Oumma.com
« Par son comportement, Israël commet des
crimes de guerre »
Ian Hamel
Vendredi 9 janvier 2009
Grand, mince, le cheveu gris, un kéfié autour du cou, un curieux
personnage a d’abord manifesté seul devant le Palais des
Nations, le siège de l’ONU à Genève, pour dénoncer
l’intervention israélienne dans la bande de Gaza. Abraham
Weizfeld, juif canadien, anime l’Alliance of Concerned Jewish
Canadians (ACJW) à Montréal, créée en 2005. Un sigle qu’il
préfère traduire en français par l’Alliance de Canadiens juifs
« consternés », plutôt que « concernés » ! Abraham Weizfeld ne
cache ni son hostilité vis-à-vis de la politique israélienne, ni
sa sympathie pour le peuple palestinien. Il a d’ailleurs publié
en 1984 un ouvrage sur le massacre de Sabra et Chatila.
Abraham Weizfeld, de l’Alliance of
Concerned Jewish Canadians
En Suisse, ce Juif dissident a rejoint le Collectif Urgence
Palestine. Abraham Weizfeld, qui est reparti cette semaine au
Canada, a reçu le soutien de la Fondation de
l’Entre-Connaissance. Cette fondation, animée par Hafid Ouardiri,
ancien porte-parole de la grande mosquée de Genève, entend
« tisser des liens entre la civilisation islamique et le reste
du monde ».
Hafid Ouardiri, animateur à Genève
de la Fondation de l’Entre-Connaissance
Comment le Collectif Urgence Palestine
a-t-il interprété votre démarche ?
J’ai été très bien accueilli. C’est la preuve
que ceux qui manifestent, qui se battent en faveur des
Palestiniens, n’ont pas de haine contre le peuple juif.
Dans vos tracts, vous
n’hésitez pas à parler d’« agression d’Israël », de « crimes de
guerre dans la bande de Gaza ». Comment êtes-vous perçu par la
communauté juive ?
Je suis considéré comme un traître. J’ai été
exclu de ma propre famille. Je n’ai plus de contact avec la
communauté juive. Toutefois, je peux vous dire que je ne suis
pas seul. Il existe dans 17 pays des organisations de Juifs
dissidents. Avec le soutien de la Fondation de
l’Entre-Connaissance, j’espère bien pouvoir créer une antenne en
Suisse.
Reconnaissez-vous l’Etat
d’Israël ?
Je ne mets pas en cause l’Etat d’Israël. Je
demande la création d’un Etat palestinien, même si, bien
évidemment, ce n’est pas satisfaisant. Les Palestiniens ne
disposent plus que d’un tout petit territoire. Malgré tout, ce
serait un premier pas. Il faudra ensuite saisir le dossier des
réfugiés, celui de Jérusalem, et proposer des échanges de
territoires.
- C’est-à-dire ?
80 % des Juifs israéliens vivent entre Tel-Aviv
et Jérusalem. Il est très possible de rétrocéder des territoires
pris aux Palestiniens. Je crois même à une vraie Confédération
entre les deux peuples, qui mettraient en commun leurs
ressources naturelles.
Que demandez-vous maintenant ?
Un cessez-le-feu immédiat et la levée du blocus
sur la bande de Gaza. Par son comportement, Israël, commet des
crimes de guerre. Je ne dis pas que les Israéliens sont
fascistes, mais j’affirme que les fascistes gagnent du terrain
parmi les partis de la droite israélienne.
Avez-vous toujours été
antisioniste ?
La majorité des Juifs d’Europe, notamment
d’Allemagne et de Pologne, n’étaient pas sionistes au début du
XXème siècle. Ils se battaient pour que les Juifs aient les
mêmes droits que les autres citoyens dans leurs pays de
résidence, pas pour s’installer en Israël. Ma famille vient de
Pologne, elle a pratiquement été exterminée. Quatre personnes
sur 400 ont pu se sauver. Etant moi-même un réfugié au Canada,
j’ai de la sympathie pour les autres réfugiés, notamment
palestiniens.
Quelle est votre
profession ?
J’étais enseignant. Je suis diplômé de sciences
politiques à Montréal. Mais en raison de mes convictions
politiques, j’ai perdu mon poste. Je suis secrétaire
administratif de l’Alliance Of Concerned Jewish Canadians.
Propos recueillis par Ian
Hamel
Journaliste, publie “L’énigme Oussama Ben Laden” aux
Editions Payot le 5 novembre 2008, auteur également du livre
« La vérité sur Tariq Ramadan, sa famille, ses réseaux, sa
stratégie » aux éditions Favre, préface de Vincent Geisser.
Publié le 9 janvier 2009
avec l'aimable autorisation d'Oumma.com
|