Opinion
Quand Canal+
manipule
la parole des féministes tunisiennes
Hicham
Hamza
Vendredi 12 avril
2013 Info
Oumma. Samedi dernier, la chaîne cryptée
a diffusé une traduction mensongère de
propos politiques tenus par des
citoyennes tunisiennes. Démonstration.
Une prestigieuse agence de presse prise
en flagrant délit de bidonnage : samedi
6 avril, l’émission L’effet papillon
de Canal+ a diffusé un reportage
produit par Capa TV et consacré à la
condition féminine en Tunisie. Le sujet
est centré autour de la figure d’Amina,
jeune militante engagée au sein de la
mouvance Femen.
Une séquence de la vidéo (à
5’) se déroule lors du
forum social mondial organisé à
Tunis du 26 au 30 mars.
On y découvre une
assemblée composée de femmes en train de
scander un slogan. Le sous-titre nous en
donne alors cette traduction :
« Le
peuple tunisien est un peuple libre ! Ni
islamistes ni Qatar ! »
Problème : cette traduction est
mensongère.
A la place du terme « islamistes
», ces femmes entonnent, en
réalité, le mot « Amérique ». («
La America » : « ni Amérique »
en arabe). Rien à voir avec le mot
désignant généralement les «
islamistes »
(« ikhwan », les
« frères » en arabe).
Sollicitée sur cette anomalie,
l’équipe de l’émission n’a pas donné de
réponse. Est-ce le choix délibéré de
Benoît Chaumont, auteur de reportage, de
son superviseur à Capa, ou du traducteur
arabisant ? Mystère.
Que faut-il en penser ? Visiblement,
pour le responsable de cette
manipulation, il est légitime de
critiquer l’ingérence, dans les affaires
souveraines d’un pays, du Qatar mais pas
celle des Etats-Unis. Manifestée par la
déformation d’un propos, cette
indulgence à l’égard de Washington ne
déplaira pas aux responsables de
l’agence Capa : le
PDG, Guillaume de Menthon, est
l’ancien
consultant d’une prestigieuse
firme américaine d’audit financier
tandis que le
DG, Bernard
Zekri, est lui-même un ex-producteur
de rap new-yorkais qui a
importé ce modèle économique en
France. Quant à l’actionnaire principal
de Capa, il s’agit de
Fabrice Larue, richissime homme
d’affaires
proche de Nicolas Sarkozy et
Jean-François Copé.
Enfin, il serait injuste d’oublier
Victor Robert, présentateur de
l’émission. Bien avant la récente
mode (lancée par Patrick Cohen,
Claude Askolovitch et Bruno
Roger-Petit) consistant à fustiger
Frédéric Taddeï pour le choix de ses
invités, Victor Robert s’était
déjà illustré sur le même créneau.
C’était en 2009, quelques jours après le
passage de Mathieu Kassovitz dans
Ce soir ou jamais. Le cinéaste
y faisait part de ses interrogations sur
le 11-Septembre. Aucune théorie
formulée, aucune accusation adressée
-sans l’étayer- à l’encontre de
l’Administration Bush et du gouvernement
israélien, bref : rien de scandaleux
en soi. Et pourtant, Victor Robert a
saisi l’occasion pour endosser l’habit
de Torquemada
face à Frédéric Taddeï, invité dans
son émission.
Moment hallucinant de télévision :
digne de l’Inquisition, le premier
demanda au second, à maintes reprises,
de clarifier sa position personnelle à
propos de la version officielle du
11-Septembre.
En 2007, l’animateur Karl Zero,
ancien employé de Canal+ et de Capa,
révélait (à
4’) que la célèbre agence de presse,
fondée par l’ex-trotskyste
Hervé Chabalier, « ne voulait
pas faire de sujet sur ce thème ».
Six ans plus tard, cette démission
journalistique s’accompagne désormais
d’une faute déontologique : la trahison
de propos rapportés afin de ne pas
ternir l’image de Washington.
Canal+, « la
télé pas comme les
autres » ?
Publié le 13 avril
2013 avec l'aimable autorisation
d'Oumma.com
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