Bellaciao
Pour Yldune Lévy, Julien Coupat et tant
d'autres
La Louve
Lundi 22 décembre 2008 A quelques jours de la
fin de l’année 2008, pendant que toutes celles et ceux qui le
peuvent encore vont se réfugier dans des délires d’hyper-consommation,
ou, plus raisonnablement, prendre des forces auprès de leurs
familles et amis, il y a deux personnes vers lesquelles vont,
plus particulièrement, mes vœux, mes souhaits.
Il s’agit de
Julien Coupat et d’Yldune
Lévy (oui, vous savez bien,
la jeune femme que 90 % des articles ne présentent que comme "Yldune
la compagne de....").
Ces deux jeunes gens ont été arrêtés le 11
novembre 2008, à Tarnac.
Et depuis qu’ils ont été arrêtés, ils sont
détenus.
Détenus et "particulièrement
surveillés".
Pourquoi au juste, ont
ils été arrêtés, et pourquoi sont ils détenus?
Il faut le dire haut et fort aujourd’hui : POUR RIEN.
Oui, POUR RIEN.
Dans un soi disant "Etat de droit", une soi
disant "démocratie", régis par une soi disant "déclaration des
droits de l’homme et du citoyen" qui aurait soi disant une
"valeur constitutionnelle, il n’y a RIEN.
Leur dossier est vide, d’une vacuité
inversement proportionnelle au zèle déployé par certains
ministres du gouvernement Sarozy-Fillion pour tenter de mettre
en œuvre, pourquoi pas, une "stratégie de la tension" digne des
"années de plomb" italiennes.
Rappelez-vous pourtant ...
Le 11 novembre la France entière et au-delà
découvrait Tarnac, "dangereux repaire de dangereux criminels"...
Là étaient terrés les membres d’un réseau de
la "mouvance ultra-gauche anarco-autonome", qui étaient, c’était
sûr et certain, responsables de quelques sabotages de lignes
électriques (caténaires) sur des voies ferrées...et plus si
besoin.
Vous me direz, on ne les
a pourtant pas arrêtés pendus aux caténaires, donc on ne les a
pas pris en flagrant délit ... Ben non, justement -
vous imaginez bien que
toutes les caténaires de France ne convergent pas à Tarnac...
Mais alors?
On avait, paraît-il, de très sérieux éléments
pour leur mettre le grappin dessus à base de GIGN et tutti
quanti, à ces 9 jeunes (qui deviendront vite "les 9 de Tarnac").
On nous avait dit, à nous (nous, "l’opinion
publique", ou "le peuple", ou "les citoyens", voir "nous les
gogos" c’est selon qui s’adresse à nous et ce que nous pensons
être), donc, on nous avait dit qu’on allait voir ce qu’on allait
voir, quelles preuves énormes et absolument indubitables de
l’absolue culpabilité de ces 9 personnes on allait nous
montrer...
Et puis finalement, nous, le bon peuple, de
plus en plus ému quand même, nous avons du constater que ce sac
de preuves incontestables était vide.
En tout cas, bien trop vide pour justifier
non seulement d’un maintien en détention, mais encore, d’un
maintien en détention dans des conditions inhumaines, injustes
(et je veux dire peut être "encore plus inhumaines" que pour les
détenus de droit commun).
En effet, quiconque lit de temps à autre le
"Canard Enchaîné" pouvait apprendre, la semaine dernière, au
détour d’une page, que (je cite) :
«Depuis un mois, à la maison d’arrêt des
femmes de Fleury-Mérogis, la nuit,
toutes les deux heures, la lumière s’allume dans la cellule d’Yldune
Lévy, présumée d’"ultragauche" saboteuse de caténaires SNCF. (…)
Officiellement, c’est "pour la protéger d’elle-même". En
réalité, comme le concèdent des juges en privé, il s’agit
d’abord d’"attendrir la viande" de cette "dangereuse terroriste"
promue par MAM ennemi public no 1 avec son compagnon Julien C.
(…)
À la question de Libération (11 décembre) :
"Comment s’expriment leurs velléités terroristes ?", le
contrôleur général Christian Chaboud, responsable de la lutte
antiterroriste, a répondu : "De par leur attitude et leur mode
de vie."»
Attention donc : sachez que si votre attitude
et votre mode de vie (?) ne sont pas conformes (conformes à
quoi? Allez savoir...) , vous êtes déjà en mauvaise posture.
(Et si en plus vous êtes en train de lire mon
texte sur "Bellaciao.org", ce dangereux site internet regroupant
la fine fleur de la mouvance anarco-autonome d’ultra-gauche,
selon sa Sainteté La Bible de Le Figaro, alors là , vous êtes
très mal barrés).
De la même manière, on apprenait le vendredi
19 décembre dernier qu’un juge avait ordonné la remise en
liberté de Julien Coupat mais que le Parquet avait immédiatement
fait appel de cette ordonnance, et qu’ainsi Julien Coupat
restait en prison jusqu’à nouvel ordre (ou jusqu’à Ordre Nouveau
peut être ?) .
Entre temps, les 7 autres protagonistes ont
été relâchés. Est-ce à dire pour autant que leur vie s’écoule à
nouveau paisible, tranquille, joyeuse? Non, évidement, et loin
de là.
Seuls demeurent donc en prison actuellement
Julien et Yldune.
Yldune, réveillée toutes les deux heures,
probablement de plus en plus épuisée, le moral de plus en plus
défaillant (et que cherche -t-on ainsi ? A la rendre folle? A la
tuer psychologiquement?...A lui faire signer n’importe quels
aveux bidons?).
Julien, dont on a moins de nouvelles
"récentes" mais dont on sait que ses parents ont récemment
obtenu le droit de visite, mais dont on peut imaginer qu’il
subit ou a subi le même genre de traitement.
Je regardais son l’intervention de son père,
chez Laurent Ruquier samedi soir (tard, c’est après minuit et
demie).
J’ai vu un homme abasourdi, presque encore
étonné de ce que vivait son fils, qui ne pouvait pas croire,
presque, qu’il se passait ce qui se passait.
Un homme venu défendre aussi l’honneur et la
probité de son fils, et un homme venu dénoncer aussi très
courageusement ,sans fard, à mains nues, et sans avocat ni
immunité parlementaire, ce qu’est ce système, ce qu’est en train
de devenir ce pays depuis 3 ans.
Un homme qui, je pense, a forcé le respect et
l’admiration de tous les invités présents, et de la plupart des
téléspectateurs.
M. Coupat,
je vous dis bravo
, vous avez été très juste, vos mots ont été
simples, votre analyse claire, vous ’avez beaucoup touchée et
attachée davantage encore à la cause de votre fils et de ses
compagnons d’injustice.
Tout juste regretté-je que vous n’ayez pas
été plus entouré de "personnalités" pour mener ce combat...
Et moi, la question qui m’obsède, de plus en
plus, c’est "pourquoi".
Pourquoi sont-ils ENCORE en prison à ce jour?
Pourquoi la mobilisation pour les protéger
d’un système qui est manifestement devenu fou, n’est pas plus
forte?
Pourquoi est-ce que encore une fois, la
majorité des partis politiques et figures dites "de gauche" sont
aussi muets, aphones, inaudibles, une fois passé leur petit
communiqué indigné d’usage?
Mais merde, que se passe-t-il dans la France aujourd’hui?
Et que va-t-il se passer demain?
Pas un jour sans que l’angoisse qui étreint
ma poitrine depuis plusieurs semaines augmente.
L’angoisse et la honte également. La honte
d’être une "nationale" de ce pays croupissant, amorphe, pourri,
fascisant, de ce pays qui semble renouer avec le pire de son
histoire....
La honte de me dire que
les bouches semblent closes, que les cœurs semblent secs, que
les raisons semblent figées et les courages oubliés.
J’ai l’impression d’être entrée dans un
cauchemar que je ne pensais pas pouvoir vivre un jour à ce
point.
Un cauchemar dans lequel les soirs et les
matins sont bruns.
Un cauchemar fait de chiens
policiers, de surveillance généralisée, de mensonge d’Etat, de
propagande outrancière, un cauchemar fait de prisons, de
barreaux.
Un cauchemar où mon pays, la France, dont je
porte 1/62 millionième de la responsabilité à titre individuel,
continue sa descente vers le fascisme, où l’on maintient au
cachot sans raison un jeune homme de mon âge, où l’on torture
une jeune femme emprisonnée au nom d’une présomption de
culpabilité aggravée qui ne veut pas dire son nom, aggravée par
quoi d’ailleurs?
Aggravée par le fait de ne pas être un mouton
bêlant du capitalisme et du libéralisme.
Aussi, je dédie à Julien Coupat, à Yldune
Lévy, mais aussi à Cyril Khider, à Jann-Marc Rouillan, entre
autres, et plus généralement, à tous les encagés, à tous les
enchaînés, à tous les suppliciés du système, à toutes les
victimes de l’injustice profonde de la répression d’Etat, et de
l’inhumanité totale du système carcéral, le magnifique et
dernier livre du grand Jack London,
"Le vagabond des étoiles"
Cet ouvrage sublime raconte
les derniers mois de Darrell Standing, qui s’apprête à être
pendu dans la prison d’État de Californie, à San Quentin. Il y a
huit ans, alors professeur d’agronomie à l’école d’agriculture
de Berkeley, il a été condamné à perpétuité pour crime
passionnel.
Sur les huit années
d’incarcération, il a passé cinq ans dans les ténèbres d’un
cachot, surnommé la "mort vivante". En attendant l’heure fatale,
il s’évade au gré de son imagination et de la puissance de son
esprit, dans le passé.
Il s’imagine, il se rêve au
cœur du Paris de Louis XIII sous les traits du comte Guillaume
de Sainte-Maure ; comme enfant rescapé d’une caravane de
pionniers massacrés par les Indiens ; en marin anglais marié à
une princesse coréenne du XVIe siècle ; en centurion de Ponce
Pilate au moment du procès de Jésus ; en homme des cavernes à
l’aube de l’humanité...
Échappant à la souffrance de
l’angoisse et aux ravages de l’enfermement et de l’isolement,
par la même occasion, Darell Standing se paie le luxe d’échapper
au plaisir que susciteraient chez ses geôliers, des résistances
physiques qu’il sait parfaitement inutiles et vaines et qui ne
lui ont valu jusqu’alors que les coups et la camisole, chaque
fois plus serrée, au point de presque l’étouffer.
Ainsi, en ne leur laissant
plus que son enveloppe charnelle, et en voyageant de plus en
plus loin et de plus en plus longtemps dans sa tête, plongé dans
une sorte de catatonie volontaire, il les contourne, il les
prive de ce qui fait leur justification : mater et casser
l’Autre.
Ce livre est considéré comme le dernier acte
du militant socialiste acharné et de l’être extraordinairement
humain que fut toute sa vie Jack London.
Tenez bon, Julien et Yldune.
Vous êtes nos frères et nos sœurs, nos
camarades aussi, d’une certaine manière, alors, tenez bon, nous
pensons à vous, nous allons faire en sorte de nous mobiliser de
plus en pus nombreux pour vous faire sortir, pour que cessent le
délit d’opinion, la détention abusive, les traitements inhumains
et dégradants que vivent presque tous les prisonniers de France
et de Navarre.
Toutes mes pensées aussi à vos familles, pour
certaines très affectées par ces incarcérations, beaucoup de
courage à toutes et tous.
Pourvu que demain le jour se lève, et que le soleil brille
enfin. L’avenir ne peut appartenir qu’à celles et ceux qui se
battent pour la Liberté et le respect réel de la dignité de
l’humain.
Compléments d'infos par PalSol : - La demande de remise en
liberté d’Yldune Levy, incarcérée depuis la mi-novembre avec son
compagnon Julien Coupat dans l’enquête sur des dégradations
contre des lignes TGV, a été rejetée vendredi par un juge des
libertés et de la détention (JLD), a indiqué une source
judiciaire.
- La chambre de l'instruction a rejeté la
demande de remise en liberté de Julien Coupat, ce mardi
après-midi. Elle donne donc raison au parquet qui avait fait
appel, vendredi 19 décembre, de la décision du juge des libertés
et de la détention d'accéder à la requête de celui qui est mis
en examen pour "direction d'une association de malfaiteurs et
dégradations en relation avec une entreprise terroriste".
- Par contre Nicolas Sarkozy a gracié, mardi 23
décembre, 27 détenus au comportement "exemplaire", dont
l'ex-préfet du Var Jean-Charles Marchiani.
Lettre ouverte des parents
des inculpés du 11 novembre
Site
du Comité de soutien
aux inculpés
Le père de Julien
Coupat défend son fils chez Ruquier (vidéo)
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