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Impressions de Russie

Toast à l'année qui s'en va
Hugo Natowicz


© Hugo Natowicz

Lundi 27 décembre 2010

Le 31 décembre, un peu avant les douze coups de minuit, les Russes accompagnent, le temps d'un toast, l'année qui s'en va, la remémorant comme un mort qui leur était cher. Loin de moi l'idée d'égaler l'inventivité des toasts russes: c'est toutefois une bonne occasion de méditer sur l'année écoulée. 

2010 a pour moi été marquée par deux événements intimement liés. Je veux parler d'abord des attentats du métro de mars, puis des émeutes récentes de la Place du Manège. A chaque reprise, je suis passé assez près de la violence, une violence liée à une région qui mérite sa réputation de "point chaud": le Caucase (région réputée pour ses toasts interminables, soit dit en passant). Certains lieux, placés à la lisière des plaques tectoniques, provoquent de violentes ondes sismiques qui se ressentent à des kilomètres. Cela vaut aussi au niveau historique pour les Balkans, placés au confluent de l'ex-monde ottoman, de l'Europe catholique, et de l'espace slave-orthodoxe, et pour le Caucase, une zone de partage des eaux entre islam et christianisme, Asie et Europe.

La Russie et le Caucase, c'est une rivalité qui n'en finit pas, depuis la conquête de cette région par les troupes russes aux XVIIe - XVIIIe siècles jusqu'aux attentats du métro de 2010 en passant par la résistance de Chamil (j'en passe bien entendu). La Russie est l'otage d'un Caucase qu'elle craint de "lâcher", de peur de le voir sombrer dans le camps de ses ennemis, et qu'elle est donc condamnée à dominer avec tout le ressentiment que cela fait naître. J'ai perçu deux autres événements, les incendies de l'été et le nuage de cendre qui a paralysé le ciel européen, sur un mode assez proche des cataclysmes humains qu'a connus cette année. Car finalement, y a-t-il une véritable différence entre les ondes de choc humaines et naturelles, entre un volcan islandais situé au chevauchement de plaques, et une région à la lisière de deux mondes?

C'est en Russie que j'ai ressenti pour la première fois la marche de l'histoire. Par comparaison, l'Europe ne semble avoir qu'un rêve: se soustraire à cette dernière, construire une vaste plaine de sécurité et de bien-être matériel. Une zone de relativisme tiède, où l'on veut oublier la mort et échapper à tout risque. "Un jour, les Européens se flingueront pour ne plus avoir peur de vivre", plaisantait récemment le présentateur d'une émission touristique vue par le plus grand des hasards à la TV russe. Les Russes, eux, ne régissent pas leur vie par le "principe de précaution", et ne rechignent pas à vivre en se brûlant. La réflexion sur le jeu et la mort, omniprésents dans la littérature russe, en témoignent.

Cette divergence et bien d'autres empêchent pour le moment un véritable rapprochement russo-occidental, qui se confine à des initiatives ponctuelles, économiques principalement. La tenue de l'année croisée Russie-France, beaucoup plus suivie côté russe, est malheureusement restée crispée sur une perception très esthétisante de la Russie côté français ("les matriochkas ont envahi Paris", m'expliquait récemment une amie), sans rien changer à la perception de ce pays en pleine mutation.

Ce qui est plus symptomatique, ce sont les scandales d'espionnages de l'année 2010. A chaque fois, le moment retenu pour "percer ces abcès" était symbolique: immédiatement après une visite de Medvedev aux Etats-Unis et une amorce de rapprochement russo-britannique (même s'il n'est pas prouvé que l'"espionne" russe de Westminster en soit une). Finalement, ces arrestations retentissantes montrent, sur le mode de la réaction allergique, que l'occident n'est pas prêt à s'entendre avec la Russie. La saga entourant l'adhésion russe à l'OMC, et les faux-fuyants de l'UE sur la suppression des visas pour les Russes, témoignent d'un mot d'ordre implicite: Moscou doit être maintenu à l'écart.

Car si Russie nous ressemble, elle est séparée de nous par une série de failles, qui nous empêchent de la percevoir avec objectivité. Ces failles quelles sont-elles? Le décrochage le plus récent, c'est le rejet par la Russie du capitalisme à tout crin ("thérapies de choc") que le pays semblait, aux yeux de l'occident, devoir s'infliger pour compenser 70 ans de fermeture communisme. Un événement crucial viendra rappeler prochainement la rupture qui a durablement séparé le "monde libéral" (ou rêvé comme tel) de la Russie: le verdict du deuxième procès Khodorkovski, attendu le 27 décembre.

L'ex-patron du pétrolier Ioukos a érigé des fortunes troubles sur le démantèlement de l'URSS, avant de devenir la première fortune de Russie. L'homme, qui s'est ingéré dans les décisions politiques jusqu'à chercher à prendre le pouvoir, est défendu bec et ongles par l'occident, qui le perçoit généralement comme un héros et un symbole de liberté. Le procès est politisé, Poutine entretenant envers l'ex-entrepreneur une haine toute personnelle: n'est-ce pas l'actuel premier ministre qui a posé une frontière nette entre affaires et politique, traçant la ligne rouge que Khodorkovski n'a pas hésité à franchir? La justice russe est très loin d'être parfaite. Cela fait-il du prévenu ce saint dont nombre d'intellectuels occidentaux chantent les louanges? L'extrême implication du pouvoir dans cette affaire en Russie, doublée des ingérences de l'ouest, ont contribué à renforcer les crispations. Le jugement n'est plus celui d'un homme: aux yeux de nombreux Russes, c'est celui des excès des années 1990; pour l'occident, c'est le procès du système Poutine.

Attentats, conflits interethniques, catastrophes naturelles: les "craquements" survenus pendant année 2010 ont à mon sens rappelé la fragilité du monde dans lequel nous vivons. Une fragilité qui constitue un risque, mais aussi une chance de tout changer, dirait Dostoïevski. "C'est si simple: en un jour, en une heure, le monde règlerait tous ses problèmes (…). Si seulement tous le voulaient, le monde deviendrait parfait en un instant" écrivait-il dans le Songe d'un homme ridicule.

© 2010 RIA Novosti
Publié le 28 décembre 2010

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Source : RIA Novosti
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