BDS
Comment Mehadrin
incarne l'imaginaire du sionisme du
XXIème siècle néo-libéral
José
Luis Moraguès
J’ai beau chercher, je ne vois
rien, c’est vraiment une terre sans
peuple !
Samedi 28 janvier
2012
Le 26 novembre 2011,
plus de 60 actions de boycott ont eu
lieu dans 13 pays européens contre le
N°1 de la production et de l’exportation
des agrumes (jaffa) et des avocats
(TOP), l’entreprise israélienne :
Mehadrin, sur le thème « pas d’apartheid
au menu ! », « Mehadrin hors d’Europe
!». Dans le mois qui a suivi, le géant
israélien accuse réception du lancement
de cette campagne par un remaniement
complet de son site web dont certaines
pages sont encore en construction ( http://www.mehadrin.co.il).
Il ne fait aucun doute que la
liquidation d’Agrexco déclenchée par la
campagne BDS Européenne a poussé
Mehadrin à enlever toute trace
concernant l’origine des produits et des
phrases du genre « les dates medjoul
sont cultivées en israël dans la vallée
du Jourdain » ont disparu.
Mais en supprimant
certaines informations concernant
l’origine des produits, et donc la colonisation, et en
renouvelant les illustrations, la
nouvelle version du site réaffirme ostensiblement
l’imaginaire d’un « Mehadrin nouveau »,
pionnier blanc de la modernité occidentale. Ce faisant
Mehadrin reprend et illustre la
métaphore raciste d’Ehud Barak : « Israël est une villa
encerclée par la jungle ». Espérant
neutraliser le boycott de ses produits, Mehadrin offre
au BDS de nouvelles armes pour
combattre, pas seulement les produits, l’entreprise
mais le sionisme !
En voulant éradiquer
toute trace de Palestinien et même
d’arabité de l’imagerie de son site, Mehadrin efface
tout élément humain et même contextuel
pouvant évoquer la Palestine. La rupture
est consommée avec la nostalgie des «
paysages bibliques » comme référence « historique »
aux origines d’un prétendu « peuple juif
». C’est un ciment trop contesté, qui se délite
et dont l’avenir est compromis. L’acier
des gratte-ciel (et des chars) est plus sûr.
L’espace du nouvel
imaginaire sioniste en construction dans
le très néo-libéral XXIème siècle est donc un
espace nettoyé de tout contenu
historique, culturel ou religieux moyen oriental. C’est un
espace quasiment virtuel, sans frontière
et en apparence illimité. Mais ici l’infini de l’horizon
est ramené à la limite du champ, à un
simple bornage. C’est donc un faux horizon, il est
plat, sans perspective ni sans à-venir
puisque limité. Nous entrons dans un espace artificiel,
déshumanisé, dénaturalisé et clos. C’est
l’espace de la serre ou mieux de la bulle géante, à
l’image de ces espaces dits de loisirs
où sous une cloche de verre géante on recrée un
climat et une végétation tropicaux où on
consomme du « loisir ».
Ici pas de « nouvelle
alliance » possible avec la nature, la
terre n’est plus que le substrat bio-chimique dont la
composition est totalement fabriquée et
contrôlée par la science qui saura en tirer le
maximum. Le rapport humain, charnel et
culturel à la terre est remplacé par un rapport au substrat
qui trouve dans la « culture hors sol »,
c’est à dire en milieu totalement artificiel,
son modèle idéal d’accomplissement.
Le nouvel imaginaire qui
émerge du nouveau site de Mehadrin est
intéressant à deux titres au moins :
- Il révèle l’horizon
borné et indépassable du sionisme en
tant que modèle de « culture hors sol » artificiel et
exporté en Palestine. Du coup la
métaphore raciste d’Ehud Barak :
« Israël est une villa encerclée
par la jungle »
ne serait
pas seulement à lire comme métaphore d’Israël entité victime
d’un encerclement hostile mais plutôt
comme accomplissement du sionisme en tant que
projet d’enfermement…
- Il montre que malgré
les changements de contenus, l’essence
des idées sionistes est préservée : « une terre
sans peuple », « des espaces vierges et
illimités à développer », «une terre où des
pionniers européens blancs feront
fleurir le désert grâce à la technologie occidentale ». On notera
que la conquête de nouveaux territoires
(colonisation) est évacuée, pas de
nouvelles terres à conquérir, mais des
substrats disponibles, ni sauvages ni hostiles, dont il
faut juste organiser et gérer le
rendement. Une constante cependant : l’existence des
palestiniens et la résistance du peuple
palestinien sont totalement niées.
Voici les 4 images clés du « sionisme
nouveau » selon Mehadrin.
L’agriculture industrielle et la
technologie au service de
l’environnement et de « la bio » ( !)
Et
partout l’horizon comme limite et
bornage d’un espace maîtrisé
Nouvelle version du : « Nous ferons
fleurir le désert »
Il n’y a plus de
désert à conquérir mais des espaces
conquis à exploiter
De grands espaces
disponibles vides prêts à rentabiliser
-
J’ai beau chercher, je ne vois rien,
c’est vraiment une terre sans peuple !
Jeunes cadres
dynamiques à la pointe de la modernité
occidentale faite de verre et d’acier !
Nous sommes blancs et occidentaux !
José Luis
Moraguès, 24/01/2012
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