RIA Novosti
Comment la guerre en
Afghanistan a commencé
Ilia Kramnik
© RIA Novosti. Alexander
Graschenkov
Lundi 28 décembre 2009. Le 25 décembre 1979 commença l’entrée
des troupes soviétiques en Afghanistan. Jusque-là, des décennies
durant, avaient existé entre l'URSS et l'Afghanistan des
relations de bon voisinage. La politique de Mohammed Zaher Chah
était équilibrée et arrangeait l'URSS qui réalisait en
Afghanistan bon nombre de projets économiques, lui livrait des
armes et formait des spécialistes afghans dans ses écoles
supérieures.
Cependant, sans faire de mouvements brusques, Zaher Chah
maintenait la situation dans le pays, ce qui provoquait le
mécontentement de diverses forces politiques des islamistes aux
progressistes. Finalement, lors d’une visite à l'étranger, il
fut destitué par son cousin Mohammed Daoud.
Ce coup d’Etat fut le premier maillon d’une chaîne
d’événements politiques ultérieurs et n'eut pas d’effet
significatif sur les relations entre l'Afghanistan et l'URSS.
Néanmoins, la situation à l'intérieur du pays commença à devenir
tendue petit à petit. Un certain nombre de personnalités
islamistes, comme Rabbani, Hekmatyar et autres, se réfugièrent
alors au Pakistan voisin d’où ils dirigèrent ensuite
l'opposition armée et composèrent le groupe dit alliance des
Sept ou Groupe de Peshawar. Parallèlement, les États-Unis
commencèrent à nouer des liens avec les futurs leaders des
moudjahidines.
En 1977, les relations entre l'URSS et l'Afghanistan
commencèrent à se dégrader : Mohammed Daoud se mit à sonder le
terrain en vue d’établir des liens avec l’Iran et les monarchies
du Golfe Persique. En 1978, des persécutions furent déclenchées
en Afghanistan contre les membres du Parti populaire et
démocratique d'Afghanistan (PPDA), de tendance marxiste.
Cependant, cette répression se solda par un échec, et un nouveau
coup d’État eut lieu dans le pays. Les officiers de l'armée,
tous issus d’écoles militaires soviétiques, soutenaient les
leaders du PPDA. Le 28 avril restera dans l'histoire comme le
jour de la Révolution d'avril. Mohammed Daoud fut tué.
La Révolution d'avril fut, comme le coup d’État de Daoud, une
surprise pour l'URSS qui aspirait justement à préserver la
stabilité à ses frontières sud. Le nouveau pouvoir afghan
engagea des réformes radicales dans le pays, alors que l'URSS
cherchait à juguler le caractère révolutionnaire de ces
réformes, qui, vu le niveau de développement extrêmement bas de
la société en Afghanistan, avaient très peu de chances de
réussir et d’être bien accueillies par la population.
Entre-temps, en Afghanistan une scission se produisit entre
les deux ailes principales du PPDA : d’un côté le groupe Khalq
«populaire» et plus radicale, et de l’autre le groupe modéré
Partcham dont la base était constituée d’aristocrates
intellectuels de formation européenne. Khalq avait pour leaders
Hafizullah Amin et Nour Mohammed Taraki, et Partcham était
conduit par Babrak Karmal qui, après la révolution, fut envoyé
comme ambassadeur en Tchécoslovaquie en vue de l’écarter de la
vie politique de l’Afghanistan. Plusieurs partisans de Karmal
furent également démis de leurs postes, et nombre d'entre eux
exécutés. Les sympathies de l'URSS dans cette opposition
allaient plutôt aux membres modérés de Partcham.
Les réformes du PPDA ont entraîné une déstabilisation dans le
pays. On vit se former les premiers détachements de
moudjahidines qui commencent à recevoir bientôt une aide
toujours plus importante en provenance des États-Unis, du
Pakistan, de l'Arabie Saoudite, de la Chine.
L'URSS ne pouvait pas se permettre de perdre le contrôle de
l'Afghanistan, mais la guerre civile prenant de plus en plus
d’ampleur constituait une menace de réelle. A partir du
printemps 1979, les leaders afghans demandèrent avec de plus en
plus d’instance un soutien militaire direct de la part de
l'URSS. Mais tout en acceptant d'augmenter ses livraisons en
armements et en denrées alimentaires, ainsi qu’une aide
financière et le renforcement de la formation de spécialistes,
les dirigeants soviétiques ne voulaient pas envoyer de troupes
en Afghanistan.
Le problème s'aggravait en raison du caractère intraitable
des dirigeants afghans persuadés d’être « sur la bonne voie »,
surtout Amin. Entre lui et Taraki, il y avait aussi des
désaccords qui avec le temps dégénérèrent en conflit ouvert.
Taraki fut accusé d'opportunisme et assassiné le 14 septembre
1979.
Concrètement, en demandant une intervention militaire
directe, Amin exerça là un chantage direct à l’égard du
gouvernement soviétique. Il prédisait une prise du pouvoir par
des forces proaméricaines et l'apparition, aux frontières de
l'URSS, d’un foyer de tension qui, déjà, menacerait de
déstabilisation l'Asie centrale soviétique. En outre, Amin
lui-même s’adressa aux États-Unis (par l’intermédiaire des
Pakistanais) en leur proposant d'améliorer les relations entre
les deux pays et, ce qui était probablement le pire de tout à ce
moment-là, se mit à sonder le terrain en vue d’établir des
relations avec la Chine qui recherchait des alliés dans son
opposition avec l’URSS.
Amin fut-il abattu par des commandos soviétiques par hasard
ou fut-ce une action planifiée ? Cela n'a pas tant d’importance
aujourd'hui. Quoi qu’il en soit, à la fin de l'automne 1979, la
position des dirigeants soviétiques commença à changer. Iouri
Andropov, le chef du KGB, qui jusque là s’était fermement opposé
à l’envoi de troupes, commença à se rallier à l'idée que cela
devenait nécessaire afin de stabiliser la situation. De plus,
c’était aussi, dès le début, l'opinion du ministre de la Défense
Dmitri Oustinov, bien que nombre d'autres éminents représentants
de l'élite militaire soviétique fussent contre.
Toujours est-il que les faits ont contredit tous ces calculs
: prévue initialement comme un soutien envers le gouvernement
ami de l'Afghanistan, l’opération finit par se muer en une
longue guerre contre-guérilla.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur
© 2010 RIA
Novosti
Publié le 8 janvier 2010
|