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Palsolidarity.org
Le
plan Livni-Rice : vers une paix juste, ou vers l’apartheid ?
Jeff Halper *
on
Palsolidarity.org, 02.05.2007
http://www.palsolidarity.org/main/2007/05/02/the-livni-rice-plan-towards-a-just-peace-or-apartheid/
Depuis des années,
je fais partie des Cassandre affirmant que la solution à deux
Etats est morte et enterrée et que l’apartheid est désormais
le seul résultat politique réaliste du conflit israélo-palestinien,
tout du moins tant qu’un combat anti-apartheid de grande ampleur
n’aura pas surgi, qui vienne changer fondamentalement l’équation.
J’ai fondé mon évaluation sur plusieurs réalités semble-t-il
incontestables. Durant les quarante années écoulées, Israël a
étendu une Matrice de Contrôle épaisse et irréversible sur les
Territoires occupés, comportant pas moins de trois cents
colonies, qui éliminent irrémédiablement la possibilité d’un
Etat palestinien viable. Aucun(e) homme (femme) politique israélien
ne saurait être élu sur la base d’un retrait des Territoires
occupés assez conséquent pour qu’un véritable Etat
palestinien puisse véritablement émerger, et même si c’était
le cas, la perspective de mettre sur pied une coalition
gouvernementale ayant la volonté et l’énergie nécessaires
pour mener à bien un tel projet est hautement improbable, voire
carrément impossible. Et étant donné le soutien inconditionnel
bipartisan dont bénéficie Israël dans les deux chambres du
Congrès américain et auprès des administrations successives,
renforcé par la droite chrétienne, l’inflluente communauté
juive américaine et les lobbyistes des fournitures militaires,
ainsi qu’une absence de volonté, de la part de la communauté
internationale, d’exercer des pressions sur Israël afin de le
contraindre à faire des concessions plus que symboliques, une
solution à deux Etats qui soit authentiquement une solution
semble virtuellement hors de question – même s’il s’agit là
de l’option préférentiellement faite sienne par la communauté
internationale, avec l’initiative moribonde dite de la « Feuille
de route ».
Bien. S’il est
bien avéré qu’on puisse dire « bye-bye » à la
solution à deux Etats, l’alternative logique suivante serait
celle d’une solution à un seul Etat, en particulier dès lors
qu’Israël voit dans toute la contrée s’étendant entre la Méditerranée
et le Jourdain un seul pays – la Terre d’Israël – et
qu’il en a fait, de facto, un seul pays, du fait de ses colonies
et de ses autoroutes. Constatant qu’Israël est le seul
gouvernement effectif, dans l’ensemble du territoire concerné,
depuis quarante ans, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout, et
pourquoi ne pas faire de ce gouvernement de facto la base d’un
Etat démocratique, l’Etat de tous ses habitants ? (Après
tout, Israël se targue bien d’être la seule démocratie au
Moyen-Orient, non : alors, prenons-le au mot !). La réponse
est évidente : un Etat démocratique sur la Terre d’Israël
est inacceptable (pour Israël) car un Etat de cette nature, dont
la population est majoritairement palestinienne, ne saurait être
« juif ».
Voilà qui nous ramène
à l’apartheid – un système dans lequel une population se sépare
d’une autre population, après quoi elle se met à dominer cette
autre population de manière permanente et structurelle. Dès lors
que le groupe dominant cherche à contrôler la totalité du pays,
mais tout en voulant se débarrasser de la population indésirable,
il la dirige indirectement, via un bantoustan, une sorte d’Etat-prison.
C’est précisément ce qu’Olmert a exposé devant une session
conjointe du Congrès, en mai dernier, quand il a présenté son
« plan de convergence » (salué par dix-huit ovations
debout !). Et c’est précisément aussi ce que Condoleezza
Rice et la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzpi
Livni ont mis au point durant les navettes mensuelles de Rice dans
la région.
Ce plan incarne le
pire cauchemar des Palestiniens. La Phase II de la Feuille de
route présente l’ « option » d’un Etat
palestinien indépendant, doté de frontières provisoires, comme
« une étape en vue d’un règlement de statut permanent ».
Livni pousse publiquement afin que cette Phase II se substitue à
la Phase I, suscitant les craintes palsetiniennes de se retrouver
gelés indéfiniment dans des limbes entre l’occupation et un
Etat « provisoire » sans frontières, sans souveraineté,
sans économie viable, assiégé, cantonisé et contrôlé par
Israël et ses colonies en expansion constante.
De leur côté,
Livni et Rice continuent très calmement, en contraste marqué
avec leurs patrons mâles. Elles se sont même retenues de donner
un nom à leur plan, que Livni appelle sobrement et de manière
faussement naïve « initiative israélienne de paix en vue
d’une solution à deux Etats ».Ari Shavit, un journaliste
en vue du quotidien israélien Haaretz, demande : « La
ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni a-t-elle un plan
diplomatique précis, qu’elle serait en train de tenter de
promouvoir ? Livni laisse entendre que c’est le cas, mais
elle refuse d’être plus explicite. Elle parle de la vision à
deux Etats. Elle parle de la nécessité de diviser politiquement
le pays… Toutefois, elle n’explique pas réellement ce
qu’est ce fameux plan. »
Ce plan est très
simple, mais il vole bien au-dessous de l’altitude où les
radars de l’opinion publique pourraient le déceler. (Le New
York Times a rappelé Rice à ses devoirs après qu’elle se soit
« humiliée » en se rendant très fréquemment en Israël
en étant dépourvue d’un quelconque projet visible). Afin, en
apparence, de se conformer à l’initiative de la Feuille de
Route ostensiblement pilotée par les Etats-Unis, Livni parle de
la solution à deux Etats, à laquelle on parviendrait au moyen de
négociations. Mais la Feuille de Route exige d’Israël le gel
de ses constructions de colonies – chose qu’Israël refuse catégoriquement
de faire. Comment ces positions contraires pourraient-elles être
conciliables ? Comment Israël peut-il rechercher une
solution à deux Etats, tout en étendant, dans le même temps,
ses colonies et son infrastructure, précisément dans les
territoires où un tel Etat palestinien est supposé émerger ?
On trouve la réponse
à cette interrogation dans un changement fondamental, bien que
peu remarqué, dans la politique américaine, annoncé par le président
Bush en avril 2004, et quasi unanimement ratifié par les deux
chambres du Congrès. « A la lumlière des nouvelles réalités
du terrain, y compris d’importantes concentrations de population
israélienne d’ores et déjà existantes sur le terrain [c’est
ce que l’administration Bush appelle les grands blocs israéliens
de colonisation] », a-t-il déclaré, « il set
irréaliste d’attendre que le résultat des négociations sur le
statut définitif soient un retour total et complet aux lignes
d’armistice de 1949 ». En un seul coup de cuillère à pot
(unique, mais immensément significatif), Bush sape mortellement
la base même de la diplomatie internationale en matière de
conflit israélo-palestinien, y compris sa propre Feuille de route :
le retrait d’Israël sur les frontières de 1967 (1949) en vue
de créer de l’espace pour un Etat palestinien digne de ce nom.
Israël, par conséquent, clame que la construction de colonies à
l’intérieur de ces blocs de colonisation ne viole en rien la
Feuille de route, dès lors que le territorie a été reconnu
unilatéralement par les Etats-Unis comme appartenant définitivement
à Israël. De cette manière, ce sont de 15 % à 25 % de la
Cisjordanie qui ont été exclus des négociations et annexés de
facto à Israël, tandis que les « territoires occupés »
étaient redéfinis comme la seule superficie extérieure aux
blocs de colonisation – et, cela, en vue d’être négociés et
« compromis ».
Ce qu’Israël
attend des Palestiniens, par conséquent, c’est un type
d’occupation par consentement mutuel, rendu possible par des
« négociations » dans lesquelles, a priori, les
Palestiniens perdent jusqu’à 85 % de leur patrie historique.
Bien entendu, c’est là quelque chose de manifestement
inacceptable, pour les Palestiniens. L’attitude initiale d’Israël
était la suivante : qui en a quelque chose à cirer ?
Les Palestiniens ont toujours été quantité négligeable, y
compris dans le « processus de paix » d’Oslo. Dans
son discours devant le Congrès, Olmert a été très explicite
sur l’intention israélienne d’imposer une Pax Israeliana de
manière unilatérale, si besoin est : « Nous ne
pouvons pas attendre les Palestiniens indéfiniment. Notre souhait
le plus profond est de bâtir un avenir meilleur pour notre région,
main dans la main avec un partenaire palestinien. Mais à défaut,
nous irons de l’avant – mais pas seuls. Nous n’aurions
jamais pu mettre en œuvre le plan de désengagement sans le
soutien indéfectible que nous apporte l’Amérique. Le désengagement
ne se serait jamais produit, n’eût été les engagements énoncés
par le président Bush dans sa lettre du 14 avril 2004, avalisées
par les deux chambres du Congrès des Etats-Unis, avec des majorités
sans aucun précédent. »
Mais ici, Olmert
est tombé sur un os. La Feuille de route – à laquelle on se
doit de rendre un hommage verbal qui ne mange pas de pain –
appelle clairement à une fin négociée à l’occupation et au
conflit. Le confit israélo-palestinien, dit le texte, doit être
réglé « au moyen d’une solution négociée conduisant à
un règlement définitif et exhaustif ». Tant Bush que Blair
ont chopé Olmert dans un coin et ils lui ont dit que son « plan
de convergence » ne pouvait être imposé unilatéralement.
Il l’ont donc chargé de « faire comme si » (et je
sais que c’est là exactement l’expression qu’a utilisée le
gouvernement britannique) il négociait avec Abbas, pendant une
année. C’est ça, qu’il y a derrière les rencontres
occasionnelles d’Olmert avec Abbas, qu’Olmert a limitées
publiquement à des « questions strictement pratiques ».
Le quotidien américain Boston Globe a écrit, le 15 avril, que
« le Premier ministre israélien Ehud Olmert et le président
palestinien Mahmoud Abbas ont entamé une série de rencontres, à
l’initiative des Etats-Unis, dimanche dernier, faisant
l’impasse sur certains des problèmes les plus polémiques du
conflit au Moyen-Orient… ‘Nous ne discuterons pas les
questions clés du conflit, à savoir Jérusalem et les frontières’,
a déclaré Olmert lors du conseil des ministres hebdomadaire,
dont certains échanges ont été radiodiffusés. »
Et c’est là où
l’idée livnienne consistant à substituer la Phase II à la
Phase I intervient. Après le passage d’une année complète (en
mai 2007) et étant donné qu’il est clair que les Palestiniens
ne se sont pas montrés « coopératifs », Israël sera
autorisé à déclarer que le tracé de sa barrière de sécurité
représente une frontière provisoire, annexant du même coup
environ 10 % de la Cisjordanie. Cela peut sembler peu, mais cela
incorpore à l’intérieur d’Israël les principaux blocs de
colonisation (ainsi qu’un demi-million de colons israéliens),
tout en découpant la Cisjordanie en un certain nombre de petits
« cantons » minuscules, disjoints et appauvris. Cela
prive les Palestiniens de leurs terres agricoles les plus
fertiles, ainsi que de la totalité de leurs ressources hydriques.
Cela crée, aussi, un « grand » Jérusalem israélien,
qui recouvre toute la portion centrale de la Cisjordanie, coupant
par conséquent le cœur économique, culturel religieux et
historique de tout Etat palestinien éventuel. Cela prend dès
lors en sandwich les Palestiniens coincés entre la barrière /
frontière et une énième ligne de « sécurité », à
savoir la vallée du Jourdain, ce qui donne à Israël une double
frontière orientale. Cela empêche les mouvements des populations
et des biens, vers l’intérieur tant d’Israël que de la
Jordanie, mais aussi à l’intérieur du territoire, entre les
divers cantons ainsi créés. Israël conserve également la sphère
électro-magnétique, et même le droit de quelque Etat
palestinien que ce soit de mener sa propre politique étrangère.
De cette manière,
les Palestiniens ont leur Etat, mais avec des « frontières
provisoires », Israël s’étend sur 82 – 85 % du
territoire, tout en continuant à se conformer à la Feuille de
Route et l’apartheid – sous l’avatar d’une « solution
à deux Etats » – devient une réalité politique. Et
c’est là où nous en sommes arrivés, apparemment pour l’éternité.
Mais, à mon tour
de tomber sur un os ! Soyez aussi persuasifs que vous le
puissiez, ni les Israéliens, ni les Palestiniens, ni les
gouvernements, ne veulent renoncer à la « solution »
à deux Etats, car ils ne voient nulle part où aller, à partir
de la situation présente. Aussi vais-je me montrer un peu plus
coulant. Tzipi Livni, un des rares responsables gouvernementaux
capables de réfléchir que nous ayons, nous autres Israéliens, a
prononcé récemment des phrases pleines d’espoir, qui vont plus
loin, tant par leur tonalité que par leur contenu, que celles de
n’importe qui d’autre au Parti travailliste. » « D’un
côté, je désire ancrer mes intérêts sur la question de la sécurité,
de la démilitarisation et sur le problème des réfugiés… »,
a-t-elle expliqué récemment, poursuivant : «... et de
l’autre, je veux créer une alternative crédible pour les
Palestiniens, qui inclue une solution à leur problème national. »
Elle a même
critiqué les approches exclusivement masculines du conflit,
depuis des décennies. « Vous n’avez pas vu ces hormones mâles
faire rage, autour de vous ? », lui avait-on demandé
lors d’une interview accordée au quotidien Haaretz (29 décembre
2006).
« Parfois,
c’est des histoires entre mecs », avait-elle répondu,
candide. « Y a-t-il eu un problème de mecs, dans la
conduite de la guerre au Liban ? », s’était empressé
de glisser l’interviewer. « Et pas seulement dans la
guerre », avait-elle rétorqué.
« Dans toutes
sortes de discussions, j’entends des arguments échangés entre
généraux et amiraux et assimilés, et moi je leur dis :
« Les mecs, ça suffit ! » Il y a un peu de
cela, en l’occurrence… Durant ces jours-là [de la guerre], la
réflexion était par trop militariste… Au début du conflit,
d’aucuns pensaient que le rôle de la diplomatie consistait
exclusivement à fournir toujours plus de temps à l’armée.
C’est compréhensible : par le passé, nous avons toujours
réussi : nous avons conquis, nous avons cédé, nous avons
gagné, et puis le monde entier est venu tout nous reprendre…
Mais cette fois-ci, ce qui s’est passé, c’est le contraire
… »
A l’instar de la
plupart des Israéliens, Livni ne peut abandonner le plan à deux
Etats. Les alternatives – un seul Etat ou l’apartheid – sont
manifestement inacceptables. L’existence
d’un Etat juif dépend de celle d’un Etat palestinien.
[souligné par moi, ndt]. Pourtant, cela n’a en rien ralenti
l’expansion des colonies israéliennes, qui se poursuit de plus
belle tandis que j’écris ceci. Livni semble croire, avec la
plupart des Israéliens, qu’il y aurait une mince intersection
magique entre le minimum acceptable pour les Palestiniens et le
minimum susceptible d’être concédé par Israël – en
particulier si l’on met l’accent sur le territoire d’un Etat
palestinien plus que sur son authentique souveraineté et sur sa
viabilité économique. Personnellement, j’en doute, en
particulier à la lumière du fait que plus de 60 % des
Palestiniens vivant dans les territoires occupés ont moins de
dix-huit ans et ont donc besoin d’un avenir véritablement
vivable.
Ne réussissant pas
avec la carotte – et, à ce sujet, je ne suis pas réellement
certain de la position réelle de Livni – les Israéliens se
tournent vers le bâton, les pressions militaires, les sanctions
économiques et les duretés quotidiennes, susceptibles (du moins
le croient-ils) de forcer les Palestiniens à accepter un mini-état
tronqué, à moitié souverain et non viable. La seule chose dont
ils aient besoin, pour cela, c’est d’une pression maintenue de
la part d’Israël, combinée à quelque « édulcorant »
permettant de rendre l’apartheid buvable pour la communauté
internationale. Par exemple, en restituant 90 % des territoires
occupés aux Palestiniens. Bien que toutes les ressources
naturelles, tout le potentiel de souveraineté et de développement
se trouvent dans les 10 % que s’arrogerait Israël, le simple
fait de proposer aux Palestiniens une « offre »
tellement « généreuse » aurait pour effet de
soumettre ceux-ci à des pressions tellement irrésistibles
qu’ils seraient forcés d’accepter. Qui, après tout, en a réellement
quelque chose à cirer de la « viabilité » ?
Pour moi, la
« solution » à deux Etats est forclose, et
l’apartheid est à nos portes. Je n’entrevois aucun moyen par
lequel ces « pinaillages » pourraient dégager assez
de terres de bonne qualité permettant à un Etat palestinien
viable d’émerger. Mais puisque nous sommes coincés là-dedans
en attendant mieux, j’aurais tendance à affirmer que trois critères
absolument nécessaires doivent être réunis pour donner à une
quelconque solution à deux Etats une chance minimale de succès :
(1) les Palestiniens doivent obtenir Gaza, de 85 % à 90 % de la
Cisjordanie, sous une forme cohérente (y compris sous l’angle
des ressources hydriques) et une liaison [routière]
extra-territoriale [en territoire israélien, ndt] entre les deux :
(2) ils doivent avoir des frontières non supervisées avec les
pays arabes [voisins] (la vallée du Jourdain et le point de
passage de Rafah, au sud de la bande de Gaza), plus des aéroports
et des ports totalement autonomes ; (3) enfin, une ville de Jérusalem
en partage doit être partie intégrante d’un Etat palestinien,
avec un accès libre et non contingenté.
Je crains que le
plan Livni-Rice ne satisfasse pas à ces conditions. Je ne doute
pas de la sincérité de Livni (propos inhabituel, dans ma bouche,
concernant un quelconque personnage politique, du Likoud –
Kadima, qui plus est…), mais je crains qu’à l’instar de
tous les Israéliens qui recherchent la paix, elle ne minimise ce
que les Palestiniens sont en mesure d’accepter en plaçant la
barre au-dessous de ce qu’ils sont en mesure d’obtenir. Ainsi,
Livni a elle-même dit, d’une manière ô combien parlante :
« Abbas n’est pas un partenaire pour un accord définitif,
mais il pourrait en être un en vue d’autres arrangements, sur
la base du processus cadencé de la Feuille de route. »
Livni est-elle en
mesure de sortir la situation du marasme ? Tout dépend de sa
sincérité, de sa capacité à manœuvrer un gouvernement extrêmement
à droite, pour le placer sur une piste conduisant à une réelle
paix, ou alors, sinon, d’être élue Première ministre elle-même
et mettre ensuite sur pied un gouvernement qui serait en mesure de
prendre les décisions drastiques qu’une paix réelle et juste
avec les Palestiniens requerrait. Ordre de mission particulièrement
long. Mais il faut garder en mémoire le nom de Tzipi Livni, que
peu de gens reconnaissent aujourd’hui.
Sur ces
entrefaites, le non-plan Livni-Rice, anonyme et sans publicité,
poursuit sa course, dissimulé par des événements en apparence
plus importants, telle l’initiative de l’Arabie Saoudite. Mais
attendez ! Qu’en est-il de l’initiative prise
conjointement par la Ligue arabe et l’Arabie saoudite ?
Cela ne plaide-t-il pas en faveur d’une solution à deux Etats
et à un retour de réfugiés ? Si, bien sûr, mais peu de
gens, dans le monde arabe, prennent ce projet au sérieux. Dans
cette région du monde, en effet, les gens comprennent que la
justice pour les Palestiniens, cela signifie beaucoup moins de
choses, aux yeux des gouvernements arabes, que de bonnes relations
avec les Etats-Unis, ainsi, mais oui… qu’avec Israël, en
particulier en raison de la menace iranienne, qu’ils perçoivent
en commun. Ainsi, l’initiative de la Ligue arabe vise plus à
apaiser la rue arabe qu’elle n’est une véritable position
politique susceptible d’affecter négativement le plan
Livni-Rice.
Quant à nous, dans
le camp de la paix, nous devons surveiller de près les manips de
Livni et de Rice. Il n’y a rien de véritablement secret ;
tout ce que nous avons rapporté plus haut a été dit ou écrit
dans les médias israéliens. Il s’agit simplement de relier
entre eux les points, de relever les indices et les demi-déclarations.
Nous devons développer notre capacité à comprendre la
signification de déclarations anti-scoop et fadasses du style
« Abbas n’est pas un partenaire pour un accord final,
mais… », si nous voulons, contrairement au New York Times,
« piger » ce qui est en train de se tramer. En l’état,
l’initiative Livni-Rice fait sens dans l’exacte proportion
inverse où elle est perçue comme digne d’intérêt.
traduit de l’anglais par Marcel
Charbonnier
[* Jeff Halper
est le coordinateur de l’ICAHD (Israeli Committee Against House
Demolitions) et il est candidat, ainsi que le militant pacifiste
palestinien, cofondateur d’ISM, Ghassan Andoni, pour le Prix
Nobel de la Paix 2006.]
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