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Oumma.com
Mahmoud Abbas, le
déshonneur et la guerre
Hicham Hamza
Photo: CPI
Lundi 14 juin 2010
Le président Mahmoud Abbas est en visite
officielle ce lundi à Paris. Avant sa rencontre avec Nicolas
Sarkozy, le chef de l’Autorité palestinienne a assisté à
l‘inauguration, en compagnie du maire Bertrand Delanoë, de la
place Mahmoud Darwich. La
cérémonie s’est tenue dans le sixième arrondissement de
Paris, devant le Quai Malaquais, aux abords du pont des Arts.
Cet hommage rendu au plus célèbre
poète
de Palestine semble constituer la contre-partie diplomatique
d’une autre inauguration, celle de la promenade Ben Gourion, qui
s’était déroulée le 15 avril en présence du président israélien
Shimon Peres.
La venue de Mahmoud Abbas intervient dans un
contexte géopolitique délicat. Deux semaines après l’attaque
meurtrière d’un convoi humanitaire par les forces armées
israéliennes, les
pressions
internationales s’exercent dorénavant sur deux questions
fondamentales : d’une part la crédibilité accordée à la
commission d’enquête chargée d’examiner les détails de l’assaut
israélien, d’autre part les conditions pour une levée partielle
ou totale du blocus illégal imposé par Israël à la bande de
Gaza.
C’est sur cet aspect qu’une polémique vient
d‘apparaître : hier, le quotidien Haaretz a publié
l’information selon laquelle Mahmoud Abbas se serait
déclaré, lors d’une récente
visite au président Obama, opposé à la levée du blocus
maritime de Gaza. Selon les propos qui lui sont prêtés, le
risque de consolider l’autorité exercée par le Hamas serait trop
important. Immédiatement, Fawzi Barhoum, porte-parole du
mouvement en charge de la bande de Gaza, a
dénoncé cette prise de position, exigeant des autorités
rivales du Fatah d’apporter une clarification. Ce fut chose
faite dans l’heure : Nabil Abu Rudaineh, porte-parole de la
Présidence, a
démenti, auprès de l’agence de presse Wafa, les déclarations
rapportées par le quotidien israélien. Un des négociateurs qui
accompagna le président palestinien aux Etats-Unis, Saeb Erekat,
surenchérit, qualifiant l‘article de « publication absurde et
irresponsable » et s‘indignant d’une « tentative de
désinformation destinée à occulter la responsabilité d’Israël
dans son blocus illégal et inhumain de Gaza ».
Sous la plume de Barak Ravid, journaliste
responsable de la bévue, le quotidien Haaretz a donc dû, dès
hier soir, rectifier le tir,
précisant, quelques heures à peine après la mise en ligne de
l’article contesté, le démenti officiel des autorités
palestiniennes.
Cela n’a pas empêché, aujourd’hui encore,
certains médias
partisans
pro-israéliens
de s’emparer de cette information invalidée afin de justifier la
position intransigeante du gouvernement Netanyahu et de
souligner le soutien tacite dont il bénéficierait de la part des
voisins arabes.
Dans les faits, malgré quelques récentes
déclarations de principe et de timides
gestes d’ouverture, l’Autorité palestinienne ainsi que
l’Egypte s’étaient largement accommodés, jusqu’alors, du blocus,
espérant sans doute qu’il affaiblirait le pouvoir et la
popularité du Hamas aux yeux des habitants de Gaza. Mais suite à
la critique internationale faite à l’encontre des exactions
commises par l’armée israélienne, il eut été mal venu de la part
des représentants du Fatah et du président égyptien Hosni
Moubarak d’afficher ouvertement une quelconque complaisance à
l’endroit du blocus.
Quant à l’accusation de désinformation imputée
au quotidien israélien Haaretz, pourtant réputé pour son
indépendance, elle n’est pas sans évoquer une autre controverse,
concomitante et de même nature : à l’instar des dirigeants
palestiniens, les autorités saoudiennes ont dû
démentir, samedi dernier, l’information rapportée le jour
même par le quotidien britannique
The Times selon lequel le régime de Riyad aurait autorisé
Israël survoler son territoire en cas d’attaque militaire. Deux
annonces trompeuses en l’espace d’un week-end et dont la
particularité commune consisterait bel et bien à accentuer les
clivages de la diplomatie arabe. S’il s’agit pour certains d’une
simple coïncidence, beaucoup ne manqueront pas d’y voir un
habile jeu de dupes, cartes sur table.
Quant à Mahmoud Darwich, ce « lanceur
de dés », qu’aurait-il pensé de ces dernières péripéties, lui
qui médita dans un
poème la trace qu‘il laisserait plus tard : « Ils
m’aiment mort pour pouvoir dire : il fut des nôtres, et il fut à
nous…J’ai dit : Je vous demanderai d’être lents, de me tuer
petit à petit pour que je compose un dernier poème à l’élue de
mon cœur. Mais ils ont ri et, dans la maison, n’ont dérobé que
les mots que je dirai à l’élue de mon cœur ».
Hicham Hamza, journaliste
indépendant
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