Opinion
La duplicité ou le
premier pas vers la division de la Syrie
Ivan
Tretyakov
© Photo :
www.mestnie.ru
Samedi 15 juin 2013
La déclaration faite la semaine dernière
par Ben Rods, assistant du président
Obama en charge de politique nationale a
radicalement changé la donne autour de
la Syrie. D’une part, comme l’a dit
l’officiel américain, la Maison Blanche
reste attachée à l’idée de la conférence
Genève-2 : « Malgré toutes les
difficultés, nous avons le devoir de
lancer les négociations politiques sur
les bons rails ». Mais d’autre
part, même en progressant dans cette
voie, Washington « déploiera ses
efforts propres » pour renforcer
les positions des rebelles syriens. De
cette façon, les États-Uns «
avanceront pratiquement dans deux
directions », a dit en résumé Ben
Rods.
Laissons pour le
moment de côté la première direction
pour ainsi dire politique et essayons
d’imaginer au moins approximativement le
scénario militaire dont les contours se
sont déjà précisés malgré l’absence de
commentaires officiels.
Il est évident que la décision
d’armer les combattants syriens suppose
que les armes doivent être acheminées à
pied d’oeuvre, stockées, distribuées et
qu’il faudra surtout leur apprendre à
s’en servir. A en juger par les
publications dans la presse occidentale,
cela se passera grosso modo de la façon
suivante.
Trois centaines de marines
américains qui viennent de prendre part
aux manoeuvres américaino-jordaniennes
(voilà qui vient à point nommé) son
restés dans le nord de la Jordanie.
C’est également dans la même région que
sont déployées les batteries de missiles
Patriot et les chasseurs F-16. Voilà la
protection terrestre et aérienne du
stock d’armes pour les rebelles syriens.
Passons maintenant au volet
distribution et entraînement. En fait,
des instructeurs américains recrutés
parmi « les bérets verts » et
les cadres de CIA sont depuis juin bon
moment occupés à armer et entraîner en
Jordanie les recrues par l’Armée
syrienne libre (ASL). Il est évident que
la décision a été prise de transférer
cette activité en territoire syrien mais
à une plus grande échelle, ça va de soi.
Mais il est évident aussi que cette
extension demandera de nouveaux efforts
d’encadrement du « processus de
formation » et les nouveaux camps
d’entraînement seront pris en cible par
les unités de l’armée nationale pro-Assad
et plus particulièrement par son
aviation. C’est en ce moment que l’idée
de la « zone d’exclusion aérienne
» surgira comme le diable de sa boîte.
Pour citer encore Ben Rods «
les gens doivent comprendre que la mise
en place de la zone d’exclusion aérienne
est une affaire très coûteuse et
difficilement réalisable. Rien ne permet
de dire que cette mesure améliorerait
radicalement la situation ». Il y a
cependant un hic à savoir ce qu’on doit
entendre par la « zone d’exclusion
aérienne ». Cela fait tout de suite
penser aux zones d’exclusion aérienne
établies après la première Guerre du
Golfe. Il s’agissait à l’époque des
espaces énormes pointées par des
méridiens et des parallèles. Plus tard,
en Libye, la zone d’exclusion aérienne
s’est étendue à tout l’espace aérien
national.
Les États-Unis ont désormais
l’intention d’agir plus habilement parce
qu’ils se rendent compte qu’il est
pratiquement impossible de faire passer
par le Conseil de Sécurité la décision
sur la zone d’excluision aérienne «
traditionnelle » au-dessus de la
Syrie. Toujours à en croire la presse,
le Pentagone a inventé « la zone
d’exclusion arienne limitée » ou, en
d’autres mots, « la zone d’interdiction
des hostilités ». Ce sera un petit
secteur du territoire syrien (on parle
d’une quarantaine de km2) attenant à la
frontière jordanienne au-dessus duquel
les Américains auront tout le loisir
d’abattre les avions syriens. Dans ce
cas, Washington n’aura pas besoin de
sanction correspondante du CS parce
qu’il n’y aura pas de violation de
l’espace aérien syrien. En effet, la
portée des missiles « air-air »
dont sont équipés les chasseurs F-16,
permet de les tirer depuis le ciel
jordanien. Il en va de même des
batteries de missiles Patriot.
En d’autres mots, on voit se créer
en territoire syrien un sanctuaire
protégé par des missiles américains où
l’ASL de Salim Idris pourra non
seulement récupérer les armes
américaines et s’exercer à leur
maniement mais encore se mettre au pire
des cas à l’abri de l’avancée de l’armée
d’Assad. En plus, personne ne peut
garantir que les 40 km2 ne deviendront
un jour 80, 100 km2 et ainsi de suite
jusqu’à l’infini et que la capitale de
la « nouvelle Syrie » avec son «
gouvernement libre » n’y sera pas
proclamée au besoin quitte à aider
ensuite ce gouvernement sur les bases
parfaitement légales et envoyer un corps
expéditionnaire terrestre qui ne serait
pas forcément américain. La conférence
Genève-3 convoquée à cette occasion
constaterait alors avec un regret tout
factice que la conférence précédente a
fait fiasco.
Cette combinaison est loin d’être
brillante si on se reporte aux
agissements des États-Unis au Vietnam en
1960-1970 mais en « inversant le signe
». Toute la question est de savoir
comment cela se répercutera sur la
situation dans l’ensemble de la région.
D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que
les « brain trusts » américains évoquent
depuis plusieurs années les perspectives
de retaillèrent de la carte politique du
Proche-Orient.
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