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Le Quotidien d'Oran
Turquie: cible d'un
tir croisé
Kharroubi Habib
Recep Tayyip Erdogan
Dimanche 15 août 2010
Parce que la politique étrangère turque n'est plus dans
l'alignement inconditionnel sur celles des Etats-Unis et de
l'Union européenne, le Premier ministre turc Recep Tayyip
Erdogan, son gouvernement et son parti l'AKP sont la cible d'une
virulente campagne médiatique diabolisante.
Ceux qui l'orchestrent à coups d'analyses et de commentaires
alarmistes visent à convaincre que sous la houlette d'Erdogan et
de l'AKP, la Turquie est en train de tourner irrémédiablement le
dos à l'Occident et de basculer par solidarité islamiste dans le
camp de ses ennemis les plus extrémistes.
Le soutien qu'Ankara manifeste à l'égard de la cause
palestinienne est transformé en acte de solidarité avec le Hamas
islamiste. Son refus d'intégrer le front anti-iranien dans le
dossier du nucléaire est présenté comme procédant de l'affinité
qu'Erdogan et l'AKP ressentent avec le régime des mollahs.
Mais la preuve la plus tangible qui, aux yeux des censeurs de
la nouvelle politique étrangère turque, accrédite son virage
anti-occidental est l'attitude franchement hostile à Israël
adoptée par Ankara depuis l'agression par celui-ci de la bande
de Ghaza, puis suite à l'arraisonnement tragique de la flottille
pour la paix par la marine sioniste ayant fait neuf morts de
citoyens turcs.
Usant de l'amalgame, la propagande anti-Erdogan et AKP impute
la métamorphose qu'a subie la politique étrangère turque tout à
la fois aux convictions islamistes dont ils seraient imprégnés,
au populisme dans lequel ils baigneraient, et, pour faire bonne
mesure, à leur irrépressible nostalgie de l'Empire ottoman qui
fut en son temps le porte-drapeau des mondes arabe et musulman.
Selon cette propagande, la métamorphose, qui serait en train de
se traduire en «rejet par Ankara d'Israël et de l'Amérique et
par son ralliement au Hamas palestinien et à Téhéran», est
indice que la Turquie aurait choisi de devenir «un pays du
Moyen-Orient» comme les autres, aveuglé par la passion.
Dans le procès qui est ainsi fait au gouvernement de l'AKP, il
n'est pourtant nullement évoqué la responsabilité des Etats
occidentaux et d'Israël dans les révisions que celui-ci a
opérées dans la politique étrangère turque. N'est-ce pas l'Union
européenne par exemple, qui, en humiliant Ankara au sujet de sa
candidature à l'adhésion européenne, l'a contraint à opter pour
l'alternative d'affirmer sa personnalité islamique et sa
proximité avec le monde arabo-musulman ? Israël n'a-t-il pas
avivé le sentiment de solidarité islamique du peuple turc en
agressant, avec l'atrocité que l'on sait, la population
ghazaouie et provoqué sa fierté nationale en attaquant le bateau
turc faisant partie de la flottille de la paix ?
Erdogan n'est pas le «fou de Dieu» dont la propagande
israélo-occidentale s'échine à camper l'image. C'est un homme
d'Etat qui ne veut plus que son pays soit uniquement préposé à
la défense des intérêts occidentaux. Rôle qu'il a assumé pendant
des décennies, pour n'en retirer que de maigres et
circonstanciels dividendes. C'est un tout autre rôle qu'il veut
que la Turquie joue dorénavant. Celui d'un pays et d'un Etat qui
ont des intérêts internationaux et régionaux dont ils sont seuls
juges.
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