Opinion
L'ONU et l'Etat
palestinien
Hicham Mourad
Mercredi 15 juin 2011
L’onu
reconnaîtra-t-elle l’Etat palestinien en
septembre prochain ? Une réponse
positive est ardemment souhaitée par les
Palestiniens qui, face au blocage de
toute solution négociée, cherchent à
faire avancer leur cause via une demande
d’adhésion de l’Etat de la Palestine à
l’organisation internationale. En
revanche, la partie adverse s’évertue à
bloquer la démarche. Israël a ainsi
lancé une vaste offensive diplomatique
pour faire échouer l’initiative
palestinienne.
En vertu
de la charte des Nations-Unies,
l’adhésion d’un Etat se fait sur
recommandation du Conseil de sécurité.
Une majorité de 9 voix sur 15 est
nécessaire. Aucun des 5 membres
permanents ne doit opposer son veto. Or,
les Etats-Unis devraient le faire. Une
solution de remplacement, une
approbation par l’Assemblée générale de
l’adhésion de la Palestine, n’a pas
effet d’obligation et paraît avant tout
symbolique. Recourir à la résolution de
1950 : « Unité pour la paix », destinée
à éviter le veto d’un membre permanent
du Conseil de sécurité, pose de
problèmes juridiques. Cette résolution
était destinée à des questions relatives
à la paix et à la sécurité mondiales, et
non à l’adhésion d’un Etat à l’Onu.
En
réalité, la reconnaissance d’un Etat se
fait entre Etats, au niveau bilatéral,
et non via l’Onu. La Palestine peut en
ce sens se prévaloir de la
reconnaissance de 112 Etats parmi les
193 de l’Onu. Une adhésion aux
Nations-Unies renforce cependant cette
reconnaissance internationale ainsi que
la position juridique de l’Etat
concerné. L’occupation militaire
israélienne de la Cisjordanie et de
Jérusalem-Est sera alors considérée
comme une agression contre un Etat
souverain. La présence de colonies
juives de peuplement sera également
considérée comme une violation de la
souveraineté de cet Etat, au même titre
que le blocus imposé à la bande de Gaza.
La position d’Israël en sera ainsi
grandement affaiblie.
Sous
forte pression des Etats-Unis et de
certaines puissances européennes, qui
s’opposent à l’initiative, l’Autorité
palestinienne serait, elle-même, divisée
sur son utilité si elle devait se solder
par une détérioration des rapports avec
Washington, voire une baisse de leur
assistance financière. Washington et ses
alliés stigmatisent la démarche «
unilatérale » palestinienne, feignant
d’ignorer que l’Etat juif est le
champion de l’« unilatéralisme »,
notamment en matière de colonisation et
d’annexion de Jérusalem-Est. Mais aussi
de création de faits accomplis sur le
terrain et de modification
démographique. Les Etats-Unis
objectaient que la proclamation d’un
Etat palestinien doit être le fruit d’un
processus de négociation avec Israël, et
non le produit d’une adhésion à l’Onu.
Il faut leur rappeler à cet égard
qu’Israël lui-même a été créé en vertu
de la résolution 181 de l’Assemblée
générale de l’Onu (novembre 1947) sur le
partage de la Palestine en deux Etats,
et qu’il n’était donc pas le produit
d’un processus de négociation avec les
Palestiniens. La position américaine
ignore également le fait que c’est
l’Etat hébreu qui rejette toute reprise
de pourparlers de paix sur une base
acceptable. Le premier ministre
israélien, Benyamin Netanyahu, a ainsi
rejeté en bloc, dans son discours devant
le Congrès américain le 24 mai, les
idées avancées, le 19, par le président
Barack Obama pour une reprise des
négociations. Celui-ci avait soutenu la
création d’un Etat palestinien
indépendant et viable sur les frontières
de juin 1967, tout en proposant un
échange de terres entre la Palestine et
Israël, pour permettre à ce dernier de
garder les grands blocs de colonies
construites en Cisjordanie. Netanyahu a
justifié son refus des frontières de
1967 en prétextant que celles-ci sont «
indéfendables » militairement. Ces
frontières « indéfendables » ont
pourtant tenu de 1948 à 1967 et, loin de
constituer une faiblesse, ont permis à
l’Etat juif de conquérir toute la
Palestine et des terres de deux pays
arabes, l’Egypte et la Syrie. Sans
parler du Liban, victime à plusieurs
reprises des agressions israéliennes.
L’impératif de sécurité qu’Israël ne
cesse d’invoquer n’est finalement qu’un
prétexte pour engloutir les terres,
justifier sa politique expansionniste et
imposer sa solution de la question
palestinienne. L’insécurité que ressent
Israël est plutôt due à la poursuite de
son occupation des terres palestiniennes
et seule une paix qui met fin à cette
occupation apportera la sécurité à
Israël. Une frontière mutuellement
approuvée garantira cette sécurité, car
les Palestiniens n’auront alors pas de
raison d’attaquer Israël. On se demande
d’ailleurs qui se trouve réellement en
insécurité : les Israéliens, dont le
pays détient l’armée la plus puissante
du Proche-Orient et est l’unique
puissance nucléaire de la région, ou les
Palestiniens qui font régulièrement les
frais d’attaques israéliennes
meurtrières et auxquels Tel-Aviv dénie
les droits les plus élémentaires.
Netanyahu prétend soutenir la solution
des deux Etats — appuyée par le
président américain, mais il renie dans
les faits toute souveraineté et
indépendance, voire dignité, à l’Etat
palestinien, qui dépendrait d’Israël
pour sa survie. Une éventuelle reprise
des négociations sous l’actuel
gouvernement israélien — et vu ses
positions — ne servirait qu’à couvrir la
poursuite de la colonisation et de la
politique du fait accompli, ce qui
préviendrait l’établissement d’un Etat
palestinien viable. L’administration
américaine, qui a constamment échoué à
modifier la position intransigeante
d’Israël, doit réfléchir à changer de
politique et à soutenir la démarche de
l’Autorité palestinienne à l’Onu. Car
loin d’anticiper une solution ou de
décider du sort des questions
litigieuses, l’adhésion de la Palestine
à l’Onu ne fera que soutenir le
règlement réclamé par les Etats-Unis et
la communauté internationale : la
solution des deux Etats vivant côte à
côte en paix.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié le 15 juin 2011 avec
l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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