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Le Quotidien d'Oran
Mohamed VI plus
réactif que Bouteflika
Kharroubi Habib
Samedi 12 mars 2011
Alors que dans l'Algérie voisine, Bouteflika refuse ou
hésite à faire réponse à la demande de changement politique
qui s'exprime dans le pays, au Maroc, le roi Mohammed VI
donne l'impression d'avoir entendu celle de même nature
réclamée par son peuple. Il l'a manifesté sous la forme de
l'annonce de réformes visant à renforcer le statut du
Premier ministre, l'élargissement des libertés
individuelles, l'indépendance de la justice, la
régionalisation du royaume et la reconnaissance
constitutionnelle pour la première fois de la composante
berbère amazigh de l'identité marocaine. Dans un premier
temps pourtant, Mohammed VI a semblé avoir opté pour faire
la sourde oreille aux revendications de caractère politique
scandées par les manifestants descendus dans la rue au
Maroc, portés par l'onde de choc créée par les révolutions
du jasmin en Tunisie et de la place Et-Tahrir en Egypte.
S'il a changé son fusil d'épaule et opté pour des
concessions de changement, c'est au constat que le Maroc ne
constitue pas l'exception à l'abri de l'ébullition
démocratique à l'œuvre dans le monde arabe. La montée en
puissance des manifestations de rue dont le Maroc est le
théâtre d'une semaine à l'autre s'inscrit en faux contre la
vision idyllique d'un royaume où la revendication
démocratique n'aurait pas d'effet mobilisateur sur le peuple
grâce aux réformes déjà accomplies par le Trône et le
Makhzen.
Mohammed VI a lâché du lest, avec le calcul que les réformes
annoncées par lui permettront d'enrayer la radicalisation de
la revendication populaire portant sur la nature du régime.
Celle-ci n'a pas en effet remis en cause la monarchie en
tant que système de pouvoir, mais exige qu'elle renonce à
son caractère absolu. Reste à savoir si la réforme promise
dans ce sens, consistant à faire du Premier ministère et du
gouvernement des institutions échappant quelque peu à
l'autorité souveraine du Trône, sera suffisante pour faire
retomber le vent de fronde populaire qui souffle sur le
Trône.
Mohammed VI a manifestement usé de diversion sur la question
de la transformation de la monarchie absolue en monarchie
constitutionnelle en focalisant le débat sur la
régionalisation du royaume et la reconnaissance de la
composante berbère amazigh de l'identité marocaine. Par ces
deux réformes annoncées, et celle concernant le nouveau
statut qui sera accordé au Premier ministre (choisi au sein
de la majorité parlementaire et responsable devant le
Parlement), le monarque pense peut-être qu'il sera quitte
pour conserver au Trône l'essentiel des pouvoirs sans
contrepoids qui sont les siens.
Toute la question est de savoir quel accueil la population
marocaine et les contestataires les plus déterminés de la
monarchie absolue vont réserver aux promesses d'ouverture
démocratique faites par le roi. A cet égard, la
manifestation populaire de contestation programmée pour le
20 mars dans le royaume sera un indicateur de premier ordre.
L'on saura alors si les Marocains auront été satisfaits des
annonces royales, ou si, comme au Bahreïn, ils en sont au
contraire à envisager de poursuivre leur mouvement afin d'en
finir avec la monarchie par l'instauration d'un régime
républicain démocratique.
Dans le monde arabe, il ne reste que le régime algérien à
persister à croire qu'il n'est pas confronté à l'exigence de
changement. Tout comme ses homologues dans la région, il
finira pourtant par se rendre à l'évidence. Mais alors
peut-être ce sera trop tard pour que le changement s'opère
par «un dialogue responsable et une expression civilisée»,
comme l'a affirmé récemment le président Bouteflika.
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