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TLAXCALA

Des rédacteurs pro-israéliens cherchent à influencer 
la télévision satellitaire en anglais Al-Jazeera International
 
Khalid Amayreh

15 septembre 2006

Quand la télévision par satellite panarabe Al-Jazeera basée au Qatar a annoncé il y a deux ans les plans pour lancer Al-Jazeera International (AJI), beaucoup de gens de par le monde espéraient que la nouvelle chaîne satellitaire fournirait une alternative véritable aux médias occidentaux notoirement polarisés, qui souvent travaillent assurément sous une influence sioniste.

Le nouvelle chaîne, dont le lancement a été différé plusieurs fois pour différentes raisons, fournira le point de vue régional et global à un public potentiel de centaines de millions d'anglophones.

AJI est la première chaîne d’information mondiale en langue anglaise siégeant au Moyen-Orient, avec la gestion des nouvelles tournant autour des centres de diffusion d’Athènes, de Doha, de Londres, de Washington, et de  Kuala Lumpur.

AJI a déjà attiré un certain nombre de sommités du monde de la diffusion TV, incluant des gens tels que Messieurs David Frost et Riz Khan.

Cependant, il semble qu’une déconvenue attende ceux qui comptaient voir une chaîne de télévision mondiale équitable et objective, et surtout libérée de la vision mondiale anglo-américaine (et israélienne) habituelle.

En fait, il y a déjà des signes inquiétants montrant que des sympathisants pro-israéliens, dont certains ont une expérience à la BBC, tentent déjà de contrôler la politique éditoriale de la nouvelle chaîne, tous au titre du professionnalisme et des normes journalistiques.

L’auteur de ces lignes, qui avait travaillé pour aljazeera.net/English (qui a été maintenant incorporé à AJI) a découvert par hasard les efforts de quelques-uns des rédacteurs occidentaux les plus hauts placés à AJI, visant à réduire au minimum et à éviter autant que possible la publication d’articles, particulièrement les nouvelles d’actualité et les articles de fond, dépeignant Israël sous un mauvais jour et exposant les pratiques de l’occupation israélienne contre les Palestiniens.

Cette tendance est devenue vraiment très visible ces derniers temps. Par exemple, Aljazeera.net/English refuse de rapporter les importants événements dignes d’être rapportés sur Israël, tel que la reconnaissance par un officier israélien que l'armée de l'air israélienne a disséminé plus d’un million de grappes de bombes à fragmentation sur le Liban pendant la dernière guerre contre le Hezbollah.

De même, une information citant Eifi Eitam, le dirigeant d'un parti de la droite israélienne, réclamant l'expulsion des Palestiniens des territoires occupés, a été gardée sous silence, même après que AJI eut été avisée du sujet.

Il y a des douzaines, sinon des centaines, d'exemples semblables, tous montrant que AJI évite sciemment et délibérément la couverture sérieuse de la condition critique des Palestiniens, surtout dans sa partie grand reportage qui foisonne de toutes sortes de reportages sur des sujets  et événements les plus divers et même incongrus.

Plus tôt cette année, l’un des rédacteurs pro-israéliens a rejeté avec mépris la mise en manchette d’un récit de vie quotidienne sur un étudiant, du collège palestinien de Al-Najah à Naplouse, qui a perdu son œil droit à cause d’une balle en caoutchouc israélienne pendant qu’il rentrait chez lui du .

Le rédacteur principal, Vince Ryan, a argué du fait que le sujet n'était pas une priorité et que aljazeera.net/English préparerait une couverture plus complète des cas semblables plus tard. Bien sûr, la couverture promise n’a jamais été réalisée.

Par la suite, grâce à un plaidoyer soutenu du soussigné, l'article, l’un des meilleurs que j'aie jamais écrit, a été mis en ligne. (voir La menace des balles en caoutchouc en Cisjordanie)

Ryan ne m'a apparemment jamais pardonné mon « audace » comme le prouve son comportement ultérieur. Dans la troisième semaine de juin cette année, j'ai présenté un article sur des enfants et des mineurs palestiniens tués par l'armée israélienne et des colons juifs paramilitaires. L'article s’appuyait sur des statistiques diffusées par le Ministère de la Santé palestinien.

Cependant, en voyant l’article, au lieu de me remercier et sans plus réfléchir, Ryan m'a écrit que j’étais un menteur et que l'information contenue dans l'article était fausse. Tout cela sur  un ton vindicatif et nerveux.

Incapable de raisonner l'homme, qui d'ailleurs n’a jamais accepté même une simple proposition pour un article de fond qu’il voyait comme « anti-israélien », (j'ai proposé de nombreuses idées pour des nouvelles et des articles) je me suis tourné vers Russell Merryman, le rédacteur en chef pour Internet et les services des nouvelles médiatiques de AJI, qui est probablement aujourd'hui l'employé de AIJ le plus pro-israélien.

Au lieu de traiter l’affaire professionnellement, Merryman a lancé une tirade contre moi, m'accusant de manquer de professionnalisme et de violer l'éthique professionnelle d'Al-Jazeera.

Il a argué qu’employer des termes tels que « martyres » même dans une citation n’était pas professionnel. (La plupart des médias arabes utilisent ce terme en référence aux Palestiniens tués par l'armée israélienne). C'est le même homme qui de bonne grâce met en ligne des citations de porte-parole de l'armée israélienne et de dirigeants juifs qui diffament les Palestiniens en les appelant « terroristes, meurtriers et gangsters ».

Découvrant qu'il n'avait rien à me reprocher, Merryman a recouru à la tactique de la diversion, m'accusant de créer la confusion et l'agitation sur aljzeera.net à partir de la Cisjordanie –dont les autorités d’occupation m’interdisent de sortir. Et, après un bref échange par courriel, il m'a dit que j’étais licencié.

J'avais écrit probablement plus de 300 articles pour le site web en anglais de aljazeera.net, plus que tout autre, sans jamais vraiment rencontrer un quelconque problème avec les rédacteurs précédents. À vrai dire, Merryman lui-même, quand il a commencé à travailler sur aljazeera.net en 2005, m’a félicité pour mon professionnalisme et mon expérience journalistique.

Je ne suis pas bien sûr de la raison pour laquelle Merryman s'est comporté comme il l’a fait. Il est tout à fait possible qu'il a été conseillé ou embobiné par certains de ses amis sionistes pour s'assurer que les articles « anti-israéliens » soient rejetés.

Mais j'ai mes soupçons qui, j’en suis sûr, seront prouvés un jour.

Il se peut qu'il ait voulu que AJI fasse de la couverture du conflit palestino-israélien une copie carbone de celle de la BBC où il avait passé plusieurs années comme producteur, présentateur et rédacteur de nouvelles.

Ce serait un vrai désastre, vraiment. On doit à la couverture cumulative par la BBC de l’occupation israélienne de la Palestine, au moins en partie, qu'une majorité de la jeunesse britannique en est venue à penser que les Palestiniens sont « les colons » et les juifs les victimes de la « violence des colons palestiniens, » comme cela a été révélé dans un sondage de l'opinion britannique il y a quelques années. Oui, naturellement, il est important d'être neutre et impartial dans la couverture des conflits internationaux. Mais il est bien plus important d'être honnête dans le traitement des conflits asymétriques où un côté est occupé et opprimé et l'autre est occupant et oppresseur.

Finalement, bien qu’un peu tard, l'administration d'Al-Jazeera a pris conscience (je ne sais pas dans quelle mesure) du lobby pro-israélien silencieux mais réel qui s’est développée sans bruit mais progressivement à l’intérieur d’AJI.

Ce développement s’est manifesté principalement de deux manières: la neutralisation des correspondants palestiniens en Israël et des territoires palestiniens occupés et la confiance totale dans les rapports de l’agence de presse usaméricaine Associated Press (AP), vue par beaucoup comme « l’agence de presse suprême d'Israël ».

Inutile de dire, que les rapports de cette agence, dont les bureaux de Jérusalem sont peuplés de zélotes juifs américains extrêmement pro-israéliens, ne manque jamais une occasion de rappeler à ses lecteurs que le Hamas est une organisation terroriste et que les combattants de la résistance palestinienne sont en fait des terroristes. L’AP ne se rappelle jamais cette maxime intemporelle que le terroriste des uns est le combattant de la liberté des autres, et qu’ Israël lui-même est aussi considéré par des centaines de millions de gens de par le monde comme l’État terroriste par excellence.

Cherchant à rectifier la situation avant qu'il ne soit trop tard, la direction générale de Al-Jazeera a nommé Ibrahim Hilal, un journaliste égyptien capable, pour s'assurer que AJI ne dérive pas trop loin des politiques de la chaîne arabe mère.

Conformément aux instructions du directeur général Waddah Khanfar, Hilal a demandé à Merryman de me rétablir en tant que correspondant en Palestine. Merryman a accepté mais seulement à contrecœur.

Le 18 juillet, Merryman m'a envoyé un message laconique et condescendant, exigeant que je lui fasse des excuses (je ne sais pas pour quoi) en m’avertissant que mon comportement serait étroitement surveillé. Il m’a dit qu'il me commissionnerait pour écrire quelques articles, mais que lui et lui seul déciderait quand et comment. En réalité, il ne m'a jamais demandé d'écrire un seul article, en dépit de nombreux événements dignes d’être rapportés ayant lieu en Palestine.

Je lui ai proposé de préparer quelques articles sur la situation à Gaza, les luttes de pouvoir entre le Hamas et le Fatah, et comment Israël empêchait les Palestiniens d’accéder à la nourriture et au travail.

Il n’a même pas répondu à ces messages.

La semaine dernière, Merryman a décidé de changer entièrement les règles régissant la politique éditoriale de aljazeera.net/English. Les nouvelles règles stipulent que « les informations indésirables, » par exemple celles qui exposent la brutalité et le racisme israéliens contre les Palestiniens ou celles qui décrivent Israël comme une entité nazie, ne trouveront pas leur voie sur aljazeera.net.

Merryman a en fait déjà mis en oeuvre cette politique. Durant les trois ou quatre derniers mois, pas un seul article de Une au sujet de la persécution israélienne des Palestiniens, qui a pris récemment des proportions proches d’un génocide, n’est apparue sur le site Internet Al-Jazeera en anglais. Cela alors que le site abonde de toutes sortes d'histoires au sujet des victimes de Katrina et autres sujets exotiques similaires.

Merryman proclame qu’il a reçu une plein les pouvoirs du directeur général de Al-Jazeera, Waddah Khanfar, lui accordant la pleine autorité de décider ce qui est mis en ligne sur le site Internet Al-Jazeera en anglais.

J'ai cherché à communiquer mon inquiétude au sujet de cette grave tendance qui imprègne AJI, aux hauts responsables d'Al-Jazeera : certains d’entre eux ont ouvertement exprimé leur frustration et leur exaspération à cet égard.

Un responsable m’a laissé entendre que « Merryman regarde avec un total mépris la façon dont la chaîne arabe est gérée. »

Un autre m'a dit que « cet homme et ses amis veulent transformer Al-Jazeera en un autre Fox News ou même un autre Jerusalem Post ». Ce dernier est le principal journal en anglais de la droite israélienne, que beaucoup de libéraux considèrent comme un porte-parole des colons juifs.

Je suis sûr que cet article signera mon départ de Al-Jazeera. Cependant, je suis disposé à sacrifier mes propres intérêts personnels et à perdre une partie de mes revenus dans l'espoir que les fonctionnaires de Al-Jazeera, en particulier le président Hamad Bin Thamer Al Thani et le directeur général Waddah Khanfar ouvriront les yeux et s'assureront que Al-Jazeera International ne devienne pas une nouvelle arme dans les mains des ennemis des Arabes et des Musulmans.

Pour l’amour de Dieu, ne les laissons pas opérer un détournement Al-Jazeera sous couvert d'éthique journalistique.

 

Electronic Intifada

Traduit de l'anglais par Pétrus Lombard, membre associé et révisé par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner sources et auteurs.

 

 


Source : TLAXCALA
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?lg=fr&reference=1143


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