Les Palestiniens ne
pleureront pas la mort de Georges Frêche
Hicham Hamza
Georges Frêche
Mardi 26 octobre 2010
Adieu l’artiste. Dimanche, Georges Frêche, président du Conseil
régional de Languedoc-Roussillon, est décédé d’une crise
cardiaque à l’âge de 72 ans. L’occasion de revenir sur son art
consommé du mépris à l’endroit des Arabes de Palestine comme
ceux de France.
La mort efface-t-elle tous les griefs ? En
disparaissant soudainement, Georges Frêche a suscité quantité de
commentaires dans la presse nationale, la plupart saluant sa
transformation réussie de l’agglomération de Montpellier tout en
déplorant sa propension à la provocation. « Dérapages » :
tel est le mot convenu pour évoquer poliment ses saillies
verbales à l’égard
des Noirs, des harkis, des
Algériens ou, plus généralement, des
immigrés.
Le terme suggère une maladresse, une bavure,
alors qu’il n’en est rien : l’homme politique , intellectuel de
formation et féru d’histoire du droit, savait maîtriser la
parole publique. Loin de constituer des « dérapages », il
s’agissait davantage de signaux adressés à ses électeurs, cette
« majorité de cons » qu’il n’hésitait pas à
brocarder régulièrement avec un mépris souverain.
A l’égard de la communauté musulmane locale,
Georges Frêche s’est distingué par son obsession du
contrôle
social de l’islam, quitte à s’attirer la
critique pour son traitement
inéquitable envers des administrés soucieux de pratiquer
pleinement leur foi en toute liberté et dans le respect de leur
culte. La dernière affaire en date, dénoncée par la
Cimade et relative à une
discrimination du Conseil régional à l’encontre de jeunes
filles voilées, illustre ce deux poids deux mesures coutumier en
Languedoc-Roussilon lorsqu’il s’agissait de définir la gestion
administrative de la seconde religion de France.
La mémoire Frêche
Toute aussi grave fut son
instrumentalisation de l’antisémitisme pour intimider ses
adversaires politiques : un conseiller Vert de la région,
Silvain Pastor, fut ainsi
stigmatisé publiquement de la sorte pour avoir critiqué
l’implantation d’Agrexco,
entreprise israélienne opérant dans les territoires occupés, au
cœur du port de Sète. Poursuivi en justice pour diffamation,
Georges Frêche a réussir à obtenir, fin septembre, la
relaxe. Quelques mois auparavant, c’était précisément ce
qualificatif d’antisémite qu’il a dû lui-même endurer à la suite
de ses propos sur
Laurent Fabius, son
détracteur à la « tronche pas catholique ». Fort
heureusement pour Frêche, des personnalités juives sont
intervenues pour le soutenir dans ce procès surtout médiatique,
notamment Richard Prasquier, président du
Crif,
et Michel Lévy, journaliste et ancien collaborateur de l’intéréssé.
Comme en témoigne le
reportage
de ce dernier pour la chaîne franco-israélienne Guysen Tv, même
des anciens administrés de l’ex-député-maire de Montpellier, qui
résident désormais à Jérusalem, se sont portés garants de
l’absence de toute trace de judéophobie chez Georges Frêche.
Et pour cause : durant l’essentiel de sa
carrière politique, le tribun a fait preuve d’un incroyable zèle
envers le régime de Tel Aviv. Comme l’illustre son discours tenu
le 24 juin 2007, sur l’estrade du « Centre communautaire
culturel juif » et à l’occasion de la « journée de Jérusalem »,
Georges Frêche sait aligner -et prôner avec bonhomie- tous les
poncifs de l’ultra-sionisme : Jérusalem comme capitale
indivisible d’Israël,
célébration de l’ascendance juive de Nicolas Sarkozy, défense de
la construction du « Mur de Sharon », diabolisation de l’Iran et
refus du retour des réfugiés palestiniens –ces gens tout de même
« intelligents », croit-t-il bon d’indiquer avec
condescendance.
Une triste exhibition, au regard de l’engagement
anticolonialiste qui fut le sien dans sa jeunesse. Manifestant
ainsi contre la guerre d’Algérie, Frêche n’hésitait pas jadis à
affronter physiquement les étudiants sympathisants de l’OAS . Au
cours de années 70, il tentera à l’inverse de pactiser avec ses
anciens ennemis, allant jusqu’à séduire agressivement
l’électorat pied-noir et tenter une alliance avec le
Front national.
40 ans plus tard, la même image d’un
opportuniste prêt à toutes les compromissions continue
d’entacher la réputation du tribun populiste. Dans un débat
diffusé en février sur France 2, l’écrivain polémiste
Marc-Edouard Nabe profita du direct pour fustiger à sa manière
Georges Frêche, sans la moindre concession et au grand dam de
ses interlocuteurs, visiblement dépassés par sa truculence
virulente. Le provocateur qu’était Frêche aurait sans doute
apprécié cet hommage posthume, corrosif et en parfaite
adéquation avec le personnage controversé qu’il s’est acharné à
incarner à la fin de sa vie.
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