Opinion - Dissident Voice
Israël a déclaré la
guerre aux enfants de Jérusalem:
1 200 arrestations en un an
Jonathan Cook
Vendredi 10 décembre 2010
On a critiqué la police israélienne pour son
traitement de centaines d’enfants palestiniens arrêtés et
interrogés parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir lancé des
pierres à Jérusalem Est ( sous occupation NdT).
Au cours de l’année dernière des enquêtes
criminelles ont été lancées contre plus de 1 200 mineurs
palestiniens de Jérusalem suspectés d’avoir jeté des
pierres, selon les statistiques de la police publiées par
l’Association des Droits Civils en Israël (ACRI). C’est
presque le double des arrestations opérées l’année dernière
dans le territoire palestinien (occupé NdT) de Cisjordanie
qui est beaucoup plus grand.
La plupart des arrestations ont eu lieu dans
le district de Silwan, tout près de la vieille ville de
Jérusalem là où 350 colons ont construit, au milieu des 50
000 habitants palestiniens, des enclaves illégales
bénéficiant d’une lourde protection armée.
Le mois dernier, on a rapporté qu’à Silwan,
une large foule avait empêché l’arrestation de Adam Rishek,
un enfant de sept ans accusé d’avoir lancé des pierres.
C’est un signe de la colère croissante causée par ces
arrestations. Ses parents ont ensuite porté plainte parce
que, selon eux, il avait été battu par les officiers de
police.
Les tensions entre les colons et les
résidents palestiniens ont augmenté régulièrement depuis que
la municipalité de Jérusalem a rendu public en février
dernier le projet de démolir des douzaines de maisons
palestiniennes dans le quartier de Bustan pour agrandir un
parc archéologique à thème biblique qui est géré par Elad,
une organisation de colons.
Le projet a été mis sous le coude suite à
des pressions étasuniennes sur Benjamin Netanyahu, le
Premier Ministre israélien. Fakhi Abu Diab, un leader
communautaire local, a mis en garde les autorités sur le
risque que les affrontements réguliers entre les colons et
les jeunes palestiniens de Silwan, qu’on appelle parfois
"l’intifada de pierre", ne dégénèrent en un soulèvement
palestinien de grande ampleur.
"Nos enfants sont sacrifiés pour permettre
aux colons de prendre la place de notre communauté" dit-il.
Dans la conclusion d’un reportage récent
appelé "espace dangereux" ACRI affirme que la police dans
son effort pour nettoyer le quartier des lanceurs de pierre
ont violé les droits légaux des enfants et occasionné aux
mineurs des traumatismes profonds.
Des témoignages rassemblés par des groupes
de défense des droits de l’homme dévoilent le schéma
répétitif suivant : on arrête les enfants au cours de raids
à la faveur de la nuit (qui tombe vers 19H en Israël NdT),
on leur met les menottes et on les interroge pendant des
heures hors de la présence d’un parent ou d’un homme de loi.
Dans de nombreux cas, les enfants ont affirmé avoir subi des
violences ou fait l’objet de menaces.
Le mois dernier, 60 experts légaux
israéliens des soins des enfants, dont Yehudit Karp, une
ancienne élue et ancienne Ministre de la Justice, ont écrit
à M. Netanyahu pour condamner le comportement de la police.
" Nous sommes particulièrement troublés par
les témoignages d’enfants de moins de 12 ans, l’âge légal
pour être responsable pénalement, qui ont été soumis à des
interrogatoires au cours desquels ils ont subi des violences
et des abus de pouvoir."
A la différence de la Cisjordanie qui est
gouvernée par la loi militaire, les enfants de Jérusalem Est
soupçonnés d’avoir lancé des pierres devrait être traités
selon le droit criminel israélien.
Israël a annexé Jérusalem Est après la
guerre des six jours de 1967, en violation du droit
international et ses 250 000 habitants palestiniens ont le
statut de résident permanent en Israël.
Les mineurs, c’est à dire les moins de 18
ans, devraient être interrogés par des officiers
spécialement entraînés pour ça et seulement pendant les
heures de la journée. Les enfants doivent pouvoir consulter
un avocat et un parent devrait être présent.
Ronit Sela, un porte-parole de l’Association
pour les Droits Civils en Israël (ACRI) dit que son
organisation a été "choquée" par le grand nombre d’enfants
arrêtés à Jérusalem Est dans les derniers mois, souvent par
des unités de la police secrète.
"Nous avons reçu beaucoup de témoignages
d’enfants qui nous ont décrit les violences terrifiantes
qu’ils ont subi pendant leurs arrestations et leurs
interrogatoires".
Muslim, qui a 10 ans, habite dans le
quartier de Bustan dans une maison dont les autorités
israéliennes ont ordonné la démolition. Son cas est
répertorié dans le rapport de ACRI et dans un interview il a
raconté qu’il avait été arrêté quatre fois cette année alors
qu’il n’a pas l’âge d’être responsable au regard de la loi
pénale. La dernière fois c’était en octobre ; il fut agrippé
par trois policiers en civil qui avaient sauté d’une
camionnette.
"Un des hommes m’a saisi par derrière et m’a
étouffé. le second a attrapé ma chemise et l’a arrachée de
mon dos et les troisième m’a tordu les mains derrière le dos
et me les a attachées avec une corde en plastique. "Qui a
lancé des pierres ?" m’a demandé l’un d’eux. "Je ne sais
pas" ai-je répondu. Alors il s’est mis à me frapper sur la
tête et j’ai hurlé de douleur."
Muslim fut emmené en garde à vue et relâché
six heures plus tard. Un docteur a constaté que l’enfant
avait des blessures qui saignaient aux genoux et des
hématomes sur plusieurs endroits du corps.
Selon le père de Muslim qui a deux enfants
en prison, l’enfant fait des cauchemars la nuit et n’arrive
plus à ce concentrer à l’école : "Cela l’a terriblement
perturbé." Mme Sela a déclaré que les arrestations se
multipliaient à Silwan depuis qu’un garde de sécurité privé
avait tué le Palestinien Samer Sirhan avec son arme à feu en
septembre, et blessé deux autres Palestiniens.
Les affrontements entre les colons et la
jeunesse de Silwan ont pris une place centrale dans les
médias en octobre quand le directeur de l’organisation de
colons Elad, David Beeri, a été filmé en train de foncer sur
deux jeunes qui lançaient des pierres sur sa voiture.
Un des deux, Amran Mansour, 12 ans, qui
avait été propulsé par dessus le capot de la voiture de
M. Beeri fut arrêté peu de temps après lors d’un raid en
pleine nuit dans son domicile familial.
En octobre dernier aussi, neuf MP (Membres
du Parlement) de droite se sont plaints d’avoir reçu des
pierres alors qu’ils faisaient une visite de solidarité en
minibus à Beit Yonatan, une grande demeure que les colons
contrôlent à Silwan. La Cour de Justice d’Israël en a
ordonné la démolition mais le Maire de Jérusalem, Nir
Barkat, refuse de le faire.
Suite a cette attaque, Yitzhak Aharonovitch,
le Ministre de la Sécurité Publique a déclaré : "Nous ferons
cesser ces jets de pierre au moyen de la police secrète et
de la police en uniforme et nous ramènerons le calme." Le
mois dernier la police a annoncé que des arrestations à
domicile d’enfants seraient opérées plus souvent et que des
amendes allant jusqu’à 1 400 dollars seraient imposées aux
parents.
B’Tselem, un organisme israélien des droits
de l’homme, a rapporté le témoignage de "A.S." un enfant de
12 ans qui a été emmené pour un interrogatoire à 15 heures.
"Je suis resté a genoux en face du mur.
Chaque fois que j’essayais de me lever un homme en vêtements
civils me donnait un coup sur la tête... L’homme m’a dit de
me prosterner sur le sol et de demander pardon, mais j’ai
refusé en disant que je ne m’inclinais que devant Allah.
Pendant tout ce temps les pieds et les jambes me faisaient
horriblement mal. J’étais terrifié et je tremblais de tous
mes membres."
B’Tselem a déclaré : "Il est difficile de
croire que les forces de sécurité appliqueraient le même
traitement à des jeunes juifs."
Micky Rosenfeld, un porte-parole de la
police a nié le fait que la police avait violé les droits
des enfants. Il a ajouté : "Il revient aux parents de
s’assurer que leurs enfants ne se livrent pas à des actes
criminels."
Selon Jawad Siyam, un militant de la
communauté de Silwan, le but des arrestations et de
l’activité croissante des colons est de " nous rendre la vie
insupportable pour nous forcer à partir."
Les 60 experts qui ont écrit à M. Netanyahu
ont affirmé que les abus dont sont victimes les enfants
provoquent "des désordres nerveux post-traumatiques comme
les cauchemars, l’insomnie, les pipis au lit et la crainte
incessante des policiers et des soldats." Ils ont aussi fait
remarquer que les enfants qui étaient assignés à résidence
étaient de ce fait privés d’éducation.
L’année dernière, le comité contre la
torture de l’ONU a exprimé sa "profonde inquiétude" devant
le traitement qu’Israël réserve aux mineurs palestiniens et
a dit qu’Israël violait la Convention des Droits des Enfants
de Genève qu’il a pourtant signé.
Au cours des 12 derniers mois,
l’organisation appelée Défense Internationale des Enfants a
fourni à l’ONU des détails sur les abus physiques et
psychologiques que plus de 100 enfants affirment avoir
subies pendant leur garde à vue par l’armée.
Jonathan Cook est un écrivain et un
journaliste basé à Nazareth en Israël. Ses derniers livres
sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran et
the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) et
Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human
Despair (Zed Books).
Pour consulter l’original :
http://dissidentvoice.org/...
Traduction : D. Muselet
© LE GRAND SOIR - Diffusion non-commerciale
autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Publié le 16 décembre 2010
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