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Au cours du réel
Le complot de la
théorie
Koffi Cadjehoun
Pierre-André Taguieff
Dimanche 20
décembre 2009
« Les intellectuels ne savent
rien. »
Popper à 83 ans dans sa conférence de Zurich
La recherche de
la paix (Toute vie est résolution de problème).
Taguieff a cessé tout travail
sérieux depuis belle lurette.
On m'annonce qu'une émission invite le sieur Taguieff. Taguieff,
vous savez? Le propagandiste qui a depuis longtemps abandonné
toute étude critique sérieuse pour se lancer sous couvert de
philosophie, de politologie et autres pratiques intellectuelles
académiques et prestigieuses dans l'examen à peine
désorienté de la
nouvelle judéophobie et de la théorie du complot. Taguieff se
présente en outre comme un expert de l'extrême-droite, du
nationalisme et de toutes ces composantes. Si l'on veut un
portrait de ce Taguieff, que l'on consulte cet excellent article
de Silvia Cattori (un de plus) :
http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article1530
Taguieff se montre si partisan qu'il ne saurait en aucun cas
faire montre d'honnêteté et de lucidité. Taguieff est un
néo-conservateur français notoire, proche du cercle de
l'Oratoire et de revues affiliées comme
Le Meilleur des mondes.
Il est conseiller du CRIF. Taguieff est un sioniste outrageux,
qui sous son concept fumeux de nouvelle judéophobie essaye
d'importer en France le nouvel antisémitisme de son pair et
compère expert Pipes des États-Unis. Ces théories viennent de
cervelles frottées d'impérialisme britannique, comme les
productions impérissables de Bernard Lewis concernant l'Islam.
Lorsque Taguieff déclare qu'il lutte contre tous les racistes,
il est antiraciste comme un BHL : il est sioniste et lutte
contre sa nouvelle judéophobie. A ce propos, la
nouvelle judéophobie est
du même tonneau que les
nouveaux philosophes : le terme
nouveau indique la
nullité du propos et la mauvaise foi rhétorique. Il évoque
tellement le sujet de l'antisémitisme (terme impropre dans son
usage contextualisé) que l'on peine à trouver dans la foultitude
des publications de notre graphomane judéophile maniaque une
exhaustive représentation de l'antiracisme.
Mise au point importante : Taguieff n'est pas du tout
antiraciste. Il essaye sous couvert d'antiracisme d'amalgamer la
véritable judéophobie avec la critique du sionisme. Si tel est
le cas, Taguieff joue un petit jeu pervers. Est-ce la raison
pour laquelle notre intellectuel-propagandiste de choc se trouve
invité sur le plateau de Raphaël Enthoven pour une émission
consacrée à la théorie du complot?
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/chemins/index.php
Enthoven Jr. est le fils de Jean-Paul Enthoven, éditeur de la
place parisianiste qui s'est spécialisé dans la promotion
d'écrivains creux et médiatiques comme le philosophe Michel
Onfray, hédoniste de chic, ou le romancier Alexandre Jardin,
dont le succès n'a d'égal que la mièvrerie
adulescente consommée.
Enthoven Sr. est de surcroît l'ami et l'éditeur de BHL. Le monde
est petit puisque le fils d'Enthoven Sr. invite le spécialiste
de la nouvelle judéophobie pour évoquer le sujet de la théorie
du complot.
Pour cerner les méandres nauséabondes de ce marigot
germanopratin, ajoutons qu'au rayon ragots malheureusement
véridiques - et vérifiables, Enthoven Jr. a réussi l'exploit
décadent de piquer à son père sa maîtresse pour concevoir avec
elle un enfant. Ladite maîtresse a fait du chemin depuis. Quand
on lit les productions philosophiques d'Enthoven Jr., on se dit
que les seules conceptions
pertinentes qu'il a eues dans son existence d'historien
gourmé sont d'ordre biologique. C'est réconfortant et cela en
dit long sur la médiocrité des élites intellectuelles
médiatiques.
Dans le cas présent, un sioniste de la mouvance BHL invite un
autre sioniste de la mouvance néo-conservatrice. Autant dire que
le débat promet d'être lucide et mesuré. Bien entendu, en aucun
cas, les auditeurs de cette émission ne seront informés du
parcours intellectuel des intervenants. Enthoven Jr. et Taguieff
essayeront au contraire d'éblouir leur monde, au sens
sophistique, avec leurs diplômes, leur facilité rhétorique et
leurs connaissances dévoyées. Cette émission se veut une
plate-forme radiophonique de conversation Grand Siècle - elle
est explicitement un agrégat nauséeux de propagande sioniste et
néo-conservatrice.
Si l'on s'attache à l'émission qui invite en guise d'expertise
impartiale et objective le plus engagé et le plus partial des
experts, nous ne l'avons pas écoutée. En vaut-elle la peine?
Rien n'est moins sûr. Mais comme nous avons lu Taguieff et que
nous connaissons par cœur l'écœurante critique systémique et
stéréotypée de la vulgaire actuelle théorie du complot, nous
n'avons pas perdu notre temps en faisant la vaisselle - en lieu
et place. Nous aurions pu tout aussi bien nous consacrer avec
profit à l'étude des merles ou des merlans, nous n'aurions
qu'élevé le niveau d'un débat programmé pour la médiocrité.
Résultat des courses : tous ceux qui reprennent en cœur
l'antienne de la critique faisandée de la théorie du complot
font montre de médiocrité, voire de vice intellectuel. Le
discours de Taguieff est calqué sur le modèle rhétorique des
propagandistes : il est prévisible parce qu'il est prévu à
l'avance. Il répète parce qu'il n'est pas un discours de
création, mais un discours au service
de. La preuve : Taguieff
déverse un discours qui recoupe sur ses points majeurs les
discours d'autres experts - qui théorisent sur des sujets
identiques, que ce soit le nouvel antisémitisme (la nouvelle
judéophobie), le pseudo-antiracisme ou l'examen critique des
théories du complot.
Taguieff a cessé tout travail sérieux depuis belle lurette pour
une raison précise : quand on étudie un sujet, on ne peut se
placer du côté des plus forts si l'on veut obtenir une
quelconque pertinence et une quelconque richesse créative. La
critique qui se place du côté des plus forts est condamnée à
déverser un chapelet de programmes préconçus et réactionnaires.
Outre que cette critique est irrationnelle par définition, elle
présente le navrant inconvénient d'aller à l'encontre de toute
possibilité de critique. La critique et le pouvoir font mauvais
ménage, si bien que les seuls discours dans le sens du pouvoir
sont d'essence hagiographique.
Tout discours critique conduit à critiquer le pouvoir, ce qui
n'est pas compatible avec le pouvoir. On exerce le pouvoir ou on
le critique. Le pouvoir tu l'aimes ou tu le critiques. Taguieff
en se plaçant du côté du pouvoir a obtenu une estime certaine -
fort relative. Il a aussi vendu son âme d'intellectuel au démon
de la propagande. Il est tout au plus un hagiographe illusionné
d'un certain sionisme aveugle. Qui se souviendra de Taguieff
dans cinquante ans? C'est dommage, car Taguieff avait plus de
valeur intellectuelle qu'un pur répétiteur snob et creux comme
Enthoven Jr.
Maintenant que nous lisons la citation qui apparaît en exergue
de la page de l'émission, citation de Popper - un logicien
serviteur du libéralisme, nous vérifions que l'invité Taguieff
et le présentateur Enthoven sont des relais français d'un
certain discours partial et réducteur qui est spécifiquement
sioniste et qui en fait relève de l'impérialisme britannique :
"On ne croit plus aux machinations des divinités homériques,
auxquelles on imputait les péripéties de la Guerre de Troie.
Mais ce sont les Sages de Sion, les monopoles, les capitalistes
ou les impérialistes qui ont pris la place des dieux de l’Olympe
homérique" (Karl Popper, Prédiction et prophéties dans les
sciences sociales (1948) dans La société ouverte et ses
ennemis).
Cette citation a le mérite de sa clarté. Que nous dit Popper qui
par ailleurs a pondu une citation assez intéressante sur les
complots? Que nous sommes passés d'un monde religieux à un monde
purement humain. Dans l'univers poétique d'Homère, les complots
existent bien. Ce sont les machinations des dieux du polythéisme
hellène. C'est-à-dire qu'on explique l'avènement des événements
humains, comme les guerres, par des complots et des agissements
divins. Dès le départ, on rappelle que le complot est une
structure fondamentale des agissements, même si elle n'est pas
la principale structure de ces agissements.
1) Il est de la plus haute importance de montrer que dans la
mentalité antique, le complot existe de manière irréfutable;
2) le complot ne saurait expliquer le principal des agissements.
Ce qui est vrai pour les dieux l'est tout autant pour les
hommes. De ce point de vue, les agissements des dieux sont
projetés à partir des agissements des hommes, à ceci près que
les dieux sont parés d'un pouvoir d'action et partant de
manipulation plus grand que le pouvoir des hommes. Les hommes
dépendent des dieux, mais fonctionnent d'une manière similaire.
Dans le monde moderne, auquel Popper le libéral souscrit d'une
manière aveugle, les hommes ont remplacé les dieux. Plus
question d'expliquer les agissements des hommes par les
influences des dieux.
Du coup, on se retrouve avec des mythes de complots qui seraient
faux et délirants. C'est-à-dire que Popper estime dans une
perspective hyperrationaliste que l'explication religieuse
ressortit de la superstition et que l'explication par la théorie
du complot est aussi fausse que l'explication religieuse. Pour
un logicien, Popper commet une faute de raisonnement grossière :
s'il est possible de démontrer qu'une théorie humaine est
fausse, il est impossible de démontrer que le divin, polythéiste
ou monothéiste, n'existe pas.
Comparaison n'est pas raison : Popper aurait dû s'en souvenir au
lieu de nous débiter une équivalence bancale qui a valeur
d'amalgame. Partant sur des bases réflexives aussi simplistes et
réductrices, comment s'étonner que Popper ne soit cité ici par
la bande à Enthoven Jr. que comme un critique qui dénoncerait
les complots - théories fausses et paranoïaques? Selon cette
citation, il ressort que les complots humains n'existeraient pas
davantage que les complots divins.
Pourtant, Popper est le même penseur qui a expliqué que "les
complots existent mais sont à peu près toujours des échecs" et
que, ainsi, « les conspirateurs profitent
très rarement de leur conspiration. »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_complot
Popper reconnaît que les complots existent. Autrement dit, il
coule de source à la lecture de l'histoire humaine que les
complots sont une composante essentielle du fonctionnement
humain et que plus l'enjeu est important, plus les complots ont
une probabilité d'advenir. Mais alors? Selon Popper lui-même,
les complots existent bel et bien
à côté des théories du
complot. La théorie du complot désigne une théorie fausse visant
à expliquer l'ensemble de la réalité humaine par des complots
quand les complots sont irréfutables et renvoient à des actions
isolées et partielles.
La critique de Popper est une critique de la théorie du complot,
comme le montre Wikipédia
: "Pour Popper, recourir à la théorie du complot pour
comprendre le monde est une erreur : cela revient à affirmer que
tous les événements sont la résultante d'actions délibérées,
effectuées par des personnes qui auraient des intérêts communs
et non-contradictoires à ces résultats, et qu'il leur est
possible de prévoir avec certitude les conséquences futures
d'actions données. Or, pour Popper, rien n'est plus contestable
que ce présupposé de départ sur lequel est bâtie toute théorie
du complot : il écrit ainsi qu'il est très rare que des actions
provoquent exactement le résultat souhaité ou prévu, il y a
toujours des effets secondaires imprévus."
Taguieff lui-même ne dit pas autre chose quand il distingue
quatre principes derrière la théorie du complot :
"Rien n'arrive par accident;
Tout ce qui arrive est le résultat d'intentions ou de volontés
cachées;
Rien n'est tel qu'il parait être;
Tout est lié, mais de façon occulte." (L'Imaginaire du
complot mondial).
Taguieff critique les théories du complot, mais en aucun cas les
complots. Le discours qui critique les théories du complot
devient un discours malhonnête et réducteur dès qu'il assimile
théorie du complot avec complot. Si les théories du complot
existent bel et bien, elles ne sauraient en aucun cas expliquer
l'existence des complots.
Le discours d'un Taguieff est par conséquent plus pervers encore
que mensonger. Personne ne conteste que les théories du complot
existent et soient fausses. Personne ne conteste que des
complots soient faux. A côté de ces deux catégories qui sont à
critiquer effectivement, un discours critique sain (au sens de
jugement sain) autour du complot se doit de rappeler l'essentiel
: les complots existent à tel point qu'ils parsèment l'histoire.
Le fait d'amalgamer théorie du complot et complot est un acte
qui détruit la pertinence d'une critique honnête et fondée du
complot.
La théorie du complot telle qu'elle est déployée et utilisée par
des théoriciens propagandistes comme Taguieff en France vise à
insinuer que le complot et la théorie du complot sont au fond
une seule et même opération, qui plus est erronée. Au fond, ce
genre d'experts qui répercute la pensée des élites financières
et de ses soutiens immédiats sionistes vise à expliquer que les
complots n'existent pas.
Il s'agit bien sûr d'une affirmation totalement fausse, qui
cache un grave malaise. On est passé de la critique juste des
théories du complot à la critique fausse des complots.
L'existence des complots est de loin plus signifiante que
l'existence des théories du complot. En conséquence, ce
glissement de sens est une opération de diversion consistant à
montrer du secondaire pour éloigner de l'essentiel.
Vieux truc de bonimenteur. La théorie du complot dans son
utilisation actuelle est une technique propagandiste qui vise à
discréditer sous le générique infamant de théoricien du complot
toute voix qui oserait rappeler que les complots existent (à
profusion). Pourquoi cette opération qui suinte le malaise?
Parce que l'existence de complots en terre immanentiste tend à
fragiliser les institutions démocratiques, laïques et libérales.
Dans une mentalité religieuse, les complots humains sont de
toute façon régis par les agissements des dieux, qu'ils soient
des complots ou non. Cette conception est valable aussi bien
chez les polythéistes que les monothéistes. Comme le rappelle le
Coran, "they plot
and plan but Allah also plans and Allah is the best of Planners."
(Qur’an VIII – 30). Dans
une mentalité immanentiste qui s'est débarrassé du divin, le
complot humain est ultime et devient potentiellement dévastateur
pour la stabilité des institutions.
Popper prétend que l'on véhicule des complots faux en lieu et
place de l'explication religieuse des manigances divines. Il
ajoute que si les complots existent, ils sont destinés à
l'échec. Popper justifie de la stabilité des institutions
démocratiques libérales par le fait que les complots sont soit
faux, soit fats. Autrefois, les comploteurs étaient aveuglés
dans leurs complots par l'exemple divin. Dans les démocraties,
s'ils continuent leurs manigances, c'est qu'ils estiment prendre
la place du divin.
C'est encore plus démesuré. Quand Popper explique son optimisme
libéral par le fait que les complots échouent dans leurs visées,
il a historiquement raison, à ceci près qu'il omet d'analyser
les destructions qu'opèrent les complots. C'est une chose de
relever que les complots ne suivent pas les plans des
comploteurs; c'en est une autre de relever que les complots ont
une portée destructrice manifeste et obvie pour les institutions
des sociétés dans lesquels ils se produisent.
Popper analyse lui aussi le superficiel et en oublie
l'essentiel. Je sais bien qu'il représente un courant mineur de
la philosophie du vingtième siècle, mais je comprends la colère
légendaire de Wittgenstein à son encontre, tison en main : quand
on analyse de manière superficielle un problème, on arrive
presque toujours à une conclusion aussi partielle que partiale.
Cas de Popper avec les complots. Cas dérivés et dégénérés de
Taguieff et Enthoven Jr. ses disciples déclarés, qui se
focalisent sur l'examen critique et dénonciateur de
la théorie du complot pour mieux ne pas poser la question qui
importe : qu'en est-il des complots avérés? Quelle est leur
portée?
Nous n'attendons quand même pas qu'un Taguieff discute avec un
Enthoven du 911, de JFK ou d'autres complots contemporains. Ils
sont trop à la botte du système pour oser mettre sur la table
des polémiques qui risqueraient de menacer leur carrière. Quand
on est mauvais, on mise tout sur la carrière. On sauve par
l'arrivisme social sa médiocrité abyssale - de pensée. Par
contre, se contenter de répercuter avec servilité et mimétisme
le courant idéologique le plus fort, c'est indigne de deux
experts qui se prétendent philosophes.
J'imagine nos deux propagandistes se pourlécher les babines avec
leur délectable sentiment de supériorité. Forts de leur arme
propagandiste de la théorie du complot, ils se gaussent des
élucubrations : quoi, les Illuminatis? Quoi, les Sages de Sion?
Quoi, les banquiers juifs? Désolés, les gars, mais vous avez
tout faux. Je crains que vous ayez faux sur toute la ligne. Zéro
pointé. Sur ce coup, la note salée est assurée. Quand on révèle
la moitié d'une vérité, on sort une erreur complète.
C'est ce qu'on cache qui devient important. Dans le cas présent,
il était plus pertinent de traiter des complots effectifs et
méconnus (pas assez en tout cas) que des théories du complot
fausses et reconnues. C'est pour ne pas aborder le thème des
complots effectifs que nos deux académistes forcenés se sont
ingéniés à rivaliser d'ironie au sujet de complots faux et
délirants. Si je n'ai pas écouté l'émission, le ton en est
prévisible. Il suffit de relever le pédigrée des deux
intervenants, la citation de Popper plus le sujet, exclusivement
centré sur la théorie du complot, pour comprendre que nous
subirons une parodie de débat tronqué présentée comme un modèle
de haute conversation entre deux esprits supérieurs.
Esprit, es-tu là? Esprit, hais-tu, là? Le complexe de
supériorité abrite en son sein vicié et vicieux l'infériorité la
plus irréfragable - et abjecte. La question pertinente
qu'auraient dû poser nos deux parangons de philosophes, c'est :
quelle est l'incidence des complots en régime démocratique
libéral? Pas : quel est l'aspect délirant de la théorie du
complot? Quand on est vraiment supérieur, à tout le moins assuré
de ses propos, on peut se permettre le luxe de la simplicité et
de l'humilité. Le supérieur passe pour simple quand l'inférieur
fait le supérieur. C'est une façade qui est connue des cours de
récréation : le frimeur est un complexé qui frime pour cacher
son erreur et son vice.
Publié le 20 décembre avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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