Qatar : un poète
est condamné à la perpétuité
pour avoir « insulté » l'émir
Hicham Hamza
Jeudi 29
novembre 2012
Délit d’opinion. Un tribunal du Qatar a
condamné aujourd’hui Mohammed Ibn al-Dhib
al-Ajami à la prison à vie en raison de
ses poèmes fustigeant la politique «
répressive » des régimes arabes.
« Un scandaleux déni de justice ! »
: c’est ainsi que l’avocat Naguib al-Nuaimi
a
qualifié le verdict -rendu ce jeudi
à huis clos par la cour criminelle
de Doha- à l’encontre de son client
Mohammed Ibn al-Dhib al-Ajami, condamné
à la prison à vie. Ce poète qatari, âgé
de 36 ans, est détenu à l’isolement
depuis le 16 novembre 2011 pour
avoir porté « atteinteà la
Constitution »,« insulté »-selon la
loi locale- l’émir et
« diffamé » le prince
héritier. Passible de la peine de mort,
l’un des motifs d’inculpation fait
également référence à
l’article 130 du code pénal qatari
qui traite de « l’incitation au
renversement du pouvoir en place ».
Plusieurs
organisations internationales de
défense des droits de l’homme avaient
déjà
fait état d’un procès entaché
d’irrégularités. Amnesty International
évoque aujourd’hui une «
scandaleuse trahison de la liberté
d’expression ». L’avocat fera appel
dès la semaine prochaine tandis qu’une
grâce royale par Hamad bin Khalifa
al Thani n’est pas exclue.
En janvier 2011, au déclenchement des
révoltes contre
Ben Ali, al-Ajami affirma dans un
poème intitulé « Jasmin tunisien »
que « nous sommes tous la Tunisie
face à une élite répressive ». Cinq
mois plus tôt, avant le soulèvement des
peuples arabes, le poète avait déjà mis
en ligne un texte critiquant l’émir du
Qatar
et son entourage, faisant
allusion à ces « cheikhs qui
jouent sur leur Playstation ». Une
vidéo d’al-Ajami déclamant un extrait de
son poème a été mise en ligne sur
YouTube en juillet 2010.
Pendant plusieurs années, le
puissant émirat s’est targué d’avoir
contribué à la liberté d’expression dans
le monde arabe, notamment à travers la
création d’Al Jazeera en 1996 et du
Centre de Doha pour la Liberté des
Médias en 2008.
Pourtant, une récente disposition
législative, votée en juin dernier,
prévoit dorénavant de rendre passible
toute critique de l’émir ou des pays
voisins du Golfe d’une
amende maximale de 275 000 dollars.
A quelques mois des premières
élections-sans cesse
reportées- de son Conseil
consultatif, le Qatar continue pourtant
d’incarner le premier supporter officiel
des « printemps arabes ».
Cela ne l’empêche
pas d’exprimer parfois un double langage
en matière démocratique. Tel fut le cas
lors des
révoltes du Bahreïn, violemment
réprimées avec la complicité du Qatar,
membre de
l’alliance des pays du Golfe
à l’origine de cette «
contre-révolution ».
Reste à connaître la
position de la France envers le cas
flagrant de
délit d’opinion dans l’affaire al-Ajami.
François Hollande et Laurent Fabius
oseront-ils pointer du doigt le pays
avec lequel une véritable
« lune de miel », selon les
termes du journaliste Georges Malbrunot,
est entretenue de part et d’autre ? Au
vu de la traditionnelle indulgence dont
a fait
preuve la France, jusqu’alors, à
l’égard des régimes autocratiques du
monde arabe, rien n’est moins sûr.
Publié le 30
novembre 2012 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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