Quand la dirigeante du Parti socialiste
veut développer la ville « la plus raciste » d'Israël
Hicham Hamza
Photo: Nord Eclair
Mercredi 10 novembre 2010
Electoralisme. Lundi, la première secrétaire du Parti
socialiste et maire de Lille, Martine Aubry, s’est engagée
devant le Crif à relancer le jumelage et le partenariat
économique de sa municipalité avec la ville israélienne de
Safed, pourtant qualifiée par le quotidien Haaretz de ville « la
plus raciste dans le pays » à l’encontre des Arabes. 2012 vaut
bien une messe d’un nouveau genre.
« Invitée d’honneur » : tel est le titre
dont s’est retrouvé gratifiée Martine Aubry, à l’occasion du
dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de
France
(Crif)
qui s’est tenu lundi à Lille. Un qualificatif qu’elle n’aura pas
démérité. Sous les bons auspices de Charles Salman, président du
Crif régional et
fervent partisan d’un rapprochement économique avec la
bourgade israélienne de Safed, la dirigeante du PS a,
tout d’abord, tenu à fustiger la
campagne BDS (Boycott,
désinvestissement, sanctions) : « Je pense que ceux qui
prônent le boycott se trompent de combat : au lieu de porter la
paix, ils portent l’intolérance, ils portent la haine. Et quand
on veut un chemin de paix, on ne commence pas par porter cela ».
Elle a également déploré que « deux, trois »
élus socialistes puissent soutenir ce mouvement, également
symbolisé en France par
l’Appel
à
solidarité avec l’ancien résistant Stéphane Hessel et la
sénatrice Alima Boumediene -Thiery, figures de proue dans ce
combat. Michel Rocard, signataire du document, appréciera sans
doute d’être ainsi pointé du doigt. Il est vrai qu’au PS, la
tendance est plutôt à l’inverse parmi les notables de
l’organisation : Bertrand Delanoë, Manuel Valls et François
Hollande ont ainsi condamné, dans une
tribune collective publiée par le Monde, le boycott des
produits israéliens tandis que
Julien Dray
et
Dominique Strauss-Kahn ont toujours fait preuve, chacun à
leur manière, d’une certaine cohérence dans leur soutien
indéfectible envers l’Etat d’Israël.
Un racisme à développement durable ?
La numéro un du PS, qui brigue de hautes
fonctions pour 2012, s’est-elle rendue compte de la bévue
commise en affirmant sa volonté de relancer le jumelage de Lille
avec Safed ? « Nous avons signé il y a quelques mois un
partenariat qui porte sur la santé, l’emploi des jeunes, le
développement durable et sur des micro-projets », a-t-elle
indiqué à l’assemblée réunie par le Crif. Son président local
est ravi, lui qui milite pour une collaboration plus étroite
avec les pôles technologiques et les universités de Safed. Pour
Gideon Lévy, journaliste au quotidien israélien Haaretz, il
s’agit là de la ville
« la plus raciste dans le pays ». Pourquoi ? En
raison des nombreux cas de discrimination, tolérés par le maire
de la ville et le grand rabbin, à l’encontre des Arabes. Ceux-ci
se voient, par exemple, fréquemment
refuser l’accès à des lieux d’habitation en raison de leurs
origines. « Vous pouvez répéter vingt fois le mot ‘raciste’,
cela ne m’impressionne pas. Je ne fais que respecter un interdit
de la halakha [Loi traditionnelle judaïque] : il est interdit de
vendre ou de louer un logement à des Arabes. », s’est ainsi
défendu le rabbin en chef de Safed, Shmuel Eliyahou. Même
l’ADL, redoutable lobby ultra-droitier et pro-israélien aux
Etats-Unis, s’est récemment fendu d’un communiqué
pour dénoncer ces actes. Lundi, le quotidien de gauche, Haaretz,
n’a pas manqué également de condamner, dans un
éditorial, le silence du gouvernement israélien sur ces
abus.
A défaut d’un lancer de chaussures
« Synchronicité » : de la coïncidencesignificative. Tandis qu’ Haaretz alertait ses lecteurs sur
la dangerosité du statu quo à Safed et que Martine Aubry
prétendait être une « amie exigeante » d’Israël devant
les représentants du Crif, le même jour se déroulait un coup
d’éclat singulier à l’autre bout de la planète. Ce lundi, dans
la ville de La Nouvelle-Orléans , aux Etats-Unis : profitant
d’une conférence donnée par le Premier ministre israélien, venu
demander à la communauté internationale des
« excuses » pour avoir-selon lui- cautionné le Hamas
durant l’invasion de Gaza, des activistes israélo-américains ont
perturbé son
discours en accusant le régime de Tel Aviv de se
« délégitimer »par sa politique d’occupation
et d’implantation de nouvelles colonies. L’action, menée par
cinq membres d’un groupe dénommé
Young Leadership
Institute of Jewish Voice for Peace, témoigne, par sa
radicalité, de la vigoureuse résistance au sein même de la
communauté juive à l’encontre des exactions commises par Israël.
Une fracassante démonstration, téméraire et à mille lieues, au
sens propre comme au sens figuré, de l’allégeance déployée par
la dirigeante du Parti socialiste français envers un régime
politique d’exception.
Publié le 11 novembre
2010 avec l'aimable
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