Tunisie
Beji Caïd Essebsi
ou le vrai «Mad in Tunisia»
Jamel Dridi
Jeudi 2 février
2012
Un véritable phénomène l’ancien premier
ministre tunisien. A 86 ans, il est
frais comme un jeune coq. On dirait un
jeune de 20 ans de Jebel Lahmar prêt à
boxer son prochain pour une parole de
travers. Un véritable Mohammed Ali de la
politique.
Par
Jamel Dridi
S’il y avait une agence de notation
pour les hommes politiques, il aurait un
triple A. Ce compatriote te cloue le bec
en moins de deux. Il n’y a pas si
longtemps, il a même traité des
fonctionnaires de police de singes car
il les trouvait trop agités. Qui d’autre
que lui peut faire ça en Tunisie ? Hen,
qui d’autre sauf un vieux de la vieille
ayant bourlingué dans une dictature
comme un poisson dans l’eau ?
Caid Essebsi avec Angela Merkel
Le Mohamed
Ali de la politique
Vraiment, il a une pêche d’enfer à
rendre jaloux n’importe quel politicien
du monde entier. Généralement, à 60 ans
les politiciens sont fatigués, à 70 ans
ils prennent leur retraite et à 80 on
n’entend plus parler d’eux. Même cet
escroc de Berlusconi ne lui arrive pas à
la cheville à si Beji.
Mais les talents de si Beji ne
s’arrêtent pas là. Ce jeune homme a un
jeu de jambes politique incroyable. Il
te feinte sans que tu t’en aperçoives.
Dernièrement, alors qu’on le pensait à
la retraite, il a décidé de remettre le
bleu de travail pour fourrer son nez
dans la jeune démocratie tunisienne afin
de coaliser quelques partis libéraux
sortis du placard.
Tous les grands hommes politiques du
monde ont une photo de si Beji dans leur
bureau un peu comme du temps de Ben Ali
dans tous les «hanouts» (petits
commerces) de Tunisie. Mais pour Si Beji,
contrairement à Ben Ali, c’est
volontaire car tous les politiciens du
monde entier rêvent de faire un stage en
Tunisie avec si Beji pour prendre un peu
de cet électricité qui déborde de lui et
de ce sophisme qui fait tourner la tête
aux peuples. Tous aimeraient être
increvables comme si Beji. Ils
aimeraient tant ne pas laisser la place
aux jeunes qui se bousculent au
portillon et durer, durer, durer, durer…
Caid Essebsi avec le petit jeune
Zapatero
Une référence
pour les plus grands
D’ailleurs tiens, Obama, en baisse
dans les sondages il y a quelques mois,
l’avait appelé pour une séance de re-motivation
et pour avoir des conseils pour durer
longtemps en politique. Le résultat est
aujourd’hui là. La semaine dernière, un
sondage a montré que si l’élection avait
lieu aujourd’hui, Obama écraserait haut
la main son opposant républicain, Newt
Grighrinch.
Mieux, on vient d’apprendre que si
Beji allait se rendre en France dans
quelques jours afin de coacher Sarkozy
dont la défaite électorale aux
prochaines élections est annoncée par
toute la presse. Vas-y Si Beji, à défaut
de nous rapporter des contrats, des
crédits qui ramèneraient le calme en
Tunisie, vas-y le coacher à ce petit
jeune.
Bejinator le
retour
Mais Si Beji ne veut pas s’arrêter là
comme dit plus haut. Dernièrement, on
l’a vu s’entraîner dur dans une salle de
musculation dans la banlieue nord de La
Soukra. Une salle où s’entraîne tous les
jeunes espoirs du plus important
promoteur de boxe politique tunisien,
alias the petit-marionnettiste.
Pectoraux gonflé, corps en V, Beji
aurait dit face au miroir où il se
regardait et devant tous les autres
prétendants plus jeunes qui s’entraînent
aussi dans cette salle, qu’il allait
faire son come-back sur la scène
politique tunisienne et qu’il allait
montrer aux amateurs de la politique ce
que c’était qu’un vrai «zaïm». Depuis,
ces copains l’appellent amicalement
Bejinator, le retour tout en se faisant
des clins d’œil.
Caid Essebsi avec le petit
Nikolas
Attention, jeunes politiques
démocrates, Beji n’a donc pas dit son
dernier mot. Ça va swinguer à Tunis. Les
démocrates n’ont qu’à bien se tenir.
Beji, le vrai, le mad in tunisa, 1
million de km au compteur, le tout
terrain de la politique, mieux que la
meilleure des voitures allemandes made
in Allemagne, va pimenter la jeune
démocratie tunisienne et nous refaire
goûter aux voluptés beylicales,
bourguibiennes et benalienne.
Souvenez-vous, c’était un temps où il
n’y avait aucun problème en Tunisie. Pas
de débats, pas de manifestations, pas de
sit-in. Normal, c’était le temps de
l’autocratie et de la dictature. Un
autre temps. Un temps du passé pour ne
pas dire dépassé.
Mais tout cela, Si Beji, il s’en
fout. Pour lui, les politiciens
d’aujourd’hui sont trop mous. Des
politiciens «nouvelle génération»,
pleins de malfaçons. Ils hésitent, ils
ne veulent pas envoyer la police à tout
va, ils réfléchissent tout le temps,
bref, ils sont trop lents et trop
démocrates. De son temps Si Beji, comme
quand il était chef de la sûreté, il n’y
avait pas d’hésitation. Il y avait de
l’action et pas grave s’il y avait un
peu d’hémoglobine ici ou là. Au
contraire, c’était le signe qu’on tenait
bien le pays. De son temps à si Beji, la
démocratie c’était pour les petits
timides.
Beji Caid Essebsi
La dernière
blague de Si Beji
Ou est-ce une façon de prendre ta
retraite Si Beji. Une façon par
l’absurde et le contraire de nous
montrer à quel point la Tunisie a avancé
en rejetant les one man shows d’hommes
forts comme toi aidés de marionnettistes
professionnels cachés dans l’ombre de
leur bureau. Ah Si Beji, on reconnaît là
ton goût pour la provocation. Tu es
vraiment un vieux de la vieille même si
tu n’es plus en phase avec ton temps.
Allez bonne retraite l’ancien – le
vrai Mad in Tunisia –, il faut que l’on
s’occupe des jeunes qui se bousculent
aux portes du pouvoir. Eux sont en
apprentissage de la démocratie et font
faire, comme tout jeune qui apprend,
quelquefois des sorties de route – pas
si graves – à la toute nouvelle Tunisie
démocratique.
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Publié le 2 février 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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