Opinion
Very tea
Koffi
Cadjehoun
Dimanche 23
septembre
2012 Depuis plusieurs années, le sénateur
Graham, ancien président de la
Commission sur le renseignement du
Sénat américain à l'époque du 911 et
membre de la Commission
parlementaire de 2004 ad hoc,
dénonçait le caractère mensonger de
la VO telle qu'elle fut édictée à
l'abri de toute légalité par
l'administration W., avec un article
de Kissinger paru sur le site
Internet du Washington Post
et appelant, en réponse au
traumatisme, à lancer la guerre
contre le terrorisme. La commission
de 2004 a commencé par accréditer
cette version scabreuse, puis la
plupart de ses membres se sont
rétractés pour des raisons diverses. La plus sérieuse autocritique émane
de Graham depuis quelques années,
sans qu'on ne la relaye en France,
où tout contestataire de la VO se
trouve apparenté à un complotiste;
mais cette tribune dans le
Huffington Post est d'autant
plus éclairante qu'elle émane d'un
organe de presse démocrate, dont la
fondatrice a dénoncé la
tiers-mondisation des États-Unis et
la politique d'Obama au service de
Wall Street et contre les classes
moyennes (main street).
Pourquoi les médias français ne
relayent-ils pas les accusations de
Graham, qui ne datent pas de cet
article, remontent à plusieurs
années et ont été sorties par des
centaines de sources variées,
abondamment calomniées sous le
vocable stupide et incohérent de
complotisme/conspirationnisme?
La réponse est évidente : les médias
ne servent pas la vérité et ne sont
pas un contre-pouvoir dénonçant les
mensonges et les complots du
pouvoir, mais des services de
propagande soutenus par des
actionnaires favorables à
l'idéologie atlantiste. Que dit
Graham? Le point principal de sa
critique se résume en une phrase :
la VO du 911 est fausse.
Certains le savaient depuis
plusieurs années, de plus en plus
d'Occidentaux dénoncent l'imposture
dans les sondages (il est plus
attendu que les peuples victimes de
l'impérialisme n'y aient adhéré, ce
qui permet à certains médias de
s'interroger doctement sur le
complotisme de la rue
arabo-musulmane et de participer à
l'islamophobie propre au choc des
civilisations des néo-conservateurs
et de leurs mentors britanniques). Mais Graham ne s'arrête pas à
dénoncer l'implication des Saoudiens
dans le 911. Il ne dit pas : ce sont
les Saoudiens qui l'ont perpétré de
A à Z, seuls, sans implication
américaine sur le sol américain,
sans complicité d'autres États - et
de factions financières. Graham ne
dit pas non plus : les Saoudiens ont
fait le coup, comme il dirait : les
Russes did it (par ces temps
de russophobie complaisamment
entretenue par les médias
occidentaux, ce serait assez bien
accepté, avec la résurgence des
théories de l'arc de cercle;
notamment propagées par Brzezinski
depuis Carter, et avant lui par
Lewis, vous savez, celui qui a lancé
le choc des civilisations avant son
élève Huntington). Graham dit : le rapport de la
Commission de 2004 a été censuré de
28 pages cruciales qui mettent en
lumière l'implication des Saoudiens
et qui depuis ont toujours été
couverts par les institutions
américaines, de W. à Obama, en
passant par le FBI et la CIA. La
question fondamentale à poser est
donc : pourquoi les officiels
américains couvrent-ils les crimes
saoudiens contre leur propre peuple?
La réponse se situe dans
l'article de Graham, qui ne se
contente pas d'incriminer les
Saoudiens. 1) Graham pose la question : "Les
pirates de l'air ont-ils agi seuls
ou ont-ils bénéficié du soutien
d'autres puissances que celles
connues des leaders d'Al-Qaïda - un
réseau équivalent qui leur aurait
fourni fonds, assistance et
couverture ?" Si Graham parle au
pluriel de "puissances", c'est qu'il
n'incrimine pas seulement les
Saoudiens, mais des cercles dont les
Saoudiens ont fait partie. Par
ailleurs, le choix de puissances
en lieu et place d'Etats ou
d'institutions montre que
Graham incrimine des structures
autres que des États. Je crains
qu'il ne subodore lui-même
l'implication de cercles financiers
derrière la main saoudienne, comme
l'accord al-Yamamah le montre.
2) Graham continue ses questions
dévastatrices : "Si les
terroristes disposaient alors d'un
réseau de soutien, pourquoi
devrions-nous penser qu'il a été
démantelé ? Il est peut-être
toujours actif, capable de soutenir
Al-Qaïda ou l'un des nombreux
groupes extrémistes haïssant les
États-Unis." Le sénateur parle
d'un enjeu de sécurité nationale :
si le réseau n'a pas été
démantelé, c'est qu'il est toujours
actif sur le sol américain.
Graham ne vise pas seulement des
Saoudiens vivant en Arabie saoudite
et ayant fomenté le complot du 911
il y a plus de dix ans maintenant.
Par ailleurs, l'identité d'al Quaeda
se trouve démystifié : il ne s'agit
pas d'un groupe indépendant et
hiérarchisé, mais de cellules qui
furent créées par l'Arabie saoudite
pour lutter avec les Afghans et
contre les Soviétiques
(officieusement, cette base de
données servit à alimenter les
finances du trafic de drogue dans la
région, puis fut recyclé dans les
différentes guerres menées par
l'OTAN, comme en Yougoslavie, avec
de multiples soubresauts
stratégiques, al Quaeda servant les
intérêts atlantistes, puis servant
d'ennemi insaisissable, enfin se
trouvant réhabilité dans les
Printemps arabes Inc., des
récupérations
contre-révolutionnaires de colères
autochtones contre les régimes
dictatoriaux de la région).
3) Puis Graham attaque les
accusations principales. A partir de
son rappel des évidences de
l'implication saoudienne sur le sol
américain, il en vient à poser la
question sans laquelle ses
accusations ressortiraient du déni,
voire couvriraient le mensonge
islamophobe : sachant les
connivences institutionnelles entre
les États-Unis et l'Arabie saoudite,
comment les agissements criminels
des Saoudiens, ayant permis le 911,
ont-ils pu demeurer couverts? Graham
pointe du doigt la complicité des
organes de sécurité des institutions
américaines, qui n'ont pas seulement
failli, comme s'ingénient à le
clamer les béotiens, mais qui ont
couvert sciemment le complot. Graham
incrimine le FBI, le célèbre bureau
de renseignements chargé des
affaires intérieures, qui se
trouvait en charge de l'enquête sur
le 911 : "Quand
l'affaire de Sarasota éclata en
septembre 2011, le FBI produisit
deux communiqués". La question
du silence complice du FBI, qui a
couvert la complicité active des
Saoudiens, comme celle passive des
Israéliens, recoupe d'autres
collusions de même type : la CIA,
d'autres services de renseignements,
certains liés aux armées américaines
ou au Pentagone.
Je profite de la mention de
l'implication israélienne pour
rappeler qu'elle se trouve
mentionnée par le journal israélien
de gauche Haaretz, peu soupçonnable
d'antisémitisme (terme impropre de
surcroit) et que le fait
d'incriminer des factions sionistes
et/ou israéliennes dans le 911 ne
signifie en rien que l'on accuse les
juifs, les Israéliens ou les
sionistes d'avoir fomenté le 911,
tant s'en faut. Comme de nombreux
dénonciateurs de la VO mensongère du
911, j'ai du respect pour les juifs,
qui sont pour moi des citoyens
normaux, et j'éprouve de
l'admiration pour certains aspects
de la culture juive, qui recèlent de
trésors d'intelligence et
d'humanisme. Au lieu de craindre les
calomnies, agissons avec les
Israéliens comme avec les Saoudiens
: si des implications officielles
d'éléments saoudiens existent, que
les coupables seuls soient condamnés
- et que l'on désamalgame les
islamistes, les musulmans et les
Arabes de certains Saoudiens, comme
l'on désamalgame les juifs, les
sionistes ou les Israéliens de
certains groupes soupçonnables à
juste titre. Et qu'on en arrête avec
l'accusation amalgamante
d'antisémitisme, aussi peu cohérente
que le créneau du complotisme/conspirationnisme.
4) Graham va plus loin. Il veut
montrer qu'au-delà de l'inanité de
la VO et de l'implication
saoudienne, il serait réducteur et
dangereux d'en rester à
l'implication de certaines
autorités américaines (minoritaires)
contre leur propre population. Pour
Graham, le slogan : "911 was an
inside job" est terriblement
réducteur. S'il est certain
qu'au-delà du nominal FBI, les
Saoudiens n'ont pu agir sans lien
américain sur le sol américain,
d'autant que les alliances solides
entre Saoudiens et Américains
remontent à la Seconde guerre
mondiale, le problème est plus
profond. Graham évoquait les
puissances ayant soutenu al Quaeda
et aidé les Saoudiens. Il va en
nommer la partie la plus proéminente
: "En juillet dernier, le
sous-comité permanent aux
investigations du Sénat, le Comité
de la sécurité intérieure, a publié
un rapport reprochant au
géant de la banque HSBC d'avoir
ignoré les liens de financement avec
le terrorisme de Al Rahji Bank, la
banque privée la plus importante
d'Arabie Saoudite". L'accusation
n'est pas innocente : suite au
rapport
de la sous-commission d'enquête du
Sénat américain, que Graham ne peut
que très bien connaître, l'affaire
HSBC a éclaté. HSBC se trouve
accusée d'être
l’une de principales lessiveuses
d’argent sale des cartels de la
drogue à l’échelle mondiale. En
particulier, elle :
- a hérité des comptes en banque de
personnalités saoudiennes lorsque
fut fermée la banque
Riggs de Washington,
après les attentats du 911. Se
trouve impliqué le prince Bandar
"Bush" ben Sultan, qui serait mort
dans un attentat en Arabie saoudite
fin juillet. Il aurait reversé de
l'argent à des agents saoudiens, qui
à leur tour auraient aidé certains
des présumés pirates de l'air
du 911.
- a entretenu des connexions
solides avec l'al Rahji Bank,
connue pour soutenir al Qaeda et
le terrorisme international
avant et après le 911.
5) Graham accuse certains financiers
saoudiens de premier plan de
collusions via des organisations
caritatives wahabbites avec le
cerveau présumé des attentats du
911, le complaisant KSM, qui a
reconnu sa culpabilité à Guantanamo
suite à des pratiques de torture
intensives. Le lien entre la HSBC et
l'al Rahji Bank n'est pas anodin :
de même que les banques saoudiennes
sont liées aux banques américaines
et britanniques via la City et Wall
Street, de même l'implication dans
le 911 des Saoudiens, notamment du
prince Bandar, n'a pu s'effectuer
sans la complicité d'Américains et
surtout de Britanniques. A cet
égard, il faudrait monter du doigt
les factions anglophiles sur le sol
américain, dont Wall Street
constitue le meilleur terreau (mais
les milieux de Chicago, dont Obama
est issu, constituent une
alternative solide). Le prince
Bandar est au centre de l'affaire de
financement du terrorisme
international al-Yamamah, qui
implique la multinationale
britannique BAE. La collusion entre
l'Empire britannique et l'Arabie
saoudite intervient à ce niveau.
Londres fut accusé par les services
secrets français d'abriter le
Londonistan, pépinière complaisante
de foyers terroristes multiples,
notamment islamistes, et notamment
saoudiens.
Conclusion : l'accusation de
Graham visant les Saoudiens implique
les Américains à différents niveaux
(officiels comme financiers), mais
surtout les Britanniques, via la
HSBC. Si l'on ne comprend pas ce
lien, l'on passe à côté de
l'essentiel : le changement de
stratégie politique qu'a permis le
911 a débouché sur la guerre contre
le terrorisme, dont les effets ont
encore gradé depuis l'assassinat
ubuesque d'Oussama. Désormais, nous
nous trouvons dans une spirale de
chaos, dont les Libyens et les
Syriens sont les victimes du moment,
avec les mêmes mensonges (la
promesse démocratique) et les même
bailleurs (les Saoudiens & Cie.)
L'effort de Graham pour obtenir la
vérité derrière l'écran de fumée
actuel (entre VO mensongère et
dénonciations vagues) est d'autant
plus salvateur qu'il intervient pour
enrayer le processus de guerre
nucléaire, dont le 911 fut
l'étincelle symptomatique. Si nous
persistons à couvrir les mensonges
autour du 911, comme l'ingérence
démocratique dans les Printemps
arabes au nom de la R2P, l'Occident
affrontera d'ici peu la Russie et la
Chine dans des conflits dont les
répercussions peuvent être
dramatiques. Ce n'est pas moi qui le
dis, c'est le chef d'Etat-major
américain le général Dempsey, qui
s'oppose à Obama et aux faucons
Israéliens concernant l'intervention
contre l'Iran et qui a peur de
répercussions nucléaires contre la
Russie et la Chine.
Nous en sommes en train de voir
pourquoi la provocation du 911,
attentat médiatisé à outrance, fut
intentée : pour légitimer le conflit
qui survient, possiblement
nucléaire, entre l'Occident et
l'Asie. L'Occident en faillite, la
City et ses paradis fiscaux, n'a
d'autre choix pour prolonger sa
domination que la guerre. Jamais les
populations occidentales n'auraient
accepté le choix s'il avait été
livré franco (de porc). Par
contre, le 911 a légitimé le
changement de politique, au point
que la plupart des Occidentaux
condamnent confusément l'invasion de
l'Irak en approuvant celle de
l'Afghanistan, pourtant tout aussi
illégale (mais oui).
L'intervention de Graham, figure du
Parti démocrate, est un camouflet
contre Obama, en pleine campagne de
réélection. Obama a trahi tous ses
idéaux, renflouant les financiers et
ruinant encore plus les classes
moyennes (prolongeant l'action de
son prédécesseur républicain W.). Il
avait promis aux familles des
victimes du 911, qui pour beaucoup
condamnent la VO inepte, de réouvrir
l'enquête et de rendre public le
rapport classifié de 28 pages sur
les implications saoudiennes. Fidèle
à ses mensonges éhontés, il a
ordonné au procureur Kagan en mai
2009 d'empêcher toute poursuite
contre les Saoudiens, comme il a
étendu la pratique de la torture,
notamment à Guantanamo, comme il a
légalisé l'assassinat sans jugement
sur décret présidentiel, comme il a
autorisé les Etats-Unis à guerroyer
contre la Libye sans autorisation
démocratique du Congrès, comme il a
permis l'assassinat de Kadahfi, chef
d'Etat en exercice...
Espérons que l'intervention
vertueuse de Graham n'est pas trop
tardive. Il ne s'agit pas de limiter
les accusations aux Saoudiens,
commodes boucs émissaires, ou de
couper les liens entre le prétexte
du 911 et l'actuelle crise
systémique mondiale, qui a poussé
les financiers à changer de
stratégie, passant des accords de
souveraineté entre Etats-nations au
chaos impérialiste. Il s'agit de
démasquer les multiples rouages de
l'Empire britannique. Dans le 911,
la principale connexion se situe
entre Saoudiens et Britanniques.
Elle n'exclut pas l'implication plus
lointaine de certains cercles
israéliens ou la participation
suicidaire de certaines factions
américaines sur leur propre sol. Au
fond, tous croient tirer profit de
leur participation à l'impérialisme
dominant, pour des motifs divers et
contradictoires, sans se rendre
compte qu'ils servent une stratégie
qui les dessert et les pousse au
suicide. Quand je dis : "les", je
pourrais dire : "nous". Car nous
sommes tous impliqués, au moins par
intérêts mal compris, parfois par
lâcheté (la guerre, ça fait peur, le
complot, ça sent le roussi).
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