Analyse
La méritocratie
républicaine ou l'art de monter sans coucher
Iyad-La-Joie
France, le mercredi 14 octobre 2009
Ce samedi 10 octobre dans l’émission « On
n'est pas couché » sur France 2, Laurent Ruquier recevait
Jean-Pierre Mocky, un réalisateur, acteur, producteur, écrivain
etc. du septième art, de la télé et du théâtre français.
Dans son dernier livre qui vient de sortir,
« Jean-Pierre Mocky Pensées Répliques et Anecdotes »,
Jean-Pierre décrit l’art de fonctionnement des actrices pour
monter aux sommets :
« Si on connaissait le passé de la plupart
de nos grandes actrices actuelles, y compris les jeunes, on
serait surpris d'apprendre qu'elles ont plus travaillé allongées
que debout ».
« Dans notre métier de torturés, il y a
beaucoup de putes et de filles ingérables. J'appelle "putes" les
actrices qui sont prêtes à tout pour y arriver. Elles couchent
avec tout le monde et n'importe qui dans l'espoir de gravir un
échelon ou de trouver un rôle. D'autres, les ingérables, sont
calculatrices, elles ne baisent qu'utile. Elles cherchent le mec
qui pourra vraiment les aider et se donnent à lui. Conclusion,
presque toutes les actrices appartiennent à l'une ou l'autre
catégorie ».
Jean-Pierre a
dit des choses encore plus explicites
mais c’est déjà suffisant pour comprendre que dans son secteur
d’activité, la méritocratie c’est l’art de monter en couchant.
Ce fut un coup au moral pour moi qui croyais
que dans notre République, la méritocratie était une valeur
fondamentale qui s’appliquait partout, et que pour réussir,
seuls comptaient le talent, les capacités et le travail ?
Suis-je naïf ou quoi ?
Puis je me suis dit que le monde du cinéma
était peut-être hors catégorie, mais qu’ailleurs, c’était la
vraie méritocratie qui s’appliquait. Il suffit d’avoir du
potentiel, de croire en soi et de travailler dur et on grimpera
toutes les échelles de la République.
Et voilà que cette
histoire d’Amine avec Monsieur Hortefeux me traverse l’esprit.
Vous vous souvenez d’Amine, ce jeune militant UMP issu de
l’immigration comme on dit, d’origine arabe pour être explicite,
mais bien intégré car il boit de la bière et il mange du cochon.
Monsieur Hortefeux, ministre de l’intérieur de notre pays et
précédemment ministre de l’immigration, de l’intégration et de
l’identité nationale de notre douce France, a déclaré en
croisant Amine lors de l’université d’été de l’UMP ce mois de
septembre : « Il
en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y
en a beaucoup qu'il y a des problèmes ».
Amine, fier de son origine arabe, n’a pas
supporté l’insulte et a tout de suite déchiré sa carte UMP et
donné une leçon de morale à monsieur le ministre devant tout le
monde. Mais non, bien sûr que non, car Amine, lui, est un jeune
militant ambitieux et il veut réussir en politique. Il a même
immédiatement diffusé une vidéo pour démentir les mauvaises
langues, soutenir Monsieur Hortefeux, l’ami du Président, et
dire qu’il s’agissait d’un échange « entre amis » (sic !) et
qu’il n’y avait aucune injure.
Monsieur Hortefeux a essayé de corriger sa
bévue en déclarant qu’il visait les Auvergnats. Mais personne ne
semblait l’avoir cru, car au fond, personne ne voyait ce que ces
Auvergnats avaient fait de mal ? A moins qu’ils ne soient des
descendants des Sarrasins qui sont peut-être passés par là ?
Bref cette histoire m’a porté un autre coup
au moral. Est-ce que cela veut dire que même en politique dans
notre République, une grande démocratie et pays des droits de
l’Homme, on ne peut monter sans coucher ?
Le doute commence à m’envahir !
Et voilà que les médias commencent à parler
de cette autre histoire qui m’a enfin remonté le moral. Vous
savez c’est l’histoire de cet autre jeune, il s’appelle Jean je
pense, issu de l’immigration et qui vient lui aussi de la
banlieue.
Jean est un brave monsieur-tout-le-monde, il
n’appartient pas aux grands corps de l’état, il n’a pas fait
Polytechnique, il n’a pas fait l’ENA, son papa non plus
d’ailleurs. Mais cela n’a fait que lui donner plus de courage et
de volonté pour réussir et grimper les échelles malgré toutes
les embuches qui se sont dressées devant lui. Avec son bac+2 en
droit et confiant de son potentiel, il s’est battu pour se faire
élire comme conseiller général dans l’un des départements
français et le voilà en route, avec sa jeunesse et son
dynamisme, pour se faire élire à la tête d’un grand organisme
public, là aussi malgré toute la résistance de la vieille garde
en voie de déclin.
Quelle belle histoire de la méritocratie dans
notre République. Quelle leçon grandiose que notre République
donne à toutes ces grandes démocraties du monde, mais surtout
quel message d’espoir que cela donne à tous les jeunes,
notamment ceux issus de l’immigration et des banlieues, pour
leur dire de croire en eux-mêmes et en leur chance et de ne
jamais baisser les bras. Jean l’a fait, et eux aussi, ils
peuvent le faire.
Alors, un dernier conseil à tous les jeunes
en classe de terminal alors que l’heure du choix de leurs
filières d’études supérieures s’approche. Ayez de l’ambition, et
visez la voie royale. Optez pour une licence en droit et évitez
de longues études inutiles et destinées aux plus paresseux. Vous
pouvez vous arrêter à bac+2, lancez-vous dans la vie active et
votre chemin est toute tracée. Faites-vous élire comme
conseiller de quelque chose ou comme député de votre coin et
vous pouvez ensuite postuler pour diriger nos organismes
publics, voire nos grandes entreprises comme France Télécom, car
c’est l’heure de renouveler de générations.
Jeunes gens, vous allez pouvoir monter en
haut et vous n’avez pas besoin de coucher. C’est votre chance.
Saisissez-là. Soyez des Jean, ne soyez pas des Amine !
Me voilà enfin rassuré pour l’avenir de mes
enfants, et je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles.
C’est cela le « French Dream » !
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