usa.mediamonitors
Visions
trompeuses de l’avenir de la Palestine
Jonathan
Cook
17 novembre
2006
http://usa.mediamonitors.net/content/view/full/37826
www.informationclearinghouse.info/article15641.htm
La
paix aura besoin de plus que David Grossman – ou Ouri Avnery
Le
discours, largement répercuté, que David Grossman a prononcé
lors du rassemblement à la mémoire d’Yitzhak Rabin, au début
de ce mois, a suggéré à certains critiques quelque belle déconstruction
de ses « paroles de paix ».
Grossman,
écrivain israélien de premier rang et figure de proue du
principal mouvement pacifiste, La Paix Maintenant, personnifie la
face compatissante et torturée du sionisme que tant
d’apologistes de ce pays – en Israël comme à l’étranger,
qu’ils se montrent mordants ou hésitants – veulent désespérément
croire toujours vivant en dépit de l’évidence des massacres de
Qana, Beit Hanoun et autres, commis par l’armée israélienne
contre des civils arabes. Avec Grossman, il est possible de
croire, un instant, que les Ariel Sharon et autres Ehoud Olmert ne
sont pas les véritables défenseurs de l’héritage du sionisme,
qu’ils sont juste un écart temporaire par rapport à sa vraie
voie.
En
réalité, bien sûr, Grossman puise aux mêmes sources que les
fondateurs d’Israël et ses plus grands guerriers. Il incarne
les mêmes valeurs tourmentées du sionisme travailliste qui a
gagné la légitimité internationale d’Israël alors même
qu’il entreprenait un des grands actes de nettoyage ethnique de
l’histoire : l’expulsion de quelque 750.000 Palestiniens,
soit 80% de la population indigène, hors des frontières de l’Etat
juif fraîchement créé.
(Même
des historiens critiques glissent habituellement sur le fait que
le pourcentage de la population expulsée par l’armée israélienne
était en réalité de loin plus élevé. Beaucoup de Palestiniens
forcés à partir au cours de la guerre de 1948 ont fini par se
retrouver de nouveau à l’intérieur des frontières d’Israël,
soit parce qu’aux termes de l’armistice de 1949 avec la
Jordanie, ils ont été annexés à Israël en même temps
qu’une petite zone densément peuplée de la Cisjordanie connue
sous le nom de « Petit Triangle », soit parce qu’ils
se sont arrangés pour repasser la frontière poreuse avec le
Liban et la Syrie durant les mois qui ont suivi la guerre, et pour
se cacher dans les quelques villages palestiniens à l’intérieur
d’Israël à n’avoir pas été détruits.)
Ôtez-lui
l’auréole dont il a été paré dans le monde par les médias
libéraux, et Grossman diffère peu des hommes d’état les plus
distingués du sionisme, ceux qui ont fait étalage de leur désespoir
ou de leur crédit d’hommes de paix, tandis que, d’abord, ils
dépossédaient le peuple palestinien de la plus grande partie de
leur patrie ; qu’ils le dépossédaient ensuite du reste ;
puis s’assuraient que l’acte initial de nettoyage ethnique ne
soit pas éclairci ; pour travailler, aujourd’hui, au lent
génocide des Palestiniens, par le biais d’une stratégie
combinant leur destruction physique et leur dispersion en tant que
peuple.
David
Ben Gourion, par exemple, a tramé le nettoyage ethnique de la
Palestine en 1948 avant de se ronger les sangs sur l’occupation
de la Cisjordanie et de Gaza – même si c’était uniquement en
raison du tort démographique qui serait fait, en conséquence, à
l’Etat juif.
Golda
Meir a refusé de reconnaître l’existence du peuple palestinien
au moment où elle lançait l’entreprise de colonisation dans
les territoires occupés, mais elle a reconnu l’angoisse des
soldats juifs forcés de « tirer et pleurer » pour défendre
les colonies. Ou pour reprendre ses propres mots : « Nous
pouvons vous pardonner [à vous, Palestiniens] de tuer nos fils.
Mais nous ne vous pardonnerons jamais de nous forcer à tuer les vôtres ».
Yitzhak
Rabin, la source d’inspiration la plus directe de Grossman, a
peut-être lancé un « processus de paix » à Oslo (même
si seuls les optimistes incurables croient encore aujourd’hui
que la paix était son véritable but), mais comme soldat et comme
politicien, il a personnellement supervisé le nettoyage ethnique
de villes palestiniennes comme Lid en 1948 ; il a envoyé des
blindés dans des villages arabes à l’intérieur d’Israël
lors des manifestations de la Journée de la Terre de 1976, avec
au bilan la mort de six civils palestiniens ; et en 1988, il
a ordonné à son armée d’écraser la première Intifada en
« brisant les os » des Palestiniens, femmes et enfant
compris, qui lançaient des pierres sur les troupes
d’occupation.
Comme
eux, Grossman avalise ces crimes de guerre initiaux en préférant
s’accrocher à ce qu’Israël possède, et l’étendre même,
plutôt que de se confronter à la vérité vraiment douloureuse
de sa responsabilité dans le sort des Palestiniens, y compris les
centaines de milliers de réfugiés et leurs millions de
descendants.
Chaque
jour que Grossman refuse aux Palestiniens le Droit au Retour,
alors qu’il soutient une Loi du Retour pour les Juifs, il excuse
et défend l’acte de nettoyage ethnique qui a dépossédé les réfugiés
palestiniens, il y a plus d’un demi-siècle.
Et
chaque jour qu’à des Israéliens qui attendent de lui une
orientation morale, il vend un message de paix qui ne parvient pas
à offrir aux Palestiniens une solution juste – et qui, au lieu
de cela, prend pour critère moral la primauté de la survie d’Israël
comme Etat juif – c’est alors le sens de la paix qu’il
pervertit.
Un
autre militant israélien de la paix, Ouri Avnery, diagnostique le
problème posé par Grossman et ses pareils, avec une grande pénétration,
dans une article récent. Bien que, dans l’abstrait, Grossman
veuille la paix, observe Avnery, il n’avance pas de solutions
quant à la manière d’y parvenir concrètement, ni aucune
indication quant aux sacrifices que lui et les autres Israéliens
auront à faire pour l’atteindre. Sa « paix » est
vide de tout contenu, simple formule de rhétorique.
Plutôt
que de suggérer de quoi Israël devrait parler en s’adressant
aux dirigeants palestiniens élus, Grossman soutient qu’Israël
devrait s’adresser, par-dessus leurs têtes, aux « modérés »,
des Palestiniens avec qui les dirigeants israéliens peuvent faire
des affaires. Le but est de trouver des Palestiniens, n’importe
quels Palestiniens, qui accepteront la « paix »
d’Israël. Le processus d’Oslo habillé de neuf.
Le
discours de Grossman ne ressemble à un geste en direction d’une
solution que parce que les dirigeants israéliens actuels ne
veulent discuter avec personne du côté palestinien, ni « modéré »
ni « fanatique ». Le seul interlocuteur est
Washington, et un interlocuteur plutôt passif en plus.
Si
les mots de Grossman sont aussi « creux » et trompeurs
que ceux d’Ehoud Olmert, Avnery n’offre pas de piste pour
expliquer pourquoi l’écrivain est aussi évasif. En vérité,
Grossman ne peut pas offrir de solutions parce qu’il n’y a
quasiment pas d’électeurs en Israël pour le type de plan de
paix qui pourrait se révéler acceptable même pour les
Palestiniens « modérés » auxquels Grossman veut
tellement que son gouvernement s’adresse.
Grossman
dût-il exposer les termes de sa vision de la paix, qu’on découvrirait
clairement que le problème n’est pas l’intransigeance
palestinienne.
Bien
que les sondages montrent régulièrement une majorité d’Israéliens
appuyant l’idée d’un Etat palestinien, ils sont conduits par
des instituts de sondage qui ne précisent jamais à leurs sondés
ce que pourrait entraîner la création de l’Etat envisagé par
leur question. De même, les instituts de sondage ne demandent aux
Israéliens interrogés aucune précision sur le type d’Etat
palestinien que chacun envisage. Cela rend la nature de l’Etat
palestinien dont parlent les Israéliens aussi vide de sens que le
séduisant mot « paix ».
Après
tout, pour la majorité des Israéliens, les Gazaouis savourent le
fruit de la fin de l’occupation israélienne. Et selon Olmert,
la « convergence » qu’il proposait – un retrait très
limité de Cisjordanie – aurait, là aussi, établi la base
d’un Etat palestinien.
Lorsque
des Israéliens sont invités à donner leur opinion sur des plans
de paix plus explicites, leurs réponses sont, de manière écrasante,
négatives. En 2003, par exemple, 78% des Juifs israéliens se
disaient favorables à une solution à deux Etats, mais
lorsqu’on leur demandait s’ils appuyaient l’Initiative de
Genève – qui envisage un Etat palestinien très limité sur
moins que l’entièreté de la Cisjordanie et de Gaza – un
quart seulement répondait positivement. A peine plus de la moitié
des électeurs, supposés de gauche, du parti Travailliste
appuyaient l’Initiative de Genève.
Ce
faible niveau de soutien à un Etat palestinien à peine viable
contraste avec les niveaux, régulièrement élevés, de soutien
parmi les Juifs israéliens à une solution, concrète mais très
différente, au conflit : le « transfert » ou
nettoyage ethnique. Dans les sondages d’opinion, 60% de Juifs
israéliens sont régulièrement favorables à l’émigration des
citoyens arabes hors des frontières, toujours indéterminées, de
l’Etat juif.
Alors,
lorsque Grossman nous avertit qu’une « paix par absence de
choix » est inévitable et que « la terre sera partagée
et un Etat palestinien créé », nous ne devrions pas nous
bercer de faux espoirs. L’Etat de Grossman est, quasi assurément,
aussi « vide » que l’idée que son auditoire se fait
de la paix.
Le
refus de Grossman d’affronter le manque de sympathie pour les
Palestiniens, dans le public israélien, ou de le défier avec des
solutions qui exigeront des Israéliens qu’ils fassent de vrais
sacrifices pour la paix mérite notre blâme. Lui et les autres
gourous du principal mouvement de la paix, des écrivains commes
Amos Oz et A.B. Yehoshua, ont manqué à leur devoir d’élaborer
pour les Israéliens une vision d’un avenir équitable et
d’une paix durable.
Dès
lors, quelle issue à l’impasse créée par la béatification de
figures comme celle de Grossman ? Quelles autres routes
s’ouvrent-elles à ceux d’entre nous qui refusent de croire
que Grossman se tient au bord du précipice devant lequel tout
pacifiste sensé tremblerait ? Pouvons-nous regarder du côté
d’autres membres de la gauche israélienne pour trouver
l’inspiration ?
A
nouveau, Ouri Avnery se porte volontaire. Il déclare qu’il
n’y a que deux camps de la paix en Israël : un camp
sioniste, basé sur un consensus national enraciné dans la Paix
Maintenant de David Grossman, et d’autre part, ce qu’il
appelle un « camp de la paix radical » mené par…
euh, lui-même et son groupe de quelques milliers d’Israéliens
connu sous le nom de Gush Shalom.
Par
là, on pourrait être tenté d’en déduire qu’Avnery taxe son
propre bloc de la paix de non-sioniste, voire d’antisioniste.
Rien ne serait pourtant plus éloigné de la vérité. Avnery et
la plupart (mais pas tous) de ses partisans en Israël
appartiennent résolument au camp sioniste.
L’essentiel
dans une paix, quelle qu’elle soit, pour Avnery, c’est que se
perpétuent l’existence et la réussite d’Israël comme Etat
juif. Cela limite sévèrement ses idées sur le type de paix
auquel un militant israélien de la paix « radical »
devrait aspirer.
Comme
Grossman, Avnery soutient une solution à deux Etats parce que,
dans leur vision à chacun d’eux, l’avenir de l’Etat juif ne
peut être garanti sans un Etat palestinien établi à ses côtés.
C’est pourquoi Avnery se retrouve d’accord avec 90% de ce que
dit Grossman dans son discours. Si les Juifs doivent prospérer au
titre de majorité démographique (et démocratique) dans leur
Etat, alors les non-juifs doivent avoir un Etat eux aussi, un Etat
dans lequel ils peuvent exercer leurs propres droits souverains, séparés,
et, par conséquent, abandonner toute revendication sur l’Etat
juif.
Cependant,
contrairement à Grossman, Avnery n’appuie pas seulement
abstraitement l’idée d’un Etat palestinien, mais concrètement,
un Etat palestinien « juste », ce qui signifie pour
lui l’évacuation de tous les colons et le retrait complet de
l’armée israélienne sur les lignes de 1967. Le plan de paix
d’Avnery restituerait aux Palestiniens Jérusalem-Est et la
totalité de la Cisjordanie et de Gaza.
La
différence sur ce point entre Grossman et Avnery peut
s’expliquer par la différence dans leur compréhension de ce
qui est nécessaire pour assurer la survie de l’Etat juif.
Avnery croit qu’une paix durable ne tiendra que si l’Etat
palestinien rencontre les aspirations minimales du peuple
palestinien. Dans son optique, les Palestiniens peuvent être amenés
à accepter, avec un leadership adéquat, 22% de leur patrie
historique – et de cette façon, l’Etat juif sera sauvé.
En
soi, il n’y a rien de mauvais dans la position d’Avnery. Elle
l’a incité à jouer, depuis plusieurs décennies, un
impressionnant rôle de premier plan au sein du mouvement de la
paix israélien. C’est avec courage qu’il a franchi les lignes
d’affrontement national pour rendre visite à la direction
palestinienne assiégée, quand d’autres Israéliens s’en
effarouchaient. Il a adopté une position courageuse contre le mur
de séparation, se retrouvant face à des soldats israéliens, aux
côtés de militants de la paix palestiniens, israéliens et étrangers.
Et par son activité de journaliste, il a mis en lumière la cause
palestinienne et instruit Israéliens, Palestiniens et
observateurs étrangers sur le conflit. Pour toutes ces raisons,
Avnery devrait être loué comme pacifiste sincère.
Mais
il existe un grave danger que, parce que les mouvements de la
solidarité palestinienne se sont mépris sur les mobiles d’Avnery,
ils puissent continuer de se laisser guider par lui au-delà du
point où il contribue à une solution pacifique ou à un avenir
juste pour les Palestiniens. En fait, ce moment pourrait bien être
arrivé.
Durant
les années d’Oslo, Avnery était pressé de voir Israël mener
à bien son supposé accord de paix avec le dirigeant palestinien
Yasser Arafat. Comme il le déclarait souvent, il croyait que seul
Arafat pourrait unifier les Palestiniens et les convaincre
d’accepter la solution à deux Etats, déposée sur la table :
un grand Israël à côté d’une petite Palestine.
En
vérité, la position d’Avnery n’était pas si éloignée de
celle de la bande, décidément pas radicale, des Rabin, Peres et
Yossi Beilin. Tous les quatre regardaient Arafat comme l’homme
fort palestinien qui pouvait assurer l’avenir d’Israël :
Rabin espérait qu’Arafat maintiendrait l’ordre dans les
ghettos palestiniens, pour Israël ; tandis qu’Avnery espérait
qu’Arafat forgerait une nation, démocratique ou autre, qui
contiendrait les ambitions des Palestiniens en matière de
territoire et quant à une solution juste au problème des réfugiés.
Maintenant
qu’Arafat n’est plus, Avnery et Gush Shalom ont perdu leur
solution toute prête au conflit. Aujourd’hui, ils appuient
toujours deux Etats et se déclarent favorables à un engagement
en direction du Hamas. Ils n’ont pas non plus dévié de leurs
anciennes positions sur les principales questions – Jérusalem,
les frontières, les colonies et les réfugiés – même s’ils
ne disposent plus de la colle Arafat, qui était censée fait
tenir tout cela ensemble.
Mais
sans Arafat pour être son homme fort, Gush Shalom n’a aucune idée
quant à la manière d’aborder les questions imminentes d’éclatement
en factions et de guerre civile potentielle que l’intervention
d’Israël dans le processus politique palestinien est en train
de déchaîner.
Il
n’aura pas non plus de réponse si la vague de la rue
palestinienne se tourne contre le mirage des deux Etats offert par
Oslo. Si des Palestiniens cherchent d’autres issues à
l’impasse actuelle, comme ils commencent à le faire, Avnery
deviendra rapidement un obstacle à la paix plutôt que son grand
défenseur.
En
fait, un tel développement est presque certain. Peu
d’observateurs bien informés sur le conflit croient que la
solution à deux Etats basée sur les lignes de 1967 est encore réalisable,
étant donné la manière dont Israël établit fermement ses
colons à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, colons dont le nombre
approche le demi million. Même les Américains ont publiquement
reconnu que la majorité des colonies ne pouvaient pas être démantelées.
Que les Palestiniens fassent le même calcul n’est qu’une
question de temps.
Que
feront, en ce cas, Avnery et les purs et durs de Gush Shalom ?
Comment réagiront-ils si les Palestiniens se mettent à réclamer
un Etat unique rassemblant à la fois Israéliens et Palestiniens,
par exemple ?
La
réponse est que les pacifistes « radicaux » devront
rapidement trouver une autre solution pour protéger leur Etat
juif. Il n’en existe pas un si grand nombre :
•
Il y a la « poursuite de l’occupation sans se soucier du
reste » de Benjamin Netanyahou et du Likoud ;
•
Il y a la formule « boucler les Palestiniens dans des
ghettos et espérer qu’en fin de compte, ils partiront de leur
plein gré », en versions (dures) chez Kadima et (douces) au
parti Travailliste ;
•
Et il y a la formule « expulsez-les tous » d’Avigdor
Lieberman, le nouveau Ministre d’Olmert aux Menaces stratégiques.
Paradoxalement,
une variante de la dernière option pourrait être la plus séduisante
aux yeux des pacifistes désenchantés de Gush Shalom. Lieberman a
ses propres positions fanatiques ou modérées, en fonction de son
auditoire et des réalités du jour. Aux uns, il dit vouloir que
tous les Palestiniens soient expulsés du Grand Israël, de telle
façon que celui-ci ne soit à la disposition que des seuls Juifs.
Mais à d’autres, en particulier sur la scène diplomatique, il
suggère une formule d’échange de territoires et de populations
entre Israël et les Palestiniens, créant une « Séparation
des Nations ». Israël récupérerait les colonies en échange
de la remise de petites zones en Israël densément peuplées de
Palestiniens, comme le Petit Triangle.
Une
version généreuse d’un tel échange – bien que constituant
une violation du droit international – parviendrait à un résultat
comparable aux efforts de Gush Shalom de créer un Etat
palestinien viable à côté d’Israël. Même s’il est peu
probable qu’Avnery soit lui-même tenté de suivre cette voie,
le danger est réel que d’autres, au sein du camp de la paix
« radical », préfèrent ce type de solution au
sacrifice de leur engagement à tout prix en faveur de l’Etat
juif.
Heureusement,
en dépit des prétentions d’Avnery, son camp de la paix n’est
pas la seule alternative au déchirement hypocrite de La Paix
Maintenant. Avnery ne se tient pas plus au bord du gouffre que
Grossman. Le seul abyme scruté par Avnery, c’est la fin de son
Etat juif.
D’autres
Juifs sionistes, en Israël et à l’étranger, se sont retrouvés
aux prises avec le même genre de questions qu’Avnery mais ont
commencé à avancer dans une direction différente, se détournant
de la solution à deux Etats vouée à l’échec pour aller vers
un Etat binational. Quelques intellectuels éminents comme Tony
Judt, Meron Benvenisti et Jeff Halper ont publiquement commencé
à mettre en question leur engagement dans le sionisme et à
examiner s’il ne constituait pas une partie du problème plutôt
que sa solution.
Ils
ne font pas cela tout seuls. De petits groupes d’israéliens,
plus restreints que Gush Shalom, abandonnent le sionisme et
s’unissent autour de nouvelles idées sur la manière dont Juifs
israéliens et Palestiniens pourraient vivre ensemble
pacifiquement, à l’intérieur d’un seul Etat. Ils comprennent
Taayush, les Anarchistes contre le Mur, Zochrot, et des gens au
sein du Comité israélien contre les Démolitions de Maisons et
de Gush Shalom lui-même.
Avnery
espère que son camp de la paix puisse être la petite roue
capable de mettre la roue plus grande d’organisations comme La
Paix Maintenant dans une nouvelle direction et, ce faisant, faire
bouger l’opinion israélienne en direction d’une vraie
solution à deux Etats. Au vu des réalités de terrain, cela paraît
hautement improbable. Mais un jour, des roues aujourd’hui plus
petites que Gush Shalom pourraient pousser Israël dans la
direction requise pour la paix.
(Traduction
de l’anglais : Michel Ghys)
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