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RIA Novosti

Les civils dans la guerre moderne
Ilia Kramnik et Dmitri Kossyrev


Photo RIA Novosti

23 octobre 2008

L'une des dernières nouvelles parvenues du théâtre d'opérations en Afghanistan est l'assassinat de Gayle Williams, qui travaillait à Kaboul pour une organisation de bienfaisance britannique. L'assassinat a été revendiqué par les talibans. Cette dernière victime de la guerre afghane a éclipsé des gros titres l'information publiée en fin de semaine dernière, selon laquelle un missile américain a tué par erreur 15 enfants. Quelqu'un a probablement mal interprété une photo satellite avant d'appuyer sur le bouton de lancement du missile. Ce n'est pas le premier cas dans la guerre en Afghanistan, tout comme en Irak d'ailleurs.

Le monde contemporain est considéré comme humaniste: des convois d'aide humanitaire sont envoyés dans les zones de conflits, les stars organisent des soirées de bienfaisance et des concerts afin de réunir des fonds pour aider les victimes des guerres. Cependant, plus on étudie l'histoire des guerres du monde contemporain et plus on est stupéfait de la contradiction qui existe entre les déclarations et la réalité. Le XXe siècle et le XXIe qui vient de commencer se caractérisent par des guerres faisant quatre, cinq et plus de victimes civiles par soldat tué. Dans les conflits locaux marqués par la guérilla, ce rapport peut être de 1 à 10. Comme on le voit, les dernières nouvelles d'Afghanistan ne concernent que des victimes civiles, de part et d'autre.

Malgré la férocité des moeurs dans l'Antiquité et au Moyen Age, alors que les Etats ne s'embarrassaient pas pour choisir les moyens de punir leurs sujets qui s'étaient rendus coupables de quoi que ce soit, les guerres ne poursuivaient jamais le but d'exterminer les civils: la population locale fut toujours considérée comme une ressource précieuse qu'on pouvait utiliser à telle ou telle fin. Certes, des massacres eurent lieu, mais c'était un moyen d'intimidation, et ils ne revêtaient pas un caractère généralisé.

Il en fut ainsi également pendant les guerres des temps nouveaux, mais la situation changea radicalement vers la Première Guerre mondiale. Le génocide entra de plain pied dans l'arsenal des belligérants: l'exil et le massacre des Arméniens, des Serbes et d'autres peuples furent les premiers exemples de génocide total poursuivant le but d'exterminer ou de chasser toute une population de la terre où elle vit.

En ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, le génocide fut pratiqué partout par les forces armées des pays de l'Axe, il fut même érigé en raison d'Etat: les nazis se fixèrent pour but d'exterminer les races et peuples "différents par leur nature". En fin de compte, par exemple, sur plus de 27 millions de citoyens de l'URSS tués pendant la Grande Guerre patriotique, seulement 9 millions sont tombés ou ont disparu sur le champ de bataille. Encore presque 3 millions de prisonniers ont été exterminés par les nazis dans les camps, et les 15 millions restants sont des civils qui ont péri aussi bien à la suite des opérations militaires que de la politique de dépeuplement: opérations répressives, famines, absence d'assistance médicale, etc.

Enfin, la pratique des bombardements stratégiques fit également son entrée parmi les différents moyens de mener une guerre. Destinés à anéantir le potentiel économique de l'ennemi, ils devinrent un moyen "très efficace" d'extermination de la population civile. Les plus terribles - les bombardements massifs de Dresde, de Tokyo, les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki - firent plusieurs centaines de milliers de victimes. Notons que le Tribunal de Nuremberg ne condamna que la partie vaincue, et personne ne fut condamné pour Dresde et Tokyo.

Après la Seconde Guerre mondiale, l'humanité condamna sévèrement non seulement les activités des nazis, mais aussi l'emploi non sélectif de la force. Ce processus prit bien des années et, en fait, il continue jusqu'à présent. On peut affirmer que les moyens de faire la guerre qualifiés de norme en 1941-1945 ne le sont plus. A présent, les tirs et les bombardements doivent être extrêmement précis.

Cependant, le nombre de victimes de la guerre de Corée a approché les trois millions, pour la plupart, des civils. Le même tableau a caractérisé le Vietnam, comme la plupart des autres conflits contemporains, y compris ceux qui se poursuivent de nos jours.

Naturellement, tout le monde condamne la violence lancée contre les civils et on tâche de l'éviter, si c'est possible. Mais c'est la nature même des guerres contemporaines, fondées sur l'emploi de moyens de frappe "à distance" - l'artillerie lourde, l'aviation, les missiles de croisière - qui causent un immense préjudice à l'infrastructure civile, aujourd'hui inséparable de l'infrastructure militaire, qui entraîne des conséquences de ce genre. Les militaires ne voient souvent pas leur cible: la perception de l'ennemi à travers un radar, une caméra thermique ou une carte tactique rend la guerre virtuelle, en levant de nombreuses barrières psychologiques. Pour les commandants actuels et leurs subordonnés, il est bien plus facile que pour ceux des siècles passés de donner l'ordre de lancer des tirs contre un village situé à une vingtaine de kilomètres d'eux et où, selon les données des services de renseignement, se cachent des terroristes. En outre, les soldats d'autrefois, armés de fusils et d'armes blanches, pouvaient se cacher et sauver leur peau plus facilement qu'aujourd'hui, où ils sont la cible de pluies d'obus de 50 kg truffés d'un puissant explosif.

Le droit international ne cesse de se développer dans des débats qui peuvent aboutir, ou non, à l'adoption d'une convention ou d'un traité. A présent, nous sommes probablement au début d'un processus nouveau: la mise au point de la notion de "réponse adéquate". La guerre en Ossétie du Sud en est l'exemple le plus éclatant. Rappelons qu'elle a commencé par le massacre de la population civile de Tskhinval. En vue de détruire l'infrastructure de l'agression, les forces armées russes ne se sont pas contentées de franchir la frontière entre la Russie et l'Ossétie du Sud, mais elles ont avancé plus loin en frappant les radars et les pistes d'envol se trouvant en profondeur sur le territoire de la Géorgie. Autrement dit, elles ont privé l'adversaire de la possibilité de frapper à nouveau la population civile, et d'autres cibles.

La Russie a été alors accusée d'emploi disproportionné de la force. Mais il s'avère que le droit international ne contient pas de règles ou de principes régissant la notion de proportion en matière de gestion d'une guerre. Ils n'existaient pas plus lorsque l'aviation de l'OTAN a bombardé la Yougoslavie, en détruisant méthodiquement l'infrastructure civile, comme par exemple les ponts sur le Danube. Ils n'existent certainement pas non plus quand les forces qui mènent la guerre en Afghanistan se trompent une nouvelle fois dans le choix de la cible d'une frappe de missiles. Personne ne peut comparer l'envergure des destructions à Tskhinval et les conséquences de la réponse russe. Il n'y a que la compréhension commune du fait que la population civile ne doit pas souffrir de la guerre. Mais, si ce principe avait été respecté, la guerre en Ossétie du Sud n'aurait pas eu lieu, car les tirs contre les civils ont été le premier pas qui a entraîné la réponse.

On estime que le monde sortira rénové de la crise économique actuelle, doté d'un nouveau système de contrôle des finances et, dans l'ensemble, d'une économie globale plus saine. Quelle envergure doit donc atteindre un conflit militaire pour que surgisse un système de contrôle des guerres, même les plus justes?

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

© 2008 RIA Novosti
Publié le 24 octobre 2008



Source : RIA Novosti
http://fr.rian.ru/...


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