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Oumma.com
Eric Raoult préfère
les soldats d'Israël aux retraités français
Hicham Hamza
Eric Raoult
Jeudi 15 juillet 2010
Coming out. Eric Raoult, député-maire UMP du
Raincy, a fait sensation en révélant accorder plus d’importance
au soutien d’Israël qu’à la réforme des retraites. Retour sur
une tactique politicienne qui s’apparente bel et bien à de la
trahison à l‘encontre du corps électoral.
« Pour moi,
Israël, c’est plus important que les retraites »
: l’aveu
lâché, une foule agréablement surprise applaudit au propos
d’Eric
Raoult.
Ce 22 juin, environ 10 000 personnes s’étaient retrouvées sur le
parvis du Trocadéro afin de soutenir la libération de Guilad
Shalit, soldat franco-israélien retenu prisonnier par le Hamas
depuis quatre ans. Aux côtés de Richard Prasquier, président du
CRIF
et
organisateur
du
rassemblement,
le député, tenant à la main une photo du militaire en captivité,
se veut facétieux : « Je ne
suis pas venu avec mon écharpe tricolore mais quand même avec
une cravate bleue ». Allusion sibylline à la couleur
du drapeau israélien ? Quoiqu’il en soit, Eric Raoult,
débonnaire, s’épanche
sur l’estrade : « Ce soir,
j’avais le bureau politique de mon parti et Xavier Bertrand me
dit : « Mais tu t’en vas ? On parle des retraites, c’est
important » et je lui ai fait passer un papier en lui disant :
Pour moi, Israël, c’est plus important que les retraites ».
Chute de l’histoire, succès garanti. Continuant dans la
confidence, le député précise que le secrétaire général de l’UMP
voudrait faire savoir à la foule qu’il partira lui-même en
Israël quelques jours plus tard, ce qui permet à Raoult
d’annoncer qu’il sera également en partance pour la même
destination avec un autre thuriféraire de la cause israélienne,
le maire du XVIème arrondissement, Claude Goasguen.
De l’identité binationale
Au passage, le
député rappelle également à l’auditoire conquis le jumelage de
la ville du Raincy, dont il est le maire, avec la bourgade
israélienne de Yavné. Et de marteler pour conclure :
« Ce n’est pas un combat
politique mais un combat du cœur ! Guilad Shalit, c’est notre
Betancourt à nous ! ». Personne n’ose imaginer le tollé dans
la classe politique si un député communiste avait révélé, lors
d’un rassemblement en faveur du prisonnier franco-palestinien
Salah
Hamouri,
que la Palestine lui importait davantage que le débat sur les
retraites.
Sur scène,
outre les porte-flingues récurrents du gouvernement israélien,
Bernard-Henri Lévy
et Alain Finkielkraut, le député socialiste Julien Dray s’est
aussi manifesté pour apporter son soutien à la famille Shalit
et, plus généralement, à l’Etat d’Israël :
« L’antisémitisme moderne a pris le nom de
l’antisionisme ». Le cofondateur de SOS Racisme promet de
lutter contre des « campagnes d’opinion habilement menées »
et la « désinformation ». Malgré leur clivage
politique, Raoult et Dray sont de vieux complices : se
connaissant depuis
vingt-cinq ans,
ils s’estiment
également
« indépendants des appareils
des pouvoirs politiques ». A leur manière, les deux compères
appliquent cette stratégie politicienne, à la fois domestique et
internationale, en vogue aux Etats-Unis et consistant, pour un
Républicain ou un Démocrate, de déployer avec ferveur son
attachement au sionisme, quelque soit l’identité des gouvernants
en présence alors à Tel Aviv.
L’an prochain à Jérusalem
Quitter une
réunion de travail parlementaire, relative à un sujet majeur de
société, pour aller faire allégeance à un Etat étranger, et s’en
vanter publiquement : chapeau l’artiste. Eric Raoult, téméraire
ou inconscient, fait là un redoutable pari électoral. A l’instar
de son confrère socialiste, il s’agit de capitaliser le maximum
de voix en vue des prochaines élections législatives de 2012. Et
à cet égard, le député-maire du Raincy a pris de l’avance :
dirigeant une ville confortable, surnommée la
« Neuilly du 93 » et riche d’une
importante communauté juive, Raoult a manifesté, très tôt et à
différentes occasions, une bienveillance zélée en direction
d’Israël.
Président
de l’ADELMAD,
association qui regroupe environ 800 élus locaux désireux de
« mieux faire connaître la
réalité israélienne », l’homme, qui considère comme plus
important de soutenir la libération d’un militaire à la solde
d’une armée d’occupation plutôt que travailler à la réforme des
retraites, sait faire preuve d’opportunisme.
Ainsi , en
2004, il se
disait
en « total accord » avec
le Premier ministre Ariel Sharon dans l’édification du « Mur »
censé dissuader les attentats anti-israéliens. Deux ans plus
tard, lors des bombardements israéliens au Liban, Eric Raoult,
s’adressant à la suite d’une allocution de Shimon Peres à
laquelle il assista,
relativisa
la gravité des évènements, indiquant qu’il s’agissait là d’une
« première guerre face à
l’Iran ». Les familles des victimes libanaises apprécieront.
En 2008, le
maire du Raincy a fait voter la citoyenneté d’honneur
de sa commune pour Guilad Shalit. Un an auparavant, dans un
entretien
exclusif accordé au journal en ligne
Israel Valley, Eric Raoult se montrait
optimiste sur les relations franco-israéliennes : « Pendant
des années, Israël, pour les Français, c’était une cause. On
l’adoptait, ou on la combattait. Là, je crois qu’il y a, de la
part de la classe politique et de la population françaises, une
volonté de mieux connaître ce pays. Un pays qui fait des efforts
dans le cadre des pourparlers de paix, un pays qui a montré sa
bonne volonté en se retirant de la bande de Gaza, un pays soumis
à une menace, le nucléaire iranien, un pays qui a investi dans
l’intégration. Il y a donc une curiosité française envers l’Etat
d’Israël, avec une opposition anti-israélienne qui va diminuant,
grâce aussi à une position du président français, Nicolas
Sarkozy, qui dit à ses compatriotes : avant de juger, et bien
connaissez mieux ce dossier ! »
C’était deux
ans avant l’invasion meurtrière de Gaza, ce crime de guerre qui
a renforcé en 2009 la dénonciation de la politique d’Israel, au
point que les associations pro-palestiniennes devinrent de plus
en plus suivies dans leur proposition de boycotter les produits
israéliens. Une action militante contre laquelle s’est insurgé
Eric Raoult, en
interpellant,
dans l’hémicycle parlementaire, la ministre de l’Intérieur,
Michèle Alliot-Marie, afin qu’elle prenne des mesures de
rétorsion. Quelques mois plus tard, en décembre, Eric Raoult
recevra un
prix
pour honorer son « action
contre l’antisémitisme » par la très droitière et
islamophobe association de l’UPJF (Union des patrons et
professionnels juifs de France). Encore récemment, sur France
Inter et face à un Jean-Luc Mélenchon sidéré, le député UMP n’a
pas pu s’empêcher de relativiser l’attaque sanglante de la
flotille humanitaire par Israël,
préférant simplement
évoquer
une réaction
« disproportionnée » et appelant, à l’antenne, à conserver
une critique « raisonnable et égale » afin de ne pas
attiser la colère des « jeunes de quartier ».
Clientélisme à géométrie
variable
« Il ne fait pas dans la
dentelle » disait de lui son Premier ministre de
tutelle, Alain Juppé. Eric Raoult sait, en tout cas, comment
attirer de nouveaux électeurs, quitte à user de la provocation
ou de la démagogie comme techniques permanentes de conquête du
pouvoir. Grand ami d’Israël, mais aussi de la Tunisie de Ben
Ali, le député drague aussi bien l’électorat juif que musulman.
Sa récente proposition de créer une mission d’information sur
l’islamophobie ainsi que son idée iconoclaste de faire une loi
contre le blasphème, à l’époque du débat houleux sur les
caricatures du prophète Mohammed, sont clairement des signaux
adressés à la communauté musulmane. Dirigeant une ville à forte
communauté juive, située dans un département où le poids
électoral musulman devient une donnée incontournable, Eric
Raoult, également rapporteur de la loi contre le voile intégral,
slalome de part et d’autre du spectre communautaire. Evidemment,
dès lors, les dérapages sont inévitables.
L’homme
politique, âgé de 55 ans, est
coutumier
des
excès
de paroles et autres gaffes drapées dans le « politiquement
incorrect » pour assurer son image factice de rebelle-franc-du-collier.
Gaulliste conservateur, ancien partisan de Jacques Toubon, Eric
Raoult a également longtemps flirté avec
l’extrême-droite.
Son amitié passée avec Pierre Bernard, catholique intégriste et
admirateur du milicien vichyste Paul Touvier, l’a longtemps
desservi.
Sa propension à donner des leçons continue de le ridiculiser :
qu’il s’agisse du prix Goncourt Marie Ndiaye,
à laquelle
il
recommande
un « devoir
de réserve »
quand elle manifeste son
opposition au président Sarkozy, ou bien de l’équipe de
Mediapart, pour lesquels il
conseille,
en tant qu’« ancien étudiant
en journalisme » et suite aux révélations de l’affaire
Woerth, de partir s’installer à Cuba, Eric Raoult assume son
impudence. Quant aux quartiers difficiles, où il guette en
permanence le risque d’une « Intifada », le député dressa
en 1990 un tableau complaisamment alarmiste :
« Dans nos banlieues difficiles, on
ne joue plus West Side Story, mais Black Beur Story, sans
musique, mais avec beaucoup plus de violence ».
C’était le temps où l’électorat du Front national devait être
séduit, frontalement et ardemment : quatre ans auparavant, lors
de la campagne des législatives, Eric Raoult diffusa un tract,
rapporté par le Canard enchaîné, où l’on pouvait lire ceci
:
« Notre pays à nous, ce n’est pas Tjibaou, Françoise Sagan,
Harlem Désir ou Krasucki. C’est la France immortelle qui
derrière Jeanne d‘Arc, Charles Martel, Napoléon et de Gaulle a
fait de notre pays une nation éternelle, admirée partout dans le
monde ».
Il n’est pas
certain que de Gaulle eût apprécié la déclaration d’amour pour
Israël, faite au détriment de la réforme des retraites et
exprimée par un député de la République. Par contre, Eric Raoult
peut compter sur le soutien tacite de deux personnalités
modernes d’envergure : Nicolas Sarkozy et Dominique
Strauss-Kahn. Le premier,
avec
lequel il effectua son service militaire et voyagea lors de ses
déplacements officiels à Tel Aviv, témoigne à l’identique d’une
grande affection pour Israël
tandis que le second est encore plus passionné. Dans un
ancien
entretien
à Tribune juive, le
patron du FMI, et futur candidat probable de la gauche en 2012,
avait révélé qu’il se « levait chaque matin en se demandant
comment il pourra être utile à Israël ».
Assurément, dans une France
dirigée à l’avenir, quoiqu’il en soit, par un partisan
enthousiaste d’Israël, le positionnement d’Eric Raoult s’avère
plus subtil qu‘il n‘y paraît. Quant aux citoyens français en
général, et aux futurs retraités en particulier, ouvertement
méprisés par un représentant de la Nation qui lui en préfère une
autre, au point de prendre congé de son devoir, une sanction
dans les urnes reste envisageable. Et à cet égard, Eric Raoult a
bien de la chance : en d’autres temps, le peuple souverain, dès
lors qu’il était bafoué, avait recours à la guillotine ou la
fusillade. Cette fois-ci, un simple désaveu aux prochaines
élections, avec un aller sans retour pour Tel Aviv en guise de
consolation, devrait amplement suffire.
Hicham Hamza, journaliste
indépendant
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