou caméramans. La compagne
du président, Valérie Trierweiler, nous
nous en souvenons, mettait elle-même la
main à la pâte en tirant l’un d’eux par
son capuchon pour l’empêcher de filmer.
Depuis quelques temps, nous avons
toutefois l’impression d’un verrouillage
total et progressif de la présidence. La
tour d’argent est désormais presque
totalement inaccessible. A l’heure des
médias modernes, la moindre déclaration,
le moindre fait, le moindre incident
peuvent provoquer une tempête médiatique
capable de faire perdre une élection, de
chambouler les cartes et même de faire
sauter un ministère. C’est la raison de
l’image… et du son. Ce renfermement
constant et contrôlé est tout à fait
visible. N’en déplaise aux
François-Xavier Bourgaud, le fossé est
terriblement profond entre le peuple
français et son président. Enfermé dans
Versailles, le roi Louis XVI et la reine
Marie-Antoinette se trouvaient dans une
situation assez similaire. Coupés des
réalités du quotidien des Français,
inconscients des véritables difficultés,
incapables de sentir et percevoir
autrement que par un entourage également
marginalisé.
Le président des Français ne
devrait pas être seulement celui de la
ville de Tulle, il ne devrait pas
rechigner au dialogue direct avec les
Français, même avec ceux qui ne sont pas
ses partisans, même avec les mécontents,
même avec les humbles, les plus humbles.
Les plus grands dirigeants de l’histoire
de France furent ceux justement qui
surent approcher leur peuple, se
transcender et rassembler, écouter et
répondre. Dans cette présidence de la Ve
République, nous ne voyons qu’une
institution coupée de ses racines, de sa
légitimité première, celle que le peuple
donne. Le président n’est que le premier
fonctionnaire de l’état, ses devoirs
sont immenses et il est l’égal du
dernier des Français, quand bien même ce
dernier serait malade et impotent. Les
articles des journalistes comme Bourgaud
prouvent malheureusement tout le
contraire de ce qu’ils veulent montrer.
Il y a un président de la France… mais
plus des Français.
© 2005—2013 La Voix de la Russie
Publié le 24 juillet 2013
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