Opinion
Mohamed Merah. A
voté !
Hedy
Belhassine
Vendredi 30 mars
2012
Et si le six mai la
France faisait son printemps ? Les
sondages se sont déjà trompés. Marianne
est coquette, infidèle, frondeuse, elle
aime changer d’avis comme de chemise. On
veut lui imposer le bonnet blanc ou le
blanc bonnet ? Elle pourrait bien par
dépit, choisir le bleu marine ou le
rouge ronchon.
Le show des nominés tourne en rond. Les
acteurs s’embrouillent dans les chiffres
d’une prospective de comptoir. « Je
ferai tout ce qu’hier je n’ai pas fait
....», « je ferai tout ce qu’il promet
mais en mieux ....» Je taxerai les
riches dit l’un, je baisserai le prix de
l’essence dit l’autre.
Hallal ou casher ? La France d’en bas
s’en fiche, elle réclame le ragoût
quotidien et la poule-au-pot dominicale.
A Nogent-le-Rotrou (bien nommé),
l’unique boucher « cent pour cent sans
sang » a déposé son bilan. Il est parti
rejoindre la table de ses anciens
clients aux Restaurants du Cœur.
Etrange campagne qui ignore les affaires
scandaleuses.
La cupidité et la lubricité équilibrent
le fléau de la balance. Takieddine
contre DSK, rétro-Sawari contre
coquineries sordides. Le Président
sortant laissera son nom à un estaminet
des Champs Elysées et le lubrique du FMI
à un club échangiste « Aux Trompettes de
la Renommée ». Le pouvoir d’achat des
français est en baisse, sa libido aussi.
Alors, il ne faut pas lui parler de
milliards ni de galipettes.
Etrange campagne qui ignore les affaires
étrangères.
Gauche et droite se rejoignent sur
l’Iran, la Syrie, Israël, le Liban,
l’Algérie, l’Arménie. Elles promettent
l’une et l’autre de mettre au pas
l’insolente Berlinoise pour booster la
croissance ou limiter l’immigration. On
va reconstruire la ligne Maginot et
l’Allemagne paiera. Ah mais !
L’élection présidentielle dont le seul
enjeu est la reconduction du titulaire
devient secondaire. Les citoyens
désespèrent et s’ennuient, ils zappent
TVS, TVH, TVM, TVB… Les vieux ont la
nostalgie de Pompidou et Duclos, les
jeunes ressuscitent Claude François et
Bob Dylan, idoles des sixties.
Le pays appréhende l’avenir, alors il se
réfugie dans le passé.
Malheureusement, le sang de la ville
rose a éclaboussé le pays, prolongeant
le sentiment de peur car le premier flic
de France est en échec.
Police et surveillance du territoire ont
été défaillantes car le pouvoir
politique se mêle de tout, et surtout de
ce qu’il ne sait pas faire. Les agents
secrets se sont laissé enfumer comme des
bleus. Le tueur a laissé des traces dans
les dossiers d’une bonne dizaine de
services étrangers : israéliens,
syriens, iraniens, irakiens, jordaniens,
algériens, pakistanais, américains,
russes, afghans… Tous l’avaient à l’œil.
Sauf l’officier traitant français !
Reste à découvrir la nationalité du
marionnettiste. Il est improbable
qu’elle soit révélée. Mais on peut
s’exercer à la deviner.
La politique extérieure de la France de
ces dernières années lui vaut de solides
rancœurs en Libye, en Syrie, en Irak, en
Iran, en Afghanistan et au Pakistan pour
les plus tenaces, en Turquie, en
Tunisie, en Algérie, au Tchad, au
Soudan, au Niger, en Somalie, en Côte
d’Ivoire pour les plus indulgentes. Même
en Arabie et au Qatar, des reproches à
voix basse parviennent aux oreilles des
monarques jugés trop complaisants envers
Paris. Le roi Abdallah et le Banquier Al
Thani ne tiennent plus leurs jeunes
salafistes. Quant au Conseil de Sécurité
de l’ONU, les grands semblent attendre
que le petit parisien passe la main.
L’Etat français n’a plus guère d’amis.
Il s’est fâché avec tous, pour n’en
conserver qu’un seul dont il partage les
postures belliqueuses: l’Etat hébreu.
Toulouse révèle par un jeu de miroir,
l’état de la France : la pauvreté, la
marginalisation des banlieues, l’échec
scolaire, l’impuissance judiciaire,
l’absence de repères identitaires pour
des centaines de milliers de jeunes.
Merah était un paumé.
Français ? Pas tout à fait car bien que
né en France de parents français il
était aussi algérien, nationalité qui
s’impose par le sang du père ou celui de
la mère. C’était un bi-citoyen sans
patrie. Est-ce pour cette raison qu’il a
tué des binationaux ?
Arabe ? Pas tout à fait car il savait
peu cette langue, sa poésie, sa musique
et ses cent manières de conjuguer le
verbe aimer.
Musulman ? Pas du tout car il était
coraniquement inculte, pratiquant à la
sauvette, délinquant le reste du temps.
Mohamed était un ni-ni. Un rejet de
tous. Un pantin disponible. Prêt à
servir le premier service venu. Il
n’était qu’un objet. C’était un mort-
vivant, il devint un cadavre bien
encombrant. « Qu’on le jette au
cimetière des chiens d’Asnières, il y
sera parmi les siens ! » Polémique post
mortem ultime ?
L’actualité indécente exhibe la cruauté
du monstre et attise l’appétit des
charognards, toutefois, « par respect
pour la douleur des proches », elle
cache la détresse des victimes, elle ne
montre pas la montagne de fleurs de
compassion pour la maman à laquelle
toutes les mamans pensent.
Quel souvenir subliminal laissera le
carnage de Toulouse et de Montauban dans
l’esprit de l’électeur lorsque derrière
le voile de l’isoloir viendra l’instant
du choix ? La France ne sera peut-être
plus la même le six mai, mais avec des
si…
Publié le 30 mars
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire d'Hedy Belhassine
Les dernières mises à jour
|