Corse
Elections
législatives : ici, ce n'est pas la
France !
Jean-Guy Talamoni
Jean-Guy
Talamoni
Mardi 19 juin 2012
À contre-courant de ce qui se
passait de l’autre côté de la mer, la
Corse a connu un tsunami de droite qui a
envoyé trois députés UMP au palais
Bourbon. Quant au quatrième, il est
adhérent d’un parti politique ayant
quasiment disparu à l’extérieur de
l’île, si ce n’est dans des contrées
aussi indiscutablement gauloises que la
Guyane, la Guadeloupe,
Saint-Pierre-et-Miquelon et
Wallis-et-Futuna… Ce député, élu plus
que confortablement, a également la
haute main, directement sur la
Collectivité territoriale, et
indirectement sur le Conseil Général de
la Haute-Corse. Pressenti un temps pour
être ministre dans le gouvernement de
Nicolas Sarkozy, cet élu PRG a – tout
naturellement – reçu le soutien empressé
de nombreux maires UMP. Il est vrai que
sur le plan strictement politique, on
chercherait en vain une différence
essentielle entre le Président du
Conseil exécutif « de gauche » et son
prédécesseur « de droite ». Peut-être
faut-il reconnaître au premier un
certain intérêt pour les livres et la
culture, dont les précédents locataires
du cours Grandval continuent à se
demander, intrigués, à quoi cela peut
donc bien servir… Quant aux idées de
gauche, il serait excessif de présenter
l’homme fort de la Corse comme
l’héritier de la Commune de Paris. Tout
au plus pourrait-on mettre en lumière
les scores staliniens enregistrés dans
sa circonscription (ex : 100% des
suffrages exprimés en sa faveur à
Ortiporiu)...
Evoquons à présent les
résultats – impressionnants en
pourcentage – du duo de « modérés »,
seuls nationalistes demeurant en lice au
second tour. Aucun des deux n’a été élu,
malgré le report des voix
indépendantistes. Contrairement aux
prévisions des « observateurs avisés »,
l’écart a été net, y compris dans la
seconde circonscription de la
Corse-du-Sud. L’explication est simple :
la gauche a massivement voté UMP.
Surtout le parti communiste, en vertu
d’un « accord historique » vieux de
plusieurs décennies. Cette attitude
laisserait perplexe n’importe quel
professeur de sciences-po parisien (sauf
les meilleurs, qui sont d’origine corse
!). D’aucuns parlent d’un accord «
républicain » visant à empêcher les
nationalistes d’accéder au pouvoir. On
se demande bien ce que la République
peut avoir à faire là-dedans… Toujours
est-il que ça fonctionne, au grand dam
des « modérés » qui, dans ces
conditions, risquent de demeurer
longtemps éloignés du pouvoir. D’autant
que le système clientéliste, veillant au
grain, commence à s’attaquer
systématiquement à leur électorat encore
fragile : la politique du service rendu
fonctionne plus que jamais, et les
leviers de pouvoir restent entre les
mêmes mains.
Bref, c’est la Corse. Dans ce
constat désolant à mains égards, une
seule petite lueur d’espoir : malgré les
5000 nouveaux arrivants annuels, notre
société demeure hermétique aux principes
politiques français, improprement
baptisés « républicains », sans doute
plus nocifs encore que le clientélisme «
identitaire ». Pour nous, Bucchini vaut
mieux que Mélanchon. Les travers corses,
nous pourrons sans doute les corriger si
la part saine du paysage politique fait
preuve de détermination. Mais quand la
Corse se sera fondue – culturellement et
politiquement – dans l’ensemble
français, alors il sera trop tard.
Or à ce jour, apparemment, la
Corse ce n’est toujours pas la France.
Jean-Guy Talamoni
Le
dossier Corse
Les dernières mises à jour
|