Il soutient Israël
contre Gaza :
Arno Klarsfeld doit démissionner de
l'OFII
Hicham Hamza
Mercredi 21
novembre 2012
Double allégeance. Venu couvrir
la manifestation pro-israélienne
organisée mardi à Paris, Oumma a
constaté la présence sur scène d’Arno
Klarsfeld, président de l’Office
français de l’immigration et de
l’intégration.
Une démonstration de force, nationaliste
et religieuse, s’est tenue aux abords
des Champs-Elysées. Suite au
déclenchement des frappes militaires sur
la bande de Gaza, l’association
Europe-Israël a mis lundi en ligne une
vidéo pour
appeler les sympathisants de la
cause sioniste à se rassembler le
lendemain devant l’ambassade d’Israël.
L’ensemble des composantes du
lobby pro-israélien était
réuni :
CRIF,
UEJF,
BNVCA, Bnaï Brith, Consistoire,
Bétar,
LDJ, entre autres. Les
membres de la
controversée Ligue de Défense Juive
ont été tenus à distance par le service
d’ordre, peu désireux de les voir
envahir la foule rassemblée -environ
3000 personnes- auprès de
l’ambassade. Des centaines de CRS et de
policiers en civil encerclaient le
quartier de la rue Rabelais.
Plusieurs personnalités, parmi
lesquelles le
grand rabbin de France ou le leader
du
curieux« mouvement sioniste
africain », se sont succédées pour
défendre le « droit pour Israël à se
protéger ». Des
élus étaient également présents : la
socialiste Danièle Hoffman-Rispal,
le député UMP Thierry Solère, l’ex-villepiniste
Hervé Mariton et le député-maire du
XVIème arrondissement Claude Goasguen.
Ce dernier, président du
groupe d’amitié France-Israël et
ancien militant du mouvement d’extrême
droite
Occident, a ainsi prôné, avec
virulence, la « démilitarisation »
de la bande de Gaza,
qualifié de « bastion terroriste
» par l’ambassadeur israélien Yossi
Gal.
Au bout d’une heure et demie, les deux
hymnes, israélien et français, ont été
entonnés par le public.
Des
heurts se sont par ailleurs
produits, après le départ des
manifestants, entre une poignée de
jeunes militants ultra-sionistes et les
forces de l'ordre. Voici des images
d’altercation que les chaînes de
télévision françaises n’ont pas songé
-contrairement à
celles des
manifestations salafistes devant
l’ambassade américaine de Paris- à
capturer et diffuser à l’antenne.
Deux éléments singuliers sont
apparus dans cette manifestation
pro-israélienne organisée en plein cœur
de la capitale française :
Les principaux représentants de
la communauté juive hexagonale ont
affiché
avec ferveur leur soutien
inconditionnel à la politique du
gouvernement israélien à l’encontre
des Palestiniens. Aucune critique ou
réserve n’a été formulée à
l’encontre de Benyamin Netanyahu.
Arno Klarsfeld est sorti de son
devoir de réserve.
Nommé par décret-en septembre
2011-
président du conseil
d’administration de l’OFII (Office
français de l’immigration et de
l’intégration), cet avocat
franco-israélien s’est
joint aux manifestants pour
prendre -publiquement et
radicalement- position, mardi soir,
en faveur de Tel Aviv.
Créée en 2009 et placé sous la
tutelle du ministère de l’Intérieur,
l’OFII est, selon ses statuts, le
« seul opérateurde
l’Etat en charge de l’immigration
légale et de l’intégrationdes
migrants ».
En tant que président d’un
établissement public à caractère
administratif, Arno Klarsfeld a
l’obligation d’un devoir de réserve
en matière politique, notamment
quand il s’agit d’enjeux
internationaux qui ont des
répercussions sur la cohésion
sociale en France.
Présenté à la tribune comme « un
ancien soldat de Tsahal »,
l’intéressé a tenu un discours expéditif
mais explicite. Depuis le cœur de la
foule et face à l’estrade, Oumma a
enregistré ses propos. En voici la
retranscription exacte.
Israël est en première ligne
contre l’islamisme radical qui menace
les démocraties occidentales et
l’islamisme radical doit être combattu.
L’islamisme radical, c’est pas l’islam,
c’est un islamisme qui essaye
d’annihiler la démocratie, la liberté et
les peuples comme le peuple d’Israël.
Il y a quelques mois, quand j’ai
dénoncé, avant l’affaire Merah, la
montée de l’islamisme radical en France,
combien certains m’ont taxé -presque- de
racisme à l’extrême gauche pour avoir
dénoncé quelque chose qui est
aujourd’hui évident, c’est-à-dire que
l’islamisme radical est en ascension. Eh
bien, Israël doit lutter contre
l’islamisme radical, Israël doit lutter
pour sa survie, Israël doit lutter pour
pouvoir vivre en paix et pour faire
grandir ses enfants. Voilà. Je vous
remercie ! »
En s’engageant publiquement en faveur
des frappes militaires déployées par
Israël sur la bande de Gaza, Arno
Klarsfeld a trahi, en sa qualité de
président de l’OFII, son devoir de
neutralité et de réserve. Il doit
quitter son poste.
Pour mémoire, Oumma republie,
ci-dessous, notre article,
paru en septembre 2011 et consacré
au parcours idéologique de l’homme parti
défendre, sur le terrain, la sécurité
d’un
régime d’apartheid.
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Quand Arno Klarsfeld voulait
« imposer par la force » la démocratie
aux Arabes
Axe du mâle. En nommant
Arno Klarsfeld président de l’Office
français de l’immigration et de
l’intégration, Nicolas Sarkozy a confié
le traitement des étrangers à un
partisan déclaré du choc des
civilisations. Flashback.
Excité par ce
qu’il qualifie ce matin sur
France Inter de «
nouveau boulot », l’heureux élu,
âgé de 46 ans, s’est donné une mission :
concilier les « deux extrêmes ».
Lesquels ? « L'un qui voudrait
ouvrir toutes grandes les portes de la
France sans se soucier de l'identité
française, sans se soucier de savoir
s'il y a assez de budgets sociaux, sans
se soucier d'autres choses. Et l'autre
extrême, qui voudrait fermer les portes
de la France à tout ce qui est étranger,
à tout ce qui est réfugié, à tout ce qui
est immigration »,préciseArno
Klarsfeld. Un souci d’équilibre qui
tranche avec certaines prises de
position passées de l’intéressé.
Tel Aviv, New York ou
l’Occident
En février 2003, l’invasion
inéluctable de l’Irak se prépare. Un
jeune et célèbre avocat parisien prend
parti en faveur de la décision de George
Bush : sur l’antenne de
France 3, Arno Klarsfeld
s’engage contre « le panarabisme et
le panislamisme » en soutenant sans
ambages l’expédition américaine.
Morceaux choisis : « Je pense qu’il
faut faire la guerre contre l’Irak parce
que, si Saddam Hussein disposait de
l’arme atomique, il ne manquerait pas de
l’envoyer sur Tel Aviv ou de la confier
à des terroristes pour l’envoyer sur New
York ou une autre ville occidentale. Je
pense qu’il faut faire la guerre à
l’Irak parce qu’il faut imposer parfois
par la force la démocratisation à des
dictatures qui ne sont pas des
dictatures tranquilles… Celle-ci est une
dictature expansionniste et il faut
imposer la démocratie au monde arabe ».
En tenant de tels
propos bellicistes, Arno Klarsfeld
résumait ainsi sa propre
tribune, publiée auparavant dans
Le Monde et sobrement intitulée
« Pour la guerre ». Trois ans plus
tard, l’avocat assumera toujours cet
engagement malgré le
fiasco sanglant de l’intervention en
Irak et le mensonge désormais avéré des
armes de destruction massive. Interrogé
par Thierry Ardisson dans l’émission
Tout le monde en parle,
Arno Klarsfeld justifia ainsi le
renversement du régime irakien : «
Dans les pays tyranniques, si vous
bougez, on vous coupe la gorge ! ».
Son positionnement radical évoque sa
grille de lecture atypique au sujet de
la création de l’Etat hébreu : en
décembre 2001, le jeune homme exposa
dans
Le Monde sa perception du
problème israélo-palestinien. Son
interprétation est édifiante : les
Arabes seraient co-responsables du
génocide du peuple juif.
Extrait : « Lorsque les
dirigeants arabes affirment qu'ils n'ont
aucune responsabilité, même indirecte,
dans la Shoah, c'est faux. Si les Juifs
persécutés d'Allemagne, de Pologne, de
Hongrie, de Roumanie et d'ailleurs
avaient été admis à immigrer en
Palestine, ainsi qu'il avait été convenu
et reconnu par la Société des nations,
sans doute le nombre de Juifs exterminés
aurait été très inférieur à ce qu'il
fut. On ne peut à la fois reprocher aux
Suisses de ne pas avoir ouvert toutes
grandes leurs frontières aux juifs
pourchassés et ne pas rappeler aux
Arabes de Palestine et d'ailleurs qu'ils
ont consciemment fermé les leurs à une
population juive en danger mortel, alors
que l'espace pour l'accueillir ne
manquait nullement ».
« Segment »
Arno Klarsfeld sait aussi fustiger
les Arabes, ici et maintenant : dans un
éditorial en anglais publié discrètement
en 2003 par le quotidien ultra-droitier
Jerusalem Post, l’avocat
dénonce la France, notamment « le
gouvernement, les médias et la majorité
de l’opinion publique », tous
coupables de vouloir expliquer par la
répression israélienne l’acte ultime du
kamikaze palestinien. Quant aux Français
d’origine maghrébine, ils sont pointés
du doigt : « Aujourd'hui, pour la
première fois depuis 1945, des
synagogues et des écoles juives sont
incendiées durant la nuit et les Juifs
des banlieues des grandes villes de
France sont insultés, battus et
reçoivent des crachats en plein jour.
Cet antisémitisme physique émane d'un
segment de la jeune population arabe de
France (et d'Europe) ».
Contrairement à sa
liaison passée avec Carla Bruni, le
rapport passionnel qu’entretient Arno
Klarsfeld avec Israël a curieusement été
omis par la plupart des médias lors de
sa nomination à la présidence de l’OFII.
Seule la journaliste Pascal Clark y a
fait vivement référence lors de son
entretien avec lui ce mercredi matin sur
France Inter. Pour
apprendre que l’intéressé avait obtenu
la nationalité israélienne et exercé son
service militaire au sein de l’Etat
hébreu, il fallait se connecter aux
réseaux sociaux ou lire les commentaires
des articles en ligne. Ainsi, une
lectrice du Monde n’a pas manqué de
s’étonner de cet élément passé sous
silence comme ce fut le cas, par
exemple, dans un article du
Monde rédigé par Vanessa
Schneider et Elise Vincent.
Impossible pourtant de comprendre les
actions politiques d’Arno Klarsfeld sans
évoquer cet élément crucial de sa
personnalité : son attachement viscéral
à l’endroit d’Israël.Il confessa
lui-même au journal
Libération l’importance de
cet aspect : « Une part de moi est
nationalement juive ». Cette
conviction intime l’a conduit à prendre
la
nationalité israélienneen avril
2002, à l’âge de 36 ans, suite au
marathon de Jérusalem auquel ce
triathlète participa. Un an plus tard,
le nouveau patriote effectua son service
militaire durant quatorze mois parmi les
Magav- ces garde-frontières
rattachés à la police israélienne.
Une
faveur particulière : l’homme avait
déjà dépassé de dix ans la limite d’âge.
Aucun inconfort, pourtant -bien au
contraire : « La haine est un
sentiment banni des rangs de Tsahal.
Oui, je suis fier de servir au sein de
l’armée d’Israël », a
fait savoirArno Klarsfeld en
décembre 2003.
« Partir en
Israël, c’est un acte courageux »,
lui
affirma en 2005 Thierry Ardisson. A
l’occasion de la promotion de son
dernier ouvrage, Arno Klarsfeld était
l’invité de l’animateur de France 2.
Dans ce recueil intitulé « Israël
Transit », il raconta son
expérience vécue parmi les soldats de
l’Etat hébreu. Politiquement, l’homme se
dit favorable à la délimitation aux
frontières de 1967 et radicalement
opposé au droit au retour des
réfugiés palestiniens. En 2002, il
prônait encore « l’élimination
politique de Yasser Arafat ». Un an
auparavant, il
envisageait même une solution
controversée pour résoudre le conflit
israélo-palestinien : « On peut se
demander, enfin, quelle logique il y
aurait à un Etat palestinien exigu,
divisé et surpeuplé, alors que la
Jordanie est vaste, peu peuplée et
habitée majoritairement par des
Palestiniens. Il faudra bien penser un
jour à résoudre cette absurdité
territoriale. Peut-être retrouvera-t-on
alors l'"option jordanienne", mais après
la création d'un Etat palestinien
indépendant ».
Entre la seconde Intifada entamée fin
2000 et le déclenchement de la guerre en
Irak, beaucoup en France prennent
position de part et d’autre-et de
manière souvent radicale- sur la
question de l’occupation israélienne des
territoires palestiniens. Dans la ligne
de mire des partisans ultra-sionistes
figurent notamment le
MRAPet son dirigeant Mouloud
Aounit. A la suite d’une motion formulée
au sein de l’Université Paris VI en
faveur du boycott de toute coopération
avec ses homologues israéliens, un
rassemblement en soutien à l’Etat
hébreu s’est tenu dans la capitale. Arno
Klarsfeld est non seulement
présent mais également
virulent sur l’estrade : « « Au
sein des universités, cela fait déjà
plus de 35 ans que gauchistes,
communistes et antisémites militent
activement contre les différents
gouvernements d'Israël. En fait, ils
militent contre l'existence même de
l'Etat d'Israël. Ils militent contre
l'Etat juif. Ils n'ont pas digéré la
chute du colosse soviétique et la
défaite universelle du communisme et
reprochent aux Juifs d'avoir sapé cette
idéologie en combattant inlassablement
pour la liberté et pour la démocratie
(...). Aujourd'hui, une des universités
de Paris s'en prend à l'Etat juif et
réclame qu'il soit privé d'échanges
universitaires et scientifiques. Une
fois de plus, l'Université française
va-t-elle se déshonorer face à
l'Histoire, en exprimant derrière la
façade qu'on sait de verre de
l'antisionisme, un véritable
antisémitisme ? Alors vive la France,
celle qu'on aime, vive la démocratie et
Am Israël haï ! ».
Comme il le confessera, deux ans plus
tard, dans une nouvelle tribune publiée
par
Le Monde, le retrait de la
bande de Gaza ne sera pas suffisant pour
estomper son angoisse primordiale :«
Le problème de fond n’a cependant pas
changé : les Palestiniens et le monde
arabe sont-ils prêts à accepter qu’au
Moyen-Orient se développe un Etat juif
et indépendant ? »
Tour de piste cyclable
Ses appréhensions sont à la hauteur
de sa propre échelle dramatique, forgée
à l’ombre de Serge Klarsfeld -ce père
surnommé le « chasseur de nazis ».
Ce matin encore, sur
France Inter, le nouveau
président de l’OFII-déjà
critiqué par la Ligue des Droits de
l’Homme- se défendait de ne pas vouloir
renvoyer les étrangers en situation
irrégulière « vers Auschwitz ».
Depuis son arrivée surprise pour
remplacer
Dominique Paillé –évincé
sans ménagement du poste en raison
de sa
dénonciation de la radicalisation
droitière de l’UMP, Arno Klarsfeld
présente régulièrement l’institution
qu’il dirige comme la « bonne fée »
des immigrés. Ce responsable qui se
déclare engagé dans des « causes
justes »
depuis l’âge de 4 ans a lui-même
rencontré son propre protecteur féerique
en la personne de Nicolas Sarkozy.
En 1999, les deux hommes se croisent
à l’occasion d’une balade à vélo avec
Michel Drucker. Six ans plus tard, Arno
Klarsfeld lui adressa un petit
mot de soutien durant les révoltes
des quartiers populaires. Bonne pioche :
quelques semaines plus tard, le ministre
de l’Intérieur lui commanda un rapport
sur les « bienfaits » de la
colonisation française. L’avocat
désoeuvré se découvre une nouvelle
vocation : après avoir
vanté –devant un Thierry Ardisson
dubitatif- « la culture et
l’administration apportées »-selon
lui- aux peuples colonisés par la
France, Arno Klarsfeld enchaînera les
thématiques les plus variées –SDF,
enfants de sans-papiers, écologie
urbaine- en moins de deux ans.
Précisément : en l’espace d’une
quinzaine de mois, trois
« missions » et deux «
rapports » dont l’un,
de sept pages, consacré à la
délinquance des mineurs et un autre -à
propos des transports non polluants- qui
motiva vivement celui que Nicolas
Sarkozy
qualifie d’« adepte du vélo et
du roller ».
Nulle surprise, dès
lors, à l’engagement de plus en plus
appuyé de la part d’Arno Klarsfeld en
faveur du candidat à l’élection
présidentielle de 2007 : après lui avoir
exprimé toute son
admiration et sa
loyauté, il était naturel que le
passionné de cyclisme appelle à voter
pour le dirigeant de l’UMP. Pourquoi
celui-ci plutôt qu’un autre candidat ?
Réponse élémentaire d’Arno Klarsfeld :« De tous, c’est le plus gentil ».
La victoire de Nicolas Sarkozy
portera rapidement ses fruits : le parti
présidentiel
propulse Arno Klarsfeld à la
candidature aux élections législatives
dans la 8ème circonscription
de Paris, située dans le XIIème
arrondissement. Un lieu que connaît bien
l’intéressé : en guise de démonstration,
le postulant
indique l’avoir traversé au cours
d’un marathon. Et pour attester de sa
passion à servir le citoyen, Arno
Klarsfeld n’hésite pas à
comparer le mandat parlementaire
qu’il entend briguer à une «
relation amoureuse qui ira en
s’intensifiant avec le temps ». Le
râteau ne s’est pas fait attendre : au
second rendez-vous, ou plutôt au second
tour des élections législatives, le
candidat de l’UMP se voit poser un lapin
par l’électorat du XIIème, visiblement
insensible au charme du marathonien
éphémère. Il est vrai qu’il n’était sans
doute pas très élégant d’affirmer
avant le premier tour son désir
d’obtenir un siège de député tout en
assumant de lorgner-déjà- en direction
d’un éventuel poste ministériel : «
Si on me propose un secrétariat d'Etat,
j'accepterai. Un secrétariat pas
plan-plan, mais une mission difficile,
avec des coups à prendre, une réforme
juste à mener, cela m'intéresserait.
Cela ne m'empêchera pas, si je suis élu,
de rester fidèle à mes électeurs. Je
deviendrai un expert de l'arrondissement
».
7 500 euros net comme
intermittent de la politique
En guise de consolation, le Premier
ministre François Fillon le prendra
rapidement sous son aile en le
nommant, dès l’été 2007, conseiller
à Matignon. Un poste qu’il occupera fort
discrètement jusqu’en octobre 2010, à la
veille de sa promotion, sur proposition
du garde des Sceaux Michèle
Alliot-Marie, au sein du Conseil d’Etat.
Sans avoir fait l’ENA et grâce au mode
de désignation du tour extérieur, une
telle accession -dans l’enceinte de la
plus haute juridiction administrative du
pays- est un privilège rare. Comme le
rappelle avec une inhabituelle férocité
le magazine
Capital, Arno
Klarsfeld –« qui n’a jamais été un
bourreau de travail »- perçoit
désormais 7500 euros net en venant
simplement « par intermittence »
dans les locaux du Conseil d’Etat.
Quant au « gentil » président
de la République, sa gratitude sera
encore abondante par la suite : à peine
quatre mois après sa nomination à
Matignon, le chef de l’Etat l’avait déjà
fait-en date du 24 novembre 2007-
chevalier de l’Ordre national du
Mérite.
Le lien puissant qui semble unir les
deux hommes n’allait pas être entamé par
les péripéties de la vie politique
hexagonale :
au premier jour du grand
débat sur l’identité nationale-le 2
novembre 2009, Arno Klarsfeld est
rapidement engagé en faveur de ce sujet
polémique, même s’il fera mine –lors
d’une
intervention télévisée (à 10’50) en
mars dernier- de s’y être opposé. Dès
l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy,
l’homme estimait déjà « nécessaire »
de « tenir bon » sur la
création controversée d’un ministère de
l’Immigration et de l’Identité
nationale. Selon lui, il ne faut pas
hésiter à récupérer « certains
thèmes » au Front national.
m
Nul ne sait ce qu’en pense Beate
Klarsfeld : la mère d’Arno -à propos de
laquelle un
documentaire vient de sortir en
Allemagne- avait
affirmé par le passé avoir voulu
inculquer à son fils la passion du
combat contre l’extrême droite et
notamment le Front national. En 1987,
l’enfant de Beate et Serge Klarsfeld
s’était déjà illustré dans un incident
particulier : à l’occasion d’un
rassemblement du FN, Arno, âgé d’une
vingtaine d’années, aurait été agressé,
selon lui, par le service d’ordre
après s’être présenté devant les
sympathisants en hurlant « Le Pen
raciste, Le Pen antisémite !» tout
en arborant un tee-shirt sur lequel
figuraient les mots « Le Pen nazi ».
Le parti nationaliste a depuis
vivement
démenti le récit relaté par Arno
Klarsfeld : selon le porte-parole du FN,
Arno Klarsfeld aurait simplement été
déshabillé et abandonné sur le trottoir
avant d’être interpellé par la police.
Pour preuve d’une non-agression, le FN
indique ne pas avoir reçu de plainte
déposée à son encontre -contrairement à
ce que relate le Jerusalem Post
qui a consacré le 22 septembre 1987 un
article sur cette altercation.
Pour attester de la véracité de son
récit, Arno Klarsfeld a présenté en 2007
à
l’AFPles photocopies des
documents médicaux faisant état de
contusions et d’un arrêt de travail de
dix jours. Il ne s’est pas expliqué sur
l’allégation relative à l’absence de
dépôt de plainte pour coups et
blessures.
De la défense des
Tziganes à l’expulsion des Roms
Quoiqu’il en soit, l’évolution
idéologique d’Arno Klarsfeld depuis sa
collaboration avec Nicolas Sarkozy
ferait probablement sourire celui qu’il
qualifia jadis de « nazi » : de
1987 à 2011, le fils Klarsfeld a troqué
le combat contre le nazisme de ses
parents pour la stigmatisation feutrée
de l’étranger en situation irrégulière.
L’homme qui fut dans les années 90 un
secrétaire général de la Licra et
l’auteur d’une
autobiographie romancée à propos
d’un valeureux défenseur des Tziganes
montre désormais un autre visage : en
2006, Arno Klarsfeld ne voit
pas d’objection à l’expulsion de
Jeff Babatunde, un lycéen issu du
Nigéria ; en 2010, il ne rechigne pas à
soutenir la proposition polémique
relative à la déchéance de la
nationalité ainsi que la
traque des Roms ; et hier encore, il
défendait au micro de
RMC la stratégie de
Claude Guéant ainsi que «
l’héritage chrétien de la France »
sans omettre de prononcer (à 10’15) une
petite phrase que n’aurait pas
désapprouvé Marine Le Pen : « C’est
normal que… Si des centaines de gens
prient dans la rue, vous avez peur ! ».
Au bûcher de Zemmour
Quelques mois plus tôt, Arno
Klarsfeld semblait pourtant manifester
une légère pointe de rébellion en
critiquant l’invitation d’Eric Zemmour
-par un courant de l’UMP- à débattre de
la
« liberté de pensée ».C’était
oublier que, derrière cette contestation
publique et
virulente d’un homme
accusé par le conseiller d’Etat
d’avoir sciemment
encouragé la
discrimination à l’embauche, il y
avait sans doute des motifs plus
personnels. Le chroniqueur-phare de
l’émission de Laurent Ruquier avait
auparavant systématiquement critiqué le
nouveau partenaire « en mission »
de Nicolas Sarkozy. Entre 2006 et 2010,
les affrontements entre les deux hommes
furent nombreux à l’antenne. Qu’ils
s’agissent de la régularisation des
enfants des sans-papiers, du
devoir de mémoire au CM2 ou du
sort du
peuple haïtien, le propos d’Eric
Zemmour à l’encontre d’Arno Klarsfeld
tient en une phrase,
prononcée en 2009 : « Vous ne
servez à rien ! ».
C’est durant l’une de ces
confrontations qu’un autre invité -le
comédien Patrick Timsit- interviendra
pour exprimer son exaspération similaire
envers Arno Klarsfeld qui venait juste
auparavant de confesser avec
désinvolture qu’il n’était « pas
intéressé par le métier d’avocat ».
Arno Klarsfeld est un
mystère : l’homme qui
prétend avoir -à l’âge de 25 ans-«
été reçu premier sur 30 000 au barreau
de New York » est également celui
qui est capable de jeter le contenu d’un
verre d’eau à la figure de Robert
Ménard.
Le prétexte ? Un
désaccord sur la
pertinence de la sanction judiciaire
à l’encontre des propos négationnistes.
Réputé pour son
humour grinçant, Pierre Marcelle,
chroniqueur à Libération, lui
avait consacré jadis un
billet d’humeur intitulé « Le
neuneu ». En interview, Arno
Klarsfeld a parfois des attitudes dignes
d’un Jean-Claude Van Damme pour sa
propension à s’aventurer dans des
évocations intimistes et étranges. Il
lui arrive ainsi souvent de manifester
son amour immodéré pour les chats : ce
fut le cas dans son ouvrage « Israël
Transit » où il évoque sa passion
prodiguée de manière égale pour les
félins israéliens et palestiniens. Après
le tremblement de terre d’Haïti, le
Canard enchaîné avait déjà
brocardé une curieuse initiative prise
par l’envoyé spécial du gouvernement :
rapatrier un chat à Paris pour le
ramener à sa jeune propriétaire qui
avait quitté -sans son compagnon
domestique- le territoire en ruines.
Mais c’est en 2007, au soir de sa
défaite électorale, que le candidat
malheureux est parvenu, face caméra, à
relativiser son désarroi et à
déployer-ce faisant- l’originalité de
son mode de raisonnement. Par quel
miracle? Grâce à la figure tutélaire du
chat. Avant de rédiger quatre ans plus
tard un portrait lacunaire à son propos,
la journaliste Vanessa Schneider
l’interrogea sur son état d’esprit à
l’annonce des résultats. L’intéressé a
pris alors de la hauteur, affirmant
qu’il y avait des choses plus graves
dans la vie comme, par exemple, « un
chat qui tombe malade ou par la fenêtre
».
En choisissant de le
nommer président de l’OFII -à la veille
de l’élection présidentielle et dans un
domaine éminemment sensible sur le plan
électoral- le président de la République
n’a pas seulement pris un risque en
confiant à la légère la question de
l’immigration à un homme dépourvu de
toute expérience significative en la
matière. Nicolas Sarkozy a également
témoigné d’une flagrante cécité
politique en désignant aujourd’hui un
partisan de la « démocratisation
forcée » du monde musulman alors
que se déroulent les révolutions arabes.
Au sein de la République, la faveur du
Prince a permis une telle incongruité.
Bienheureux -pourtant- le chat présent
dans les couloirs de l’OFII quand son
nouveau président croisera, au détour
d’une formalité administrative, le
regard de l’immigré irakien qui a fui
les ravages d’une guerre précieuse au
cœur d’Arno Klarsfeld.
Publié le 21
novembre 2012 avec l'aimable
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