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Impressions de Russie

La Russie à la croisée des chemins
Hugo Natowicz


© Hugo Natowicz

Jeudi 24 mars 2011

"Impressions de Russie" par Hugo Natowicz

L'élection présidentielle de 2012 approche, et la tension monte. Un échange de piques entre le président Medvedev et le premier ministre Poutine a relancé le débat visant à savoir lequel des deux hommes, qui incarnent des tendances de plus en plus distinctes de la société russe, serait candidat pour la présidentielle.

C'est autour de l'opération militaire en Libye que MM. Medvedev et Poutine se sont affrontés par journalistes interposés. Réuni avec des ouvriers dans l'Oural, le premier ministre Poutine s'est lancé dans une diatribe contre la politique américaine: la résolution de l’ONU sur la Libye était comparée à "l'appel moyenâgeux aux croisades", tandis que les Etats-Unis se voyaient reprocher une tendance à l'usage de la force, de Belgrade à Bagdad en passant par l'Afghanistan, tous gouvernements confondus. Une déclaration "choc" aux tonalités de campagne, renvoyant aux grands acquis de l'ère Poutine: le retour du pays sur la scène internationale, la fierté retrouvée, le tout enveloppé d'un antiaméricanisme assez marqué.

Artisan d'un rapprochement avec Washington depuis le début de son mandat, le chef de l'Etat a mis le holà: Medvedev a en effet appelé en conférence de presse ses subordonnés à éviter toute expression susceptible d'attiser le "choc des civilisations", et critiqué nommément le mot "croisade" sorti de la bouche de Poutine. Ce rappel à l’ordre réalisé par le chef de l’Etat, souvent considéré comme soumis à l'emprise politique du premier ministre, visait à rappeler à Poutine que la ligne du pays en matière de politique étrangère relève strictement du président. Un porte-parole de ce dernier a fait amende honorable le lendemain en précisant que "l'unique position officielle de la Russie a été exposée par le chef de l'Etat".

Ce n'est pas la première fois que le tandem dirigeant se livre à des passes d'armes de ce type, généralement autour des aspects épineux des relations russo-occidentales. Un épisode similaire avait récemment opposé les deux hommes sur un thème qui contribue à la diabolisation de la Russie à l'Ouest: le sort de l'ancien PDG de Ioukos Mikhaïl Khodorkovski. Le président avait appelé les "fonctionnaires" russes à ne pas formuler leur opinion avant l'énoncé du verdict. Message clair en direction de Poutine qui déclarait peu avant qu'"un voleur doit aller en prison" à propos de Khodorkovski, finalement condamné.

Les déclarations fracassantes de Poutine constituent plus qu'une marque de fabrique; elles visent à rappeler, par leur liberté de ton, qui est le maître à bord. Pourtant, par la force des circonstances, le président au départ plutôt fade qu'était Medvedev a fini par incarner certaines tendances de fond de la société russe, ce qui lui donne une assurance nouvelle. De la forêt de Khimki à la question de la liberté de la presse en passant par les nouvelles technologies, le président a discrètement joué la carte de l'"anti-Poutine".

Outre la différence d'âge entre les deux hommes, une telle évolution peut s'expliquer par la relative de faiblesse de Medvedev par rapport à son mentor, qui a poussé le président à rechercher un appui dans la société russe, jeunesse en tête. De fil en aguille, Medvedev a fini par s'ériger en président plus libéral et plus "cool" que son prédécesseur, cherchant à donner l'image d'un homme connecté aux préoccupations de la jeunesse progressiste. Jusqu'à se voir accusé par certains d'avoir lancé une "Perestroïka 2.0"… Une ligne de fracture est apparue: appuyées par le président-blogueur, les velléités de démocratisation et de libéralisation ont fini par chambouler le débat politique russe et s'affichent désormais ouvertement.

Au niveau international, le changement de ton est cardinal: M. Medvedev est l'artisan du « redémarrage » des relations avec les Etats-Unis, fruit de sa relation personnelle tout sourire avec le président américain Barack Obama. Le "tandem" des deux hommes contraste fortement avec le binôme beaucoup plus conflictuel Poutine-Bush, symboles d'une époque marquée par des relents de guerre froide.

Tout en contraste avec l'ère Poutine, Medvedev a entrepris de rapprocher la Russie de l'Occident sur une série de dossiers, de l'Afghanistan à l'Iran, instaurant une détente autour du bouclier antimissile. Pourtant, ce rapprochement est incomplet et l'effort de Medvedev n'a pas atteint son but: la Russie reste sur le seuil de différentes organisations internationales cruciales, comme l'OMC et l'OCDE.

Tenu à l'écart des grands clubs libéraux, Moscou reçoit un message univoque de l'Occident: la Russie ne pourra simuler ad vitam aeternam la normalité dans ses relations avec les pays occidentaux, et invoquer leur aide pour sa modernisation, en d'adhérant que de façon superficielle aux valeurs non négociables que sont la liberté d'expression et de réunion, le pluralisme politique et la non-ingérence dans les affaires économiques.

L'élection de 2012 constituera donc un tournant majeur pour la Russie: le pays devra choisir entre le maintien de son isolement relatif, garant d'une certaine indépendance politique, et une adhésion intégrale aux valeurs occidentales, qui la forcera à abdiquer une part de sa souveraineté. Le choix de la seconde voie dépendra d'un facteur crucial: l'intensité des signaux émis par la société civile en faveur des réformes, à l'heure où nombre de pays du monde sont parcourus par un vent de révolte.

© 2011 RIA Novosti
Publié le 28 mars 2011

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Source : RIA Novosti
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