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Moyen-Orient : la stratégie américaine en proie au doute face à la perte de popularité d'Abbas
Helena Cobban


Helena Cobban - Photo: Kevin Matthews

on Australia.to, 9 octobre 2009

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Washington, 9 octobre (IPS) – Voici tout juste deux mois, beaucoup de commentateurs occidentaux jubilaient de voir Mahmoud Abbas, chef à la fois de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et de l'Autorité Palestinienne (AP) intérimaire, basée à Ramallah, faire son comeback et réduire l’influence du mouvement islamiste Hamas au sein de la société palestinienne.

Seulement voilà : ces dernières semaines, des événements en série ont fait littéralement plonger le niveau du soutien populaire à Abbas. Le plus graves de tous fut la réaction, chez les Palestiniens, à une décision d’ajournement prise par Abbas concernant le rapport Goldstone sur les atrocités commises durant la guerre Israël-Gaza (sic) durant l’hiver dernier.

Richard Goldstone, un juriste sud-africain éminent, et procureur en matière de crimes de guerre, a présenté ledit rapport devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu, à Genève, le 29 septembre ; il contenait la recommandation, adressée à ce Conseil, de transmettre les conclusions détaillées et surabondantes concernant les exactions des deux parties (sic) au Conseil de sécurité, en vue d’éventuelles suites à y donner.

Mais alors que le Conseil des DH examinait le rapport, le 1er octobre, le représentant de l’OLP exigea qu’il ajourne sa décision jusqu’au mois de mars, avant toute démarche supplémentaire.

La plupart des Palestiniens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur patrie historique, furent ulcérés. Ils ont exigé de savoir qui avait pris une telle décision, et pour quelle raison. Les soupçons se portèrent très vite sur Abbas soi-même – et ils ne furent en rien allégés par sa déclaration hâtive selon laquelle le mouvement Fatah, qu’il dirige, mettrait sur pied sa propre commission d’enquête interne afin de découvrir de quelle manière cette décision a été prise.

Les médias palestiniens ont fourni deux explications – sans doute se recoupant en partie – sur ce qui aurait persuadé Abbas – ou quelqu’un d’extrêmement proche de celui-ci – de bloquer toute action rapide au sujet du rapport Goldstone.
Une de ces explications tournait autour d’appâts financiers qu’Israël a fait miroiter à une entreprise palestinienne ayant ses entrées à Ramallah, désireuse d’acquérir les faisceaux hertzliens (oups : hertziens !, ndt) lui permettant de mettre sur pied un nouveau réseau de téléphonie cellulaire.

Une autre explication, émanant de l’agence d’information Shahab, avait trait à des formes différentes, sans doute encore plus insidieuses, de chantage israélien.

L’Agence Shahab a en effet fait savoir que des représentants de l’AP/OLP, ici, à Washington, furent convaincus de la nécessité de laisser tomber toute action précipitée sur le rapport Goldstone après qu’on leur eut montré et fait entendre une vidéo et un document audio, qui auraient été enregistrés durant la guerre de l’hiver dernier, dans lesquels Abbas et un de ses conseillers clés en matière de sécurité, Tayyib Abdul-Rahim, suppliaient l’un comme l’autre les dirigeants sionistes de poursuivre, et même d’intensifier leur agression contre Gaza.

Ces allégations ont fait tilt chez de très nombreux Palestiniens qui, durant la guerre, avaient remarqué le refus de la plupart des membres du corps diplomatique pléthorique de l’OLP de dire ou de faire quoi que ce soit qui eût été de nature à contrarier le pilonnage interminable et particulièrement meurtrier de la population de Gaza, composée d’une écrasante majorité de civils, par la soldatesque israélienne.

En Cisjordanie, sur ces entrefaites, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (sic)(commandée en partie par l’Abdul-Rahim en question) réprimaient la plupart des manifestations qui avaient spontanément surgi contre la guerre, et elles arrêtaient des centaines de militants de la solidarité avec Gaza.

Difficile de dire si le gouvernement israélien voit dans la mise au pilori politique d’Abbas, à la suite de sa décision sur le rapport Goldstone, quelque chose de « bon pour les sionistes », en ceci qu’elle réduit la capacité d’Abbas de négocier au nom de l’ensemble du peuple palestinienne, ou bien quelque chose de regrettable, étant donné l’extrémisme de l’opposition d’Abbas au Hamas ; mais cette mise au pilori, aux yeux d’Israël, était de toutes les manières nécessaire, car c’était un des moyens dont il disposait pour s’assurer du blocage du processus que le rapport Goldstone n’allait pas manquer d’enclencher.

Une chose est claire, en revanche : le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pensait très sérieusement à bloquer toute prise en considération du rapport Goldstone par le Conseil de sécurité.

Les porte-parole du gouvernement israélien ont lâché des torrents de boue contre Goldstone, qui est juif et que sa fille présente pourtant comme un sioniste invétéré.

L’ambassadeur de Netanyahu à Washington, Michael Oren, a déclaré jeudi dernier que le rapport Goldstone était plus insidieux que le négationnisme de Lolo Coste (oups : l’Holocauste) par le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Si les recommandations de Goldstone devaient être retenues par la communauté internationale, a ainsi déclaré Oren, cela paralyserait les démocraties occidentales, qui ne seraient plus en mesure de ses défendre contre le terrorisme.

Il a aussi relevé l’ « intense coopération » dont a bénéficié son gouvernement de la part de l’administration de Barack Obama dans le déminage du « danger » que représentait, à ses yeux, le rapport Goldstone tant pour Israël que pour [le reste de] l’Occident.

Oren et Netanyahu sont sans doute satisfaits d’avoir pu repousser ce « danger ». Mais la manière cavalière dont ils – et apparemment, avec eux, certains responsables américains – ont traité Abbas dans cette affaire a considérablement compliqué le projet de jeu diplomatique que l’administration Obama semblait suivre jusque-là, qui reposait dans une très large mesure sur le renforcement du poids politique d’Abbas et du Fatah par rapport à (et au détriment de) celui du Hamas.

C’est donc l’équilibre politique qui a vient d’être bouleversé – sans doute de manière décisive.

C’est un grand changement par rapport au début du mois d’août, où Abbas avait été applaudi par les dirigeants occidentaux pour avoir organisé avec succès une « conférence générale » du Fatah – la première réunion de cette importance de ce mouvement depuis vingt ans.

La combinaison entre la conférence du Fatah couronnée de succès et les perfusions de finances occidentales dans les veines de l’Autorité palestinienne, où ce fric est contrôlé à la fois par Abbas et son technocrate de Premier ministre pro-occidental Salam Fayyad, ont amené certains gouvernements occidentaux à s’illusionner quant au fait que ces deux hommes auraient été désormais à même de marginaliser le Hamas et de lui faire perdre tout impact réel sur les négociations de paix.

Désormais, ce plan semble bien moins réalisable. La position d’Abbas été fragilisée non pas seulement par les décisions qu’il a prises tout récemment en ce qui concerne le rapport Goldstone, mais aussi par la stagnation totale de la diplomatie de paix de Washington, par l’échec de Washington à obtenir un gel de la colonisation de la part de Netanyahu, comme il avait promis de le faire et, enfin, par la manière humiliante dont Abbas fut contraint à s’engager dans une réunion « à trois voies » avec Netanyahu et Obama, à l’Assemblée générale de l’Onu, à la fin du mois de septembre.

L’envoyé spécial d’Obama George Michell rentrera vendredi de Jérusalem, à la fin de sa septième ou huitième tournée de navette rapide dans l’ensemble de la région israélo-arabe. Samedi, il sera à Ramallah. Sherine Tadros, une journaliste de la chaîne satellitaire Al-Jazeera, a rapporté depuis Jérusalem Est que les Palestiniens de cette ville « sont très inquiets, en colère, et ils sont de plus en plus déçus par l’approche américaine, qui n’apporte strictement rien de nouveau sur la table [des négociations] ».

En même temps, l’on évoque avec de plus en plus d’insistance, tant chez les Palestiniens que chez nombre d’Israéliens, la possibilité d’une nouvelle intifada. Si cela arrive, l’étincelle sera fort vraisemblablement la vague massive de colonisation et d’activités connexes qu’ont entreprises les autorités israéliennes à Jérusalem Est.

De hauts diplomates de pays arabes voisins ont averti qu’étant donné la signification insigne de Jérusalem pour les Arabes et pour les musulmans du monde entier, les effets d’une nouvelle intifada centrée sur la question de Jérusalem risqueraient de se faire ressentir bien au-delà de la Palestine.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier  

[* Le dernier ouvrage de l’analyste politique Helena Cobban est The Israeli-Syrian Peace Talks: 1991-96 and Beyond (U.S. Institute of Peace, 2000.). Son site ouèbe personnel est à l’adresse ci-après : http://helenacobban.org/home.html]



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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