« La démocratie a toujours été mon échelle de
valeur. Ma lutte n’a pas changé » Philippe Val. « (...) ploucs humains obtus, rendus courageux
par la vinasse ou la bière locale qui leur gargouille dans le
bide. »
Philippe Val, Charlie Hebdo,
14 juin 2000.
Cette démocratie-là n'est pas
de la démocratie.
Si l'on suit la première déclaration du sieur Val, on ne peut
qu'être d'accord avec notre grand démocrate. Bien entendu, on
peut critiquer la démocratie, c'est même nécessaire en régime
démocratique, et les plus grands esprits s'y sont attelés, à
commencer par Platon (qui était républicain, mais pas
démocrate). Aristote aussi, mais Aristote était favorable à un
système oligarchique et antirépublicain. Pourtant, si l'on lit
la seconde déclaration de Val, toujours le même, son ferment
antidémocratique, élitiste et oligarchique coule de source.
Un démocrate qui méprise les ploucs n'est pas un démocrate. Le
propre du démocrate est de considérer que le pouvoir appartient
au peuple. Si l'on méprise les ploucs, c'est qu'on considère que
certains éléments parmi le peuple ne sont pas dignes
d'appartenir au régime démocratique. Dans ce cas, on ne se situe
plus dans une démocratie. Par ces deux déclarations, nous voyons
que le sieur Val n'est pas démocrate. Il utilise la démocratie à
des fins subversives et entristes qui ne sont pas démocrates.
Pervers, notre rhéteur?
Pourtant, il se réclame de la démocratie. Quelle est cette
démocratie qui contredit manifestement les principes
démocratiques? Comme l'explique Mona Chollet,
"dans son zèle à défendre la
politique israélienne, Val répète qu’Israël, après tout, est «
une démocratie ». « Démocratie », dans sa bouche et sous sa
plume, comme pour ses nouveaux amis, ce n’est pas une conquête
fragile, nécessitant une vigilance constante, mais une notion
quasiment ethnique, une actualisation de ce qu’était le concept
de « civilisation » dans la pensée coloniale. Une démocratie,
quoi qu’elle fasse, est intrinsèquement vertueuse."
http://lmsi.net/spip.php?article968
Val est-il un cas isolé ou représente-t-il une certaine
mentalité? On notera qu'en tant qu'ancien directeur de
Charlie-Hebdo et actuel
directeur de France-Inter,
Val appartient au sérail du journalisme parisianiste et à la
mode. C'est un ami de la clique à Carla Bruni. Les positions
antidémocratiques au nom de la démocratie de Val sont
emblématiques de certains milieux fort influents en France qui
commencent à piétiner les principes républicains et
démocratiques français au nom de conceptions népotiques,
élitistes, oligarchiques.
Il ne s'agit pas de minorer ces dérives, ni d'estimer que le
fait de se réclamer de la démocratie suffit à être démocrate. Au
contraire, le vrai démocrate critique par esprit démocratique la
démocratie. Cette mentalité que représente Val est-elle
l'apanage d'une coterie de pseudo-socialistes libéraux qui
auraient trahi leurs engagements socialistes et libéraux pour
défendre en fait des positions porches du néo-conservatisme et
de l'islamophobie? De minorités déviantes, mais - minoritaires?
Vraie question qui embarrasse ceux qui ne veulent ni histoires,
ni histoire, alors qu'elle en dit long sur le dérapage de ces
milieux de la gauche démocratique française qui en sont venus à
trahir la gauche et la démocratie - au nom de la gauche et de la
démocratie. C'est en fait l'ensemble d'un système politique qui
est en train de s'effondrer et de perdre peu à peu l'ensemble de
ses vertus. Ce système se situe en Occident, a pour nom
démocraties libérales occidentales, et l'on se rend compte que
plus le temps passe, plus le libéralisme devient un
ultra-libéralisme extrémiste, voire fasciste - la démocratie un
impérialisme occidentaliste.
Bien entendu, l'impérialisme est dénié - expliqué au nom des
plus nobles engagements. Parmi ces engagements figurent en
première ligne, tels des
snippers, la démocratie et la liberté. Ah! Raaah! On
justifie l'impérialisme au nom de la démocratie et de la
liberté. Un homme politique lucide sur ce coup, un certain
Chevènement, a expliqué que le droit d'ingérence au nom de la
démocratie était toujours
le fait des pays dominants sur des pays plus faibles et
dominés. Jamais on n'a constaté de droit d'ingérence
démocratique de la part de pays faibles envers des pays plus
forts.
Et pour cause : l'ingérence démocratique (et autres appellations
du même acabit) est de l'impérialisme travesti en démocratie.
Cette démocratie-là n'est pas de la démocratie. C'est une
perversion sémantique
particulièrement nocive qui se pare des atours de la démocratie
pour faire fonctionner son cheval de Troie : l'impérialisme.
J'ai déjà évoqué le cas de ce petit fasciste mou et anodin qui
se destine à la carrière de médecin du travail et qui prône des
valeurs antidémocratiques sous couvert d'ingérence démocratique
angélique. Notre énergumène se réclame bien entendu des Valeurs
Démocratiques, si bien que si l'on suit son raisonnement
(pervers), ses idées impérialistes sont démocratiques, quand
l'opposition à ses idées serait antidémocratique.
L'appartenance de notre médiocre à la bourgeoisie moyennement
aisée montre que ce ne sont pas seulement quelques élitistes à
la Val qui pervertissent et subvertissent la démocratie. Ce sont
des cohortes d'individus qui cautionnent l'impérialisme
occidental et qui lui donnent des noms positifs : démocratie,
liberté, laïcité... Ce sont des mentalités qui fonctionnent sur
le prétexte de la démocratie. Démocratie - perverse? Quelle est
le vrai nom de cette démocratie?
Les populations occidentales cautionnent depuis deux cents ans
le fonctionnement impérialiste et colonialiste de leur société.
C'est le même argument qui est recyclé : nous sommes à la fois
plus évolués et plus généreux. Nous allons aider les autre
parties du monde à acquérir la démocratie, la liberté et la
laïcité, soit le système de valeurs le plus évolué que
l'humanité ait connue. Moyennant quoi, nous arrivons toujours au
même constat d'échec : si les attentes n'ont pas fonctionné,
c'est du fait de l'impéritie des autres populations, qui ne sont
pas capables de vivre en régimes démocratiques, libéraux et
laïcs.
Spécifiquement, notre cas caractériel pathologique néo-fasciste
et néo-conservateur défend des positions tout fait
raisonnables :
1) c'est la loi du plus fort qui régit les rapports humains, en
particulier au niveau politique et historique;
2) depuis octobre 2001, les alliés occidentaux sont allés en
Afghanistan pour aider le peuple afghan à acquérir la démocratie
contre les méchants talibans dégénérés et sous-évolués.
Dans la mentalité dégénérée et confusionnelle de cet individu
symptomatique du mal qui ronge l'Occident, on est démocrate
quand on défend le droit d'ingérence démocratique. On est
pro-taliban quand on rappelle que les méthodes de la coalition
occidentale en Afghanistan ne sont pas démocratiques et ont eu
pour principaux effets d'accentuer la guerre civile et le trafic
de drogue. Autant dire qu'on est calomnié, discrédité et insulté
si l'on dit l'irréfutable vérité factuelle et si l'on ne suit
pas la propagande impérialiste - travestie en apologie de la
démocratie.
Il faudrait procéder à un renversement salutaire pour comprendre
la mentalité qui domine en Occident : notre grand bourgeois
entriste Val qui se présente comme un saltimbanque bohème
(néo-conservatisme sous des oripeaux de socialisme
pseudo-libéral) - et notre moyen bourgeois crypto-fasciste qui
se présente comme un écologiste (dont les positions concordent
avec le néo-conservatisme, voire carrément le fascisme
historique) ne sont pas des symptômes minoritaires ou isolés. A
la limite, on peut considérer que chacun suivant ses positions
de déni caractérisé, ils sont des lopettes dures.
Mais leurs positions outrées et caricaturales ne font
qu'accentuer la mentalité majoritaire de l'Occident, qui
cautionne plus ou moins consciemment, plus ou moins directement
l'impérialisme. La plupart des citoyens des démocraties
occidentales sont individualistes, dépolitisés, perclus de
problèmes personnels.
Ils ne sont pas ouvertement en faveur de l'impérialisme et ne
prônent pas des arguments aussi ridicules que ceux de Val ou de
notre crypto-fasciste insulteur. Mais nous ne pouvons comprendre
les politiques des démocraties libérales occidentales qu'en
entérinant leurs applications manifestement répétées et
continues depuis (symboliquement) quatre cents ans.
C'est l'impérialisme et le colonialisme qui définissent les
politiques occidentales depuis ce temps, domination qui se fonde
sur la supériorité technologique, notamment militaire. Dans cet
impérialisme, on trouve à différentes échelles les impérialistes
convaincus - aussi cons que vaincus. Ce sont des individus
égarés, pervers, voire carrément fascistes, qui défendent
l'impérialisme sous le sceau de la démocratie. Ces gens sont en
général une minorité dont la justification morale immorale
repose sur la fameuse loi du plus fort.
Partisans de Calliclès et de Gorgias, ce sont des oligarques. Au
vingtième siècle, ils adhèrent (parfois à l'insu de leur plein
gré) aux programmes des fascistes historiques, des
ultra-libéraux dans le sillage de von Mises et des
néo-conservateurs zélateurs impudents de l'ingérence
démocratique et de l'impérialisme atlantiste. La plupart des
populations occidentales ne suivent pas ce modèle violent et dur
d'impérialisme. Ils forment plutôt les moutons bêlants de
l'impérialisme. Ils se veulent
cool, en tout cas modérés. Ils ne sont jamais favorables
à l'impérialisme. D'ailleurs, ils considèrent que l'impérialisme
est l'exception des régimes démocratiques et libéraux. Ils
tiennent pour hautement improbable l'existence de l'Empire
financier britannique et si on commence à leur expliquer des
faits sur les factions financières et sur le caractère
irréfutable de cet impérialisme, ils n'écoutent plus, lassés du
propos.
A côté des mous durs qui cautionnent l'impérialisme sous le nom
de démocratie, l'impérialisme ne fonctionne en Occident qu'avec
le soutien tacite de la majorité qui est impérialiste sans le
savoir. En fait, nos impérialistes ignorants sont
individualistes, dépolitisés et se désintéressent des problèmes
qui nécessitent de la réflexion. Ce sont les Œdipe de
l'impérialisme. Aristote, qui n'est pas suspect de sympathie
démocratique, expliquait que la démocratie était seulement
possible si chaque citoyen était capable de gouverner et d'être
gouverné.
Raison principale pour laquelle Aristote se montre défavorable à
l'idéal démocratique : il le tient pour une utopie dangereuse
qui ne peut dégénérer qu'en démagogie et en tyrannie. A l'aune
de ce principe, nous ne sommes pas en démocratie, car nous
sommes dans un régime où la plupart des citoyens sont
individualistes et dépolitisés, donc incapable de gouverner et
d'être gouvernés. Rien ne fait plus défaut à la majorité des
populations occidentales que l'esprit critique.
Ils remplacent cet esprit critique par un esprit moutonnier
terriblement intolérant, selon lequel si l'on n'est pas
favorable d'une manière ou d'une autre à l'impérialisme auquel
ils appartiennent à l'insu de leur plein gré, on est extrémiste
antidémocratique. C'est un comble, le démocrate
antidémocratique, l'anti-impérialiste extrémiste, venant
d'impérialistes antidémocratiques qui utilisent le label
démocratie pour imposer
l'impérialisme et qui font parade d'individualisme plus ou moins
hédoniste, plus ou moins dépolitisé.
Pour finir, sur un note d''optimisme, si lest certain que les
problèmes ne cesseront pas avec la fin de l'impérialisme
occidentaliste, il est des signes que l'impérialisme britannique
que dénonçait le chanteur jamaïcain Peter Tosh est sur le point
de s'effondrer. "400 years and
it's the same philosophy" : enfin la fin de cette
philosophie? La fin de l'impérialisme occidentaliste - oui.
Publié le 23 décembre avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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