François Hollande
:
« Israël est très critiqué car c'est
une grande démocratie »
Hicham Hamza
Mercredi 1er
février 2012
Clientélisme
et déférence. Lundi, le CRIF a publié le
compte-rendu de sa rencontre avec le
candidat socialiste à l’élection
présidentielle. Décryptage
Le 8 février, le Conseil
représentatif des institutions juives de
France organisera à l’occasion d’un
dîner son rendez-vous traditionnel avec
la classe politique. Le Parti socialiste
n’a pas voulu attendre cette date pour
donner des gages de bonne volonté à ses
représentants. Mercredi dernier,
François Hollande recevait à son Q.G. de
campagne une « forte délégation »
du Conseil « dans une ambiance
chaleureuse, conviviale et franche »
selon le
communiqué du CRIF.
« Je ne laisserai rien passer »,aurait
affirmé le candidat socialiste à propos
des actes antisémites « et
antisionistes », précise le CRIF.
Sur la question israélo-palestinienne,
François Hollande aurait « souligné
que si Israël est l’objet de tant de
critiques, c’est qu’il constitue une
grande démocratie ». Pas un mot
supplémentaire n’est rapporté par le
Conseil ou les communicants de François
Hollande pour nuancer -ou contredire-
une telle déclaration, atypique dans le
discours de la diplomatie française. La
rencontre avec le CRIF n’est d’ailleurs
pas évoquée à la date du 25 janvier dans
l’agendadu candidat socialiste.
Par ailleurs, François Hollande
aurait « confirmé la prochaine
visite en Israël de Laurent Fabius »
après avoir également rappelé à ses
interlocuteurs que « c’est sans
doute au PS que l’on trouve le plus
grand nombre d’amis d’Israël et du
peuple juif ».Le candidat
socialiste était alors entouré de Manuel
Valls et Pierre Moscovici. Durant la
campagne des primaires,
Oummaavait révélé dans son
contexte le propos singulier du
député-maire d’Evry : « Je suis lié
de manière éternelle à Israël ».
Quant à Pierre Moscovici, rescapé du
clan strauss-kahnien, il avait également
tenu en comité restreint des
propos particuliers -car contraires
à la neutralité religieuse affichée par
le PS- lors d’un débat organisé en 2003
par le
cercle Léon Blum : « Si j’ai
adhéré au Parti socialiste, en tant que
Juif, Français et socialiste, c’est
aussi en pensant à Léon Blum. Il faut
réfléchir et essayer de savoir pourquoi
il se serait battu aujourd’hui. Or, cet
homme s’est battu pour la République,
pour la gauche et le socialisme, ainsi
que, sur la fin de sa vie, pour le
sionisme, porteur à son sens d’une paix
pour le Proche Orient ».
Info ou intox ?
Au contraire d’une agence de presse,
le compte-rendu publié par le CRIF est
nécessairement parcellaire et orienté
selon ses positions politiques.
Reflète-t-il pour autant la vérité des
échanges exprimés ce jour-là ? En
l’absence, à ce jour, de toute réaction
de l’équipe de François Hollande, la
question de l’authenticité semble ne pas
devoir se poser mais une certaine
prudence, au regard des pratiques
passées du CRIF, s’impose.
En 2005, cet organisme communautaire
avait manifesté une volonté de tromper
l’opinion publique en prêtant à François
Hollande des propos qu’il n’avait pas
tenus. A l’issue d’une rencontre avec
celui qui était alors premier secrétaire
du PS, le CRIF avait publié sur son site
un communiqué,
retiré depuis, faisant état du
souhait imputé au leader socialiste de
« réorganiser le Quai d’Orsay
», source « idéologique » de la
« politique arabe de la France »
et administration caractérisée dès
lors par un « problème de
recrutement ».
Après plusieurs semaines de polémique
sur le Net, notamment sur les sites d’
Europalestineet du réseau
Voltaire, François Hollande avait
finalement démenti ces déclarations au
quotidien
Libération, ajoutant que le
CRIF avait « voulu utiliser mes
propos dans le sens de ses thèses ».Pour
se justifier, les représentants du
Conseil avaient simplement évoqué qu’il
s’agissait là d’un compte-rendu «
elliptique » avec des «
raccourcis sortis de leur contexte ».Le
journaliste de Libération, Eric
Aeschimann, rapporta la « gêne »
du CRIF sur ce sujet mais préféra
néanmoins édulcorer l’incident en
évoquant des « propos incorrectement
reproduits ».
Pas de manoeuvre frauduleuse ou
d’instrumentalisation politique comme le
laisse pourtant entendre François
Hollande : juste une « reproduction
incorrecte », suggère délicatement
Eric Aeschimann. Quelques mois plus
tard, ce journaliste publiera aux
éditions Grasset « Chirac d’Arabie »,
un
essai apprécié par
Ivan Rioufol du Figaro et
fustigeant, à l’instar du CRIF, les
« mirages » de la « politique
arabe de la France » conduite par
Jacques Chirac entre 1995 et 2006.
Quant à François Hollande, sa
déception à l’égard du CRIF sera vite
estompée : deux mois après cette
clarification, le 27 mars 2006, il sera
l’invité du « petit-déjeuner »
organisé par le Conseil. Une rencontre
plus intimiste que le célèbre dîner
annuel qui réunit environ un millier de
personnes.
Entre le PS et le CRIF, c’est «
je t’aime, moi non plus ». Ainsi,
après avoir adressé ses
félicitations pour la victoire de
François Hollande aux primaires
socialistes et
reçu, dès le lendemain, le député
Julien Dray, le CRIF a
dénoncé ensuite l’éviction, par les
instances du PS et au profit des Verts,
de quatre postulants -censés être juifs-
pour les prochaines élections
législatives. Récemment encore, le
Conseil s’en est pris au député Jean
Glavany,
coupable d’avoir utilisé le mot
« insultant et mensonger » d’«
apartheid » pour qualifier le
régime israélien dans sa politique de
l’eau au Proche-Orient. Contrairement au
CRIF, le quotidien israélien
Haaretzrapporta sereinement
et en détail la polémique, précisant que
Jean Glavany dénonçait également une
« occupation de l’eau » par les
autorités israéliennes.
Au-garde-à-vous
Au-delà de ces fluctuations, la
rencontre avec François Hollande augure
d’un accueil chaleureux lors du prochain
dîner du CRIF. Ce rituel devenu
quasiment obligatoire pour tous les
prétendants à l’Elysée -hormis ceux non
conviés du FN, du PCF et des Verts- sera
probablement plus agréable pour le
leader socialiste que sa visite lors
d’une grande festivité
organisée jadis par le CRIF. C’était
le 22 juin 2003, à l’occasion d’un
évènement intitulé « 12 heures pour
l’amitié France- Israël» : aux
côtés de Dominique Strauss-Kahn et
Michel Sapin, mais aussi de Nicolas
Sarkozy, Pierre Lellouche
et Benyamin Netanyahou, François
Hollande était sur une scène, droit
debout, pour soutenir le gouvernement
d’Ariel Sharon, vivement critiqué à
l’époque dans les instances
internationales.
Celui que de nombreux juristes
n’hésitaient pas alors à qualifier de
« criminel de guerre »
-notamment en raison de son rôle dans le
massacre de Sabra et Chatila- a vu ses
partisans en France organiser cette
cérémonie pro-israélienne digne d’une
« union sacrée ». Quelque peu
hué au début du rassemblement,
l’ex-premier secrétaire du PS aurait
« indiqué l'attachement des socialistes
à l'Etat d'Israël depuis 1948, et
reconnu la tardive prise de conscience
de la vague d'antisémitisme par le
gouvernement de Lionel Jospin »
selon le site
Guysen Israël News.
Affiché conjointement
dès 2003, ce soutien théâtralisé de
Nicolas Sarkozy et François Hollande au
régime israélien préfigure finalement
l’analyse formulée lors de la
convention nationale du CRIF -en
novembre dernier- par le politologue
Denis Charbit, enseignant à Tel Aviv :«
Pas de vote juif aux prochaines
présidentielles autour du rapport à
Israël, car Hollande et Sarkozy
représentent l'aile pro-israélienne dans
leur camp respectif. Il en eut été
autrement si Aubry avait affronté
Sarkozy ou encore si Hollande avait eu
en face de lui Juppé (ou de Villepin)».
Publié le 2
février 2011 avec l'aimable autorisation
d'Oumma.com
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