Opinion
Pourquoi l'Europe
arme les rebelles syriens ?
Konstantin
Bogdanov
Photo: RIA
Novosti - © AFP/ Bulent Kilic
Mardi 28 mai 2013
Source :
RIA Novosti L'Union
européenne n'a pas prolongé son embargo
sur les livraisons d'armes en Syrie. La
discussion à huis clos qui a divisé les
pays européens s'est soldée par
l'annulation des sanctions – mais l'UE
reste divisée. Quels sont les
conséquences de cette décision et qui en
sera le principal bénéficiaire ?
Ce qui a été
décidé
Les ministres des Affaires étrangères
de l'UE réunis à Bruxelles n'ont pas
réussi à s'entendre sur le prolongement
de l'embargo sur les livraisons d’armes
à l’opposition syrienne, qui expire le
31 mai. Autrement dit, ils n’ont pas
décidé d'armer les rebelles mais ont
simplement renoncé à ne plus le faire.
La nuance est importante.
A en juger par les fuites et les
communiqués officiels des derniers
jours, une immense importance a été
accordée à la question du prolongement
de l'embargo. La victoire du point de
vue des partisans de la levée des
sanctions pourrait engendrer plusieurs
problèmes à la fois – y compris dans les
relations diplomatiques au sein de l'UE.
Qui est pour,
qui est contre
Il y a quinze ans l'axe Paris-Berlin
était l'épine dorsale de l'UE et le
consensus entre les deux pays influait
significativement sur les décisions
paneuropéennes - aujourd'hui le système
a radicalement changé.
A l'époque de Nicolas Sarkozy la
France s'est brusquement tournée vers
Londres en formant une sorte d'alliance
militaro-politique bilatérale
indépendante. Cette alliance a été rodée
dans la guerre coloniale en Libye dont
la France et le Royaume-Uni étaient les
principaux acteurs - avec le soutien du
Qatar.
Le scénario syrien évolue selon la
même logique. La France et le
Royaume-Uni font pression sur les autres
membres de l'UE pour lever les
restrictions sur les livraisons d'armes
à l'opposition syrienne. De leur côté
l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède,
l'Autriche et la République tchèque se
sont prononcés contre.
Avant la réunion, les Néerlandais et
les Allemands ont fait des commentaires
très prudents en affirmant qu'un
compromis était nécessaire car "les deux
extrêmes sont inacceptables". Néanmoins
Paris et Londres ont atteint leur
objectif : même s’il ne s’agit que d’un
"non prolongement" des sanctions.
Une apparence
de résultat
Au final il a été impossible de
trouver un terrain d'entente. Catherine
Ashton, haute commissaire de l'Union
pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité, a modestement
souligné que la position consolidée de
l'UE concernant les livraisons d'armes
en Syrie serait annoncée d'ici le 1er
août 2013. On ignore quelle sera cette
position mais il ne sera certainement
pas facile de formuler un point de vue
européen commun.
Surtout que le problème est passé au
stade des accords bilatéraux entre des
pays de l'UE et l'opposition syrienne.
Le Foreign Office en a justement fait la
remarque, précisant toutefois qu'il
n'était pas question de commencer
immédiatement à fournir des armes aux
rebelles. Selon les diplomates
britanniques, ce levier servira à
étendre les capacités de pression
diplomatique sur Damas. La formule
semble évasive et suspecte.
Au-delà des
faux-semblants
En réalité le nouvel "axe du bien"
franco-britannique ne sait pas comment
sortir du piège syrien. Le temps passe
mais le "régime sanguinaire" d'Assad
tient bon. Qui plus est, il connaît des
succès locaux dans les affrontements
contre l'opposition.
Que faire ? Instaurer une zone
d'exclusion aérienne ? Envahir la Syrie
? Cela pourrait entraîner une nouvelle
explosion au Proche-Orient - ce qui n'a
pas l'air inquiéter les Européens - et
engendrer d'importantes pertes - ce qui
serait bien plus grave.
Tout laisser tomber et permettre
Assad d’écraser les insurgés ne semble
pas être une bonne option non plus. Par
conséquent il faut au moins faire
pencher la balance du côté de
l'opposition. Politiquement pour
commencer – puis, en cas de besoin, par
une intervention militaire directe et la
formation des rebelles.
Les
conséquences
Les Etats-Unis, qui ont soutenu
passivement le lancement de la campagne
libyenne de Paris et de Londres, ne
veulent absolument pas mettre leur nez
en Syrie. De plus, ils sont très
méfiants en ce qui concerne certaines
organisations radicales d'opposition en
Syrie - non sans raison – qu’ils
considèrent comme des branches
d'Al-Qaïda.
L'armement et la formation des
rebelles de l'opposition syrienne
pourraient changer l'équilibre des
forces dans le pays, donnant un coup de
pouce à l'expansion de l'extrémisme
islamique au Proche-Orient - où
pratiquement toute la rue s'est déjà
embrasée.
Les principaux bénéficiaires de la
décision de l'UE sont évidemment les
monarchies du Golfe, notamment le Qatar
et l'Arabie saoudite qui ont soutenu
très activement les islamistes du
Maghreb pendant le Printemps arabe. Mais
leur jeu est clair tandis qu'il est plus
difficile de comprendre les actes de
Paris et de Londres.
D'autant qu'un rien sépare la Syrie
de l'Europe paisible. Et les
répercussions se font déjà sentir – il
suffit d’ouvrir les derniers journaux et
de lire les articles sur le récent
assassinat d'un soldat britannique en
pleine rue à Londres.
© 2013
RIA Novosti
Publié le 28 mai 2013
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