Opinion
Un membre du clan
Moubarak est soupçonné d'avoir commandité l'attentat
anti-chrétien d'Alexandrie
Hicham Hamza

Habib el-Adly
Mardi 8 février 2011
Explosif. La justice égyptienne soupçonne un ancien
ministre de l’Intérieur d’avoir secrètement organisé un attentat
terroriste imputé à Al Qaida.
Depuis treize ans, et jusqu’au 31 janvier
dernier, il était un membre éminent du gouvernement. Hier,
l’ex-ministre de l’Intérieur égyptien, Habib El Adly, a été
mis en examen pour son implication supposée dans l’attentat
anti-copte du Nouvel An qui a causé la mort de 24 personnes à
Alexandrie. Le procureur général Abd-el-Majid Mahmud a considéré
qu’il existait suffisamment d’éléments « sérieux » pour
ouvrir une
enquête sur l’ancien homme fort du
régime Moubarak.
Interrogé par
Al Jazeera, un avocat copte,
Ramzi Mamdouh,
a déclaré avoir présenté au procureur une requête en ce sens à
la suite d’articles parus
notamment dans la
presse libanaise et faisant état d’une curieuse rumeur : un
diplomate anglais aurait expliqué à ses homologues français que
le Premier ministre David Cameron était désireux de voir Hosni
Moubarak quitter le pouvoir en raison d’une information
confidentielle obtenue récemment par l’ambassade britannique du
Caire. Venu demander l’asile politique, le lieutenant Fathi
Abdelwahid, ancien membre de la police secrète du régime, a
révélé que l’attentat d’Alexandrie résulterait d’une machination
organisée par l’ex-ministre de l’Intérieur. L’objectif
consistait à s’attirer la solidarité des gouvernements
occidentaux en provoquant un attentat qui serait sous-traité par
des extrémistes islamistes, eux-mêmes recrutés -et finalement
piégés- par un intermédiaire.
Inside job
Ironie du sort, c’est le mardi 25 janvier, au
premier jour de la révolte qui secoue le pays, qu’un
entretien -rétrospectivement édifiant- avec le ministre
paraît dans la presse égyptienne. Selon le quotidien
pro-gouvernemental Al-Ahram, Habib El Adly accusa
Al-Qaida et « l’armée islamique de Gaza » d’être les
organisations responsables de l’attentat. Insistant quant à
l’absence, sur le territoire national, de toute cellule affiliée
au label de Ben Laden, le ministre a présenté, à l’inverse, la
bande de Gaza comme une véritable pépinière de terroristes plus
ou moins liés au Hamas et à Al-Qaida. Un discours parfaitement
aligné sur les positions du
gouvernement israélien. Il y a deux semaines, ces propos
pouvaient encore s’apparenter à la rhétorique coutumière
consistant à amplifier la menace terroriste dans la région. Au
vu du soupçon judiciaire qui pèse désormais sur Habib El Adly,
ses accusations à l’encontre de
« terroristes-islamistes-militants-de-la-cause-palestinienne »
semblent davantage relever d’une propagande purement et
simplement mensongère. L’enquête ouverte par la justice
s’annonce d’ores et déjà particulièrement sensible : il s’agira
non seulement de vérifier le rôle exact de l’ancien ministre –
qui a désormais pour
interdiction de quitter l’Égypte- mais aussi de déterminer
sur quelles complicités étatiques -nationales et/ou étrangères-
il a pu s’appuyer pour élaborer un tel complot.
Dans les prochains jours, la réaction de la
classe politique française et des éditorialistes hexagonaux à
l’égard de cette stupéfiante information ne manquera pas d’être
intéressante à suivre.
Oumma et
La Vie avaient été les seuls médias à souligner un
fait singulier : l’absence de toute revendication formelle pour
l’attentat d’Alexandrie. Cet élément méconnu du grand public n’a
guère empêché la plupart des journaux français de reprendre à
leur compte la version officielle du gouvernement égyptien.
Comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en instrumentalisant ce
drame, il était plus sans doute plus commode de ne pas faire de
contre-enquête et de se contenter d’alerter l’opinion publique
sur une
« épuration religieuse » en cours au
Moyen-Orient. Une note d’espoir s’est fait néanmoins entendre :
à l’inverse de l’intelligentsia française, les Coptes sur place
ne semblent
pas avoir cédé au piège consistant à se représenter tous
leurs concitoyens comme les membres d’une communauté musulmane
devenue tout à coup hostile et dangereuse. L’attentat
d’Alexandrie n’a pas complètement atteint le but fomenté par ses
commanditaires.
Publié le 9 février 2011 avec l'aimable autorisation d'Oumma.com
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