Opinion
S-300 pour l'Iran:
les missiles de la revanche
Hugo Natowicz
S-300 - © RIA Novosti. Dmitri Korobejnikov
Vendredi 16 juillet 2010
Nouveau rebondissement dans le feuilleton-fleuve entourant la
livraison des missiles russes S-300 à l'Iran: le contrat tient
toujours. Une pique de Moscou qui n'a toujours pas digéré le
coup de filet contre des espions russes aux Etats-Unis.
"Le contrat n'a pas été annulé", a laconiquement souligné
Sergueï Tchemezov, PDG du conglomérat public Rostekhnologuiï,
qui chapeaute notamment le monopole russe des exportations
d'armements.
Une déclaration d'apparence anodine qui tombe comme un cheveu
sur la soupe, alors que Moscou semblait avoir choisi le camp des
adversaires de Téhéran.
Cette volte-face russe surprend à plus d'un titre. Approuvées
par la Russie, les sanctions de l'ONU adoptées début juin
empêchent définitivement la réalisation du contrat signé en 2005
par Moscou et Téhéran sur la vente de cinq systèmes sol-air
S-300. Auparavant déjà, le contrat n'avait jamais été honoré en
raison de la pression de Washington, qui redoute que ces
missiles capables d'abattre un avion volant à 27 km d'altitude
ne mettent l'Iran à l'abri d'éventuelles frappes. Téhéran avait
maintes fois protesté contre les faux-fuyants russes sur ce
dossier.
A la grande joie des Américains, la Russie était récemment
allée encore plus loin en reconnaissant en des termes très
directs la menace sécuritaire que représente Téhéran. "L'Iran
est proche d'avoir le potentiel qui, en principe, peut être
utilisé pour créer l'arme nucléaire", a déclaré le président
Medvedev lors d'une réunion avec les ambassadeurs russes.
L'ombre des "illégaux"
Le principal frein au ralliement de Moscou à la croisade
internationale contre l'Iran était jusqu'à présent d'ordre
commercial. Soufflant le chaud et le froid, les Russes disaient
redouter l'apparition d'une bombe nucléaire iranienne mais
continuaient dans le même temps à construire la centrale
nucléaire de Bouchehr et souhaitaient participer à la mise en
valeur de gisements d'hydrocarbures dans ce pays.
Toutefois, un événement politique d'une grande résonance est
venu se greffer sur la problématique iranienne. Fin juin,
Washington faisait voler en éclat la lune de miel entre les deux
pays en annonçant l'arrestation de dix espions russes (les
"illégaux") immédiatement après la visite aux Etats-Unis d'un
Dmitri Medvedev tout sourire. Un morceau de hamburger de trop,
qui est resté en travers de la gorge des Russes.
Le scandale a eu l'effet d'une douche froide, et repoussé aux
calendes grecques les projets conjoints dans le domaine de
l'innovation, si chers à Medvedev. Mais surtout, l'affaire a été
ressentie comme une défaite russe. Afin de rapatrier les
"illégaux", des espions de bas étage, Moscou a été contraint
d'extrader vers les Etats-Unis quatre agents secrets
expérimentés, russes de surcroît. Un échange humiliant qui est
loin de satisfaire les appétits de revanche côté russe.
Le spectre des S-300 ne refait jamais surface par hasard: des
rumeurs selon lesquelles la Russie aurait entamé la fourniture
de "composantes pour les systèmes de missiles S-300" avaient été
relayées en décembre 2008. Soit quelques mois après le conflit
russo-géorgien, au comble de la tension dans les rapports
est-ouest.
C'est donc Medvedev qui aura le dernier mot dans cette
affaire: "la décision devait être prise par le président
lui-même", a précisé Tchemezov. Reste à savoir si le chef du
Kremlin sera assez rancunier pour jouer l'atout des S-300.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur
© 2010 RIA Novosti
Publié le 17 juillet 2010
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