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IRIS - Elections israéliennes
Visite de George Mitchell en Israël :
premier bilan
Jean-Yves Camus
Jean-Yves Camus - Photo IRIS
Vendredi 30 janvier 2009
La visite de l’envoyé spécial américain s’est effectuée, pour
les responsables politiques israéliens qui sont en campagne
électorale, sous une double contrainte : celle d’adopter une
position souple vis-à-vis des Etats-Unis sans pour autant
sembler céder à leurs exigences. Une attitude dictée par le
réalisme politique (Israël ne peut pas mettre en danger sa
relations avec les USA) comme par le réalisme électoral (les
Israéliens, surtout à droite, sont de plus en plus hostiles à ce
qu’ils perçoivent comme l’ingérence américaine).
Dès lors, les trois responsables que Mitchell a rencontrés, soit
Olmert, Livni et Barak, lui ont tenu un langage commun.
Tout d’abord, ils ont réaffirmé qu’Israël riposterait (comme il
vient de le faire à Rafah), à toute violation de la trêve par le
Hamas. Ils obtenu de Mitchell deux assurances : celle que
l’administration américaine « soutient le droit d’Israël à sa
sécurité » et celle que l’administration Obama reprenait à son
compte la lettre signée en 2004 par le président Bush, dans
laquelle il rejetait le droit au retour des réfugiés
palestiniens tout en avalisant l’idée que la frontière
définitive entre Israël et le futur Etat palestinien devra
prendre en compte « la réalité du terrain ». Une phrase qui
signifie en fait de larges blocs d’implantations resteront sous
souveraineté israélienne, et donc qu’ils ne seront pas
démantelés. George Mitchell a par ailleurs réaffirmé l’actualité
de la « feuille de route ».
De sources concordantes, on estime que les discussions ont
également porté sur le calendrier des négociations
israélo-palestiniennes et que Mitchell a relayé un message du
président Obama, demandant aux deux parties de se retrouver dès
après les élections du 10 février. Ces mêmes sources rapportent
que Mitchell aurait mis un peu de pression sur le gouvernement
israélien en affirmant que l’administration Obama « prenait la
question palestinienne très au sérieux » et qu’elle souhaitait
« accélérer au maximum » le processus de négociations. Ce qui,
compte tenu des inévitables tractations qui ne manqueront pas
d’avoir lieu en vue de la formation, compliquée, d’un
gouvernement de coalition, amène inévitablement et au mieux, à
début Mars.
Pression pour pression, Ehud Olmert ne pouvait pas céder
unilatéralement sur la question de la réouverture de la bande de
Gaza. D’où sa déclaration affirmant que celle-ci ne serait pas
effective (sauf pour l’aide humanitaire), avant que le soldat
Guilad Shalit soit libéré. Ce dossier est crucial : libérer
Shalit avant le 10 février ne serait pas sans incidence sur le
scrutin, le tout étant de savoir si le prix à payer (un échange
global de 1000 prisonniers contre Shalit, selon le Hamas) est
acceptable pour l’opinion publique et surtout si, une fois payé,
la libération est assurée d’être effective.
George Mitchell de son côté, a réaffirmé « l’importance
cruciale » du respect du cessez le feu. Il a demandé la fin des
hostilités, de la contrebande par les tunnels, ainsi que la
réouverture des points de passage sur la base des accords de
2005. Ce à quoi Olmert a répondu en expliquant que le cessez le
feu impliquait la cessation complète des tirs de Qassam (qui ont
repris) et des attaques à la frontière (qui ont repris hier,
avec la mort d’un soldat israélien), ainsi que la cessation
complète de la contrebande d’armes par le Hamas. Le Premier
Ministre a enfin donné le sens profond de l’opération militaire
passée : elle doit selon lui aboutir à ce que « la force du
Hamas soit amenuisée et que l’Autorité palestinienne reprenne
pied à Gaza ».
Homme de synthèse par excellence, le président israélien Shimon
Pérès a également rencontré George Mitchell. Et affirmé qu’il
n’existait pas de contradiction entre les positions israélienne
et américaine : « comme les Etats-Unis, a-t-il déclaré, Israël
veut la paix ». Avant d’ajouter : « Certains disent que
l’administration américaine fera pression sur Israël, mais en
fait, c’est nous qui ferons pression sur les Etats-Unis pour
qu’ils nous aident à amener la paix et à combattre le
terrorisme ». Une fermeté qui ne sied guère à l’image du chef de
l’Etat hébreu et qui, en termes électoraux, reste davantage
crédible, pour les électeurs, lorsqu’elle vient de la droite,
toujours donnée favorite du scrutin.
Directeur de l’Observatoire des élections
israéliennes pour le site "Affaires Stratégiques",
Jean-Yves Camus est politologue,
chercheur associé à l’IRIS.
Il a été chercheur au CERA (Centre
Européen de Recherche et d’Action sur le Racisme et
l’Antisémitisme) et en charge entre 2002 et 2004 de
l’expertise et de l’évaluation de projets de recherche pour
le PNR 40+ « Extrémisme de droite » du Fonds National
Suisse. Il est par ailleurs membre du European Consortium on
Political Research et membre de la Task Force on
Antisemitism, European Jewish Congress.
Il vient de publier Le Monde Juif
(Toulouse, Editions Milan 2008 - co-écrit avec Annie-Paule
Derczansky)
Tous les droits des auteurs des Œuvres
protégées reproduites et communiquées sur ce site, sont
réservés.
Publié le 1er février 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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