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SOMMET DE DAMAS
Les Arabes à Canossa
Karim Mohsen
29 mars 2008 Une fois encore, les
Arabes vont se donner en spectacle étalant, à la vue du monde,
leur division Le Sommet arabe, dont la 20e
session ordinaire se tient aujourd'hui et demain, à Damas,
débute sous les plus mauvais auspices, plombé qu'il est par le
boycott libanais et les absences ostentatoires de quelques-uns
des leaders arabes. Du boycott déguisé du roi Abdallah d'Arabie
Saoudite, à celui du Raïs égyptien, Hosni Moubarak et du guide
libyen, Mouamar El Gueddafi - pour ne citer que ceux-ci - cela
ne fait que mettre en exergue les lézardes dont souffre un monde
arabe dont les dirigeants sont, aujourd'hui, incapables de
prendre les bonnes décisions et les responsabilités qui leur
incombent dans la géostratégie, au moins, régionale.
Certes, la politique de la chaise vide ne mène nulle part, même
si elle confirme le délabrement de la politique arabe. Dès lors,
il n'est pas étonnant que le plan de paix arabe, adopté par le
Sommet de Beyrouth en 2002, ait été rejeté par Israël et
indirectement par les Etats-Unis, qui attendaient des Arabes
qu'ils aillent à Canossa. En réalité, les Arabes n'ont jamais eu
leur chemin de Damas, ou sursaut salvateur, qui leur aurait
permis, à tout le moins, de changer leur attitude et de
réhabiliter la notion d'arabisme, aujourd'hui en pleine
décrépitude.
Par leur boycott du Sommet de Damas, les pays qui ont décidé de
faire l'impasse - par l'envoi de délégations de faible
représentativité - sur cette rencontre des monarques et des
chefs d'Etat arabes ont, de fait, délibérément enlevé à ce
Sommet sa raison d'être.
Dès lors, les thèmes abordés à Damas, les décisions qui
pourraient y être prises, n’auront pas d’impact sur la réalité
de la situation dans le monde arabe quand l’urgence appelait à
des solutions consensuelles, notamment pour ce qui est de la
crise libanaise. C’était, en effet, l’occasion de mettre à plat
le contentieux libanais et si, effectivement, la Syrie serait
coupable du blocage actuel au pays du Cèdre, la mettre
clairement face à ses responsabilités afin d’amener Damas à
savoir raison garder.
Cela n’a pas été le cas et du coup, le prétexte de la crise du
Liban - qui a motivé un boycott (du Sommet arabe) qui ne dit pas
son nom - apparaît peu probant et surfait. Que ce soit sur le
dossier palestinien, la question irakienne ou la crise libanaise
- problèmes qui interpellent la conscience arabe -, les
(dirigeants) Arabes se sont, en fait, exclus d’eux mêmes d’une
issue où ils auraient leur mot à dire, s’en remettant aux
Etats-Unis pour trouver la solution à des dossiers dont le
pourrissement n’est pas étranger à Washington. Sur le dossier
palestinien, les Etats-Unis se sont toujours interdits de faire
la moindre pression sur Israël, ce que rappela publiquement la
semaine dernière à Tel-Aviv le vice-président américain, Dick
Cheney, justifiant avec constance les crimes que l’Etat hébreu
commet dans les territoires palestiniens occupés, évoquant le
droit d’Israël à se «défendre».
Cela n’empêcha pas le président palestinien, Mahmoud Abbas,
après les massacres de Ghaza, de s’en remettre encore à
l’administration américaine pour la «défense» du droit
des Palestiniens à un Etat indépendant. Le plan de paix arabe de
2002 était une véritable opportunité, que ni Israël ni les
Etats-Unis n’ont jugé politique de lui accorder l’attention que,
sans doute, ce document méritait. L’invasion américaine de
l’Irak, et la guerre qu’il y a imposée, ont créé le chaos et
l’anarchie dans ce pays le ramenant 50 années en arrière tout en
ressuscitant le tribalisme et le communautarisme. La guerre a
fait, en outre, entre 600.000 et un million de victimes civiles
en Irak alors que les Arabes ne sont pas intervenus dans cette
tragédie voulue et provoquée par les Etats-Unis. La crise
libanaise pouvait trouver une issue honorable pour ses acteurs
libanais, pour peu qu’on les eut laissé dialoguer entre eux sans
surenchère. Or, l’Occident en général les Etats-Unis en
particulier, tenaient d’abord à culpabiliser la Syrie autant
pour ce qui se passe au Liban que, plus généralement, dans la
région proche-orientale. Le soutien ostensible apporté par
Washington à la majorité parlementaire, pro-occidentale, a
surtout encouragé cette dernière dans son refus de véritables
négociations avec l’opposition représentée par le Hezbollah et
le parti Amal et le Courant patriotique de Michel Aoun. L’échec
de l’élection du président libanais est, de fait, à imputer dans
une large part à la majorité parlementaire qui veut imposer son
diktat à l’opposition. Sans revenir sur les cas des dossiers du
Darfour et de la Somalie où l’influence américaine y est
prépondérante, nous constatons que les Etats-Unis ont largement
contribué, par leurs intrigues, à la désunion arabe.
Cette désunion arabe évidente, qui a induit les échecs
successifs des Sommets arabes, sert largement les intérêts
américains et des lobbies israéliens qui n’attendent des Arabes
qu’une soumission totale à l’Etat hébreu. Plutôt que d’y faire
face et de prendre le(s) problème(s) arabe(s) à bras-le-corps,
des dirigeants arabes ont choisi de rester chez eux, enlevant de
fait, intérêt et surtout crédit aux décisions que le Sommet de
Damas doit prendre aujourd’hui et demain. Ce qui, une fois
encore, fera le jeu d’Israël et des Etats-Unis. Les mêmes
Arabes, qui se sont fait porter pâles à Damas, étaient présents
en masse à la conférence d’Annapolis, qui a été, avant toute
chose, un enterrement de première classe de la question
palestinienne, comme en témoigne le surplace observé quatre mois
après la tenue d’une conférence censée relancer le processus de
paix israélo-palestinien. En vérité, M.Bush avait-il le pouvoir
de réaliser en huit mois (son mandat arrive à terme le 20
janvier prochain) ce qui n’a pu être accompli en 60 ans, du
fait, singulièrement, des entraves posées par Israël à une
solution négociée, soutenue sans état d’âme par les Etats-Unis?
Certes, non! Pendant ce temps, à Damas, les Arabes se donneront
une fois de plus - celle de trop? - en spectacle étalant leur
division, au grand dam d’un monde arabe qui n’en peut mais...
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Publié le 29 mars 2008 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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