« Sioniste en
Libye » : quand le CRIF censure l'aveu
de Bernard-Henri Lévy
Hicham Hamza
Samedi 17 décembre
2011
Info Oumma. Jeudi,
le Conseil représentatif des
institutions juives de France (CRIF) a
mis en ligne les vidéos des débats tenus
lors de sa récente convention nationale.
Problème : la conférence de
Bernard-Henri Lévy- au cours de laquelle
l’écrivain avait révélé son engagement
pour la Libye « en tant que juif et
sioniste »-a été entièrement supprimée
quelques heures plus tard. Entretemps,
Oumma avait pris des notes et capturé
l’image démontrant la censure.
39 minutes : tel était
le temps de parole accordé à
Bernard-Henri Lévy lors de la convention
nationale du CRIF qui s’est tenue, en
partenariat avec le
Figaro, le 20 novembre à Paris. Hormis
les questions-réponses avec le public,
une demi-heure environ fut consacrée aux
soulèvements arabes et au rôle de
l’écrivain dans l’expédition guerrière
en Libye. Au soir de ce colloque
hétéroclite, l’AFP avait
signalé-sans être particulièrement
relayé par les médias de masse- le
propos singulier du philosophe,
reconnaissant explicitement s’être
engagé « en tant que juif » et
avec, en
« étendard », sa «
fidélitéau sionisme et à Israël ».
Et l’homme de
surenchérir :« C’est en tant que juif que
j’ai participé à cette aventure
politique, que j’ai contribué à définir
des fronts militants, que j’ai contribué
à élaborer pour mon pays et pour un
autre pays une stratégie et des
tactiques ».
Tel Aviv for ever
Interrogé sur France
2 à propos d’une telle déclaration,
BHL a contesté le récit de l’AFP
en l’expliquant par une
décontextualisation.
Il n’en est rien : après
avoir longuement évoqué son attachement
à l’Etat hébreu, relaté son implication
« à l’âge de 18 ans » pour tenter
de s’engager en 1967 dans la guerre des
Six-Jours ou détaillé sa participation
« aux côtés » de l’armée
israélienne dans l’invasion de Gaza,
Bernard-Henri Lévy a révélé que sa
lecture « universaliste »du
judaïsme avait motivé sa démarche auprès
des rebelles libyens. Plus concret, il a
également rappelé à son auditoire
pourquoi -selon lui- le régime de
Tripoli était, de longue date, un
adversaire acharné d’Israël. Par
ailleurs, il expliqua sa
dédiabolisationde l’islamisme imputé au Conseil
national de transition libyen par sa
préférence, pour la sécurité de l’Etat
hébreu, envers des nations voisines qui
soient des Etats de droit plutôt que
systèmes despotiques : « Les
démocraties, entre elles, ne se font pas
la guerre ! », affirma-t-il.
Sarcastique, BHL
anticipe également la réaction hostile
de ceux qui visionneront cette
conférence sur Internet et pourraient
dès lors croire que son engagement en
Lybie accréditerait, selon lui, le mythe
du « complot juif » qui étend sa
« toile » sur le monde. Peu lui
importe, assène-t-il, d’exaspérer «
l’islamofascistede banlieue » qui serait
réfractaire à tout argument contraire.
Enfin, revenant sur le thème du débat
portant sur l’avenir du judaïsme
français, l’écrivain bomba un torse
dépoitraillé en affirmant solennellement
au public que « Nous, juifs, nous
sommes forts. De notre culture, de notre
richesse, de notre diversité ».
Dissidence,
censure et goulag
Le « fantasme »
du lobby-sioniste-tout-puissant ne
pourra pas s’appuyer sur les propos
tenus par BHL dans cette vidéo : jeudi
soir, après avoir rendu accessible
l’ensemble des débats, le CRIF -via son
partenaire Akadem.org- a totalement
effacé, quelques heures à peine après la
mise en ligne initialement complète,
toute trace audiovisuelle de BHL lors de
sa convention nationale. La preuve en
images :
Jeudi 15 décembre,
vers 14h : capture d’écran en HTML sur
le site Akadem.org
L’intervention de BHL,
intitulée « Tendre la main aux
révoltes arabes », a été supprimée,
de même que ses réponses aux questions
du public ainsi que sa brève
interruption par l’un des membres agacés
de l’auditoire. La conférence complète
était protégée de tout téléchargement
classique par Akadem.org, un site
dépendant du Fonds Social Juif Unifié et
particulièrement procédurier : toute
récupération vidéo est
« systématiquement poursuivie »en justice selon ses
responsables.
Outre ces menaces de
rétorsion judiciaire affichées par son
partenaire numérique, le CRIF n’hésite
pas également à énoncer une
contre-vérité : dans son article
annonçant la mise en ligne des vidéos,
il est indiqué que « l’intégralité
des communications et des débats est
restituée » sur le site Akadem.
Comme vient de le démontrer Oumma,
c’est faux : les aveux singuliers de BHL
ont été retirés. Le motif exact demeure
un mystère : qu’ils s’agissent de
déclarations considérées comme
hors-sujet ou politiquement
embarrassantes pour Nicolas
Sarkozy-responsable en chef de
l’intervention en Libye, l’explication
d’un tel retrait ne figure pas sur le
site du CRIF ou sur Akadem.org,
peuenclins -d’ordinaire-à censurer l’écrivain. Faut-il
alors y voir une requête de
Bernard-Henri Lévy lui-même qui ne
souhaitait pas finalement afficher de
manière aussi évidente son
communautarisme politico-religieux ?
Affaire à suivre.
Coming out
En attendant, ces
procédés soviétiques, aux antipodes de
la pratique-régulièrement vantée par les
mêmes protagonistes- de la liberté
d’expression, confirment le diagnostic
d’un journaliste inattendu sur le
terrain de l’autocritique. Invité à
exprimer son
point de vuelors de la convention, Claude
Askolovitch,
adepte récurrentde la chasse aux sorcières
antisémites, a pourtant déploré -avec
aplomb-l’abrutissement du débat suscité
dans l’Hexagone par l’engagement
sioniste : « Israël, loin de nous
élever, nous a rendu, nous, dans nos
débats, juifs de France , moins
intelligents, plus staliniens, plus
durs, plus excluants et c’est quelque
chose qui me déchire ».
Pour le plaisir,
Oumma tient àsaluer Show
Studio, un site britannique
dédiéau monde de la mode et qui ne
pratique pas la censure. Pour preuve, il
est toujours possible de visionner une
étrange interview de BHL,
mise en lignevendredi et durant 44 minutes.
Filmé comme une rock star en noir et
blanc ainsi qu’en plan très serré,
l’écrivain y pratique -en anglais- son
activité favorite : parler de soi.
Oumma a retenu le meilleur morceau :
l’autodéfinition de BHL, à la fois
philosophe, journaliste, fashion
victim et
va-t-en-guerre-humanitaire. Delicious.
Publié le 18 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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