Opinion
La France vise des gains politiques et économiques après
l’effondrement du régime du colonel Qaddhafi
Husaïn Majdûbî
in Al-Quds-al-Arabiyy, lundi 14 mars 2011
La crise libyenne constitue un nouveau
théâtre d’opérations pour la diplomatie française, un théâtre
d’opérations que celle-ci a l’intention d’utiliser afin de
renforcer son influence dans la région du Magreb arabo-berbère.
Elle a d’ailleurs marqué un premier point dans son conflit à bas
bruit avec Londres, Madrid et Rome. L’initiative française a
provoqué une scission en Europe, ainsi qu’au sein de la société
politique et civile française.
Bien que la vie politique française soit
axée autour des élections présidentielles de 2012 et des
problèmes du président N. Sarkozy, notamment à la suite de
l’avance importante de la candidate de l’extrême droite Marine
Le Pen, du Front National, dans les sondages, la crise libyenne
suscite des débats passionnés dans ce pays européen.
Un analyste politique, qui est par ailleurs
adjoint au directeur du Figaro a écrit, dans un éditorial paru
il y a de cela quatre jours : « La crise libyenne marque le
retour de la diplomatie française sur la scène internationale ».
Il affirme qu’au moment où le président américain Obama hésite à
adopter une position décisive dans la crise libyenne et où
l’Union européenne est divisée à ce sujet, la France joue seule
le rôle de moteur pour la formulation d’initiatives et elle a
créé un précédent en reconnaissant officiellement la légitimité
du Conseil National Provisoire (formé par l’opposition
libyenne).
Samedi, ce journal a souligné le succès
rencontré par Paris dans la légitimation de l’opposition
libyenne, l’Union européenne ayant reconnu sa légitimité et sa
nature de représentant (parmi d’autres) du peuple libyen.
D’un autre côté, le quotidien (français) La
Dépêche a écrit hier dimanche que Sarkozy, bien que confronté à
des problèmes à l’intérieur, fait le pari de sa capacité à
prendre la tête des initiatives dans la crise libyenne, un pari
qui n’est pas sans risque. Ce quotidien considère que Sarkozy
est confronté à l’Union européenne sur cette question, même si
celle-ci a satisfait en partie les exigences du président
français qui avait insisté sur la nécessité de reconnaître le
Conseil National Provisoire libyen en sa qualité de représentant
légitime du peuple libyen, alors que les dirigeants européens se
sont pour l’instant contentés de considérer que ce Conseil fait
partie de leurs interlocuteurs légitimes principaux.
Le même journal pense qu’en cas de succès
des initiatives françaises, en particulier en cas d’instauration
de frappes aériennes concentrées contre l’aviation et les
blindés libyens et de victoire de la résistance libyenne contre
Qaddhafi, la France aura réalisé deux objectifs. Premier
objectif, des gains économiques à l’avenir dans ce pays du
Maghreb ; deuxième objectif, l’amélioration de l’image de
Sarkozy et de la France, fortement endommagée par les positions
négatives adoptées durant la crise tunisienne, qui avaient
entraîné le limogeage de la ministre des Affaires étrangères
Alliot-Marie et la nomination à ce poste d’un homme politique
expérimenté, Alain Juppé.
Le quotidien Libération a consacré hier un
reportage sur la vision que les habitants de Benghazi ont de la
crise et de la position française. On y lit que plusieurs
dirigeants du Conseil National Provisoire ont pris l’initiative
de hisser le drapeau français aux côtés de l’ancien drapeau
libyen (en usage du temps du Roi Sanoussi), un geste de
gratitude pour les efforts déployés par la France afin d’en
finir avec le régime de Qaddhafi et pour sa reconnaissance de la
légitimité du Conseil. Le journal fait état des vues de
responsables éminents du Conseil Provisoire et de Libyens
ordinaires, qui espère l’instauration d’une zone d’interdiction
aérienne contre les forces de Qaddhafi. Le reportage montre que
les Libyens ont perdu tout espoir en la Maison Blanche, mais
qu’en revanche ils espèrent leur salut de Paris.
Le site Internet « L’avis opposé », qui se
caractérise par ses analyses approfondies, écrit que la France
ne peut pas, en fin de compte, mener des attaques aériennes
contre la Libye, car de telles opérations militaires seraient
dépourvues de légitimité internationale et en raison des dangers
géopolitiques qu’elles comporteraient tant pour la France que
pour l’Union européenne, l’issue du conflit étant inconnue.
Sur la plan militaire, certains experts
français pensent, comme le montrent leurs interventions sur
divers forums de discussion et dans les médias, que la Libye ne
représenterait pas un problème, du point de vue militaire, et ce
pour deux raisons :
1) la faiblesse militaire des milices de
Qaddhafi, qui ont des difficultés à écraser des révolutionnaires
armés de bric et de broc ; un bombardement aérien ciblé
suffirait à paralyser ces milices sans qu’une intervention
terrestre soit nécessaire en territoire libyen. Il suffirait
d’appuyer la progression des révolutionnaires et d’attendre
qu’une mutinerie de grande ampleur se produise au sein de
l’armée, en particulier au sein de la caserne stratégique des
environs de Tripoli ;
2) Dès le début des bombardements, le
régime Qaddhafi s’effondrerait. D’un côté, une partie de ses
milices, composées de mercenaires, se débanderait, et de
l’autre, le régime de Qaddhafi n’a aucune cohérence idéologique.
Au contraire, l’immense majorité des Libyens ont en horreur et
méprisent le célèbre ‘Livre vert’ qui se veut le pilier
idéologique du régime de Qaddhafi (et de sa clique).
Traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier
Les traductions de Marcel Charbonnier
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