Opinion
L'arabe
Hedy
Belhassine
Mercredi 2 octobre 2013
C'est la seconde langue de la France.
Elle est usitée dans les familles, dans
les cages d'escaliers, dans les
quartiers. Elle domine dans les
banlieues, dans les prisons. Pourtant,
elle n’est pas enseignée à l'école
primaire, elle est marginalisée au
lycée, elle est réservée à une élite à
l'université.
L’arabe en France est la langue des
sous-scolarisés et des savants.
L’éducation nationale la considère comme
une langue étrangère alors qu’elle fait
partie intégrante du patrimoine culturel
de millions de français. Pire, elle est
poussée au rang de langue liturgique ou
savante au même titre que l’hébreu, le
provençal, le chti ou le patois
bérrichon.
Un boulevard pour les intégristes qui
proclament : "pour savoir l'arabe,
apprenez le Coran !"
Un pétard à mèche lente pour le FN qui
va un jour se pencher sur les ELCO et
autres aberrations du système éducatif
national.
Sacralisée ou bougnoulisée, cette langue
n'est ni un facteur de valorisation ni
une promesse d’ascension sociale. Pas de
TV française publique en arabe (sauf
quelques heures sur France 24 qui émet
surtout à destination de l'étranger), à
quelques rares exceptions il n'y a pas
de radio laïque sur la bande FM ! La
plus forte audience, Radio Orient lance
cinq fois par jour l'appel à la prière !
Le PAF en arabe c’est 400 chaînes
satellitaires parfaitement
dés-identitaires. Le Français arabophone
absorbe insidieusement la « vision » des
monarchies et des dictatures orientales.
Il devient malgré lui « concerné » par
des préoccupations étrangères à sa
nation. Il est dé-francisé à son insu.
Il est « conditionné » à se passionner
pour Algérie-Egypte alors qu’au fond de
lui-même il vibrerait plutôt pour «
Guingamp-Sochaux ».
L’espace culturel: édition, presse
écrite, publicité, spectacles est
inexistant ou importé parcimonieusement.
L’Institut du Monde Arabe est trop
souvent une vitrine des arts islamiques
alors qu’elle devrait être la maison de
la langue et peut-être essaimer sur le
territoire.
Quel sera le paysage linguistique dans
20 ans ? Cette langue dite morte aura
alors une audience unique au contenu
sacralisé incontrôlable. On ne dira plus
« Bonjour » mais « que tu sois béni de
Dieu et de ses apôtres ». On ne saura
plus dire « au revoir » (ila lika) mais
« Dieu est avec toi » Toutes les phrases
seront ponctuées de bondieuseries. Cette
dérive de la langue est observée depuis
quinze ans dans le monde arabe (depuis
la déliquescence des régimes
nationalistes et laïcs arabes : Egypte,
Irak, Yémen et dans une moindre mesure
Tunisie, Algérie, Liban, Syrie). Il s’en
ressent une main mise du dogme sur la
pensée et sur le comportement quotidien
d’une partie de la population française.
Est-il possible d’être Français et
penser Voltaire, Sartre ou Vialatte en
langue arabe ? La réponse paraît
affirmative puisque l’arabe est un
vecteur de pensée comme toutes les
langues, en réalité sa sacralisation et
sa régression à la mode du 14ème siècle
ne lui permet plus d’aborder avec
neutralité les concepts républicains de
la France d’aujourd’hui.
L’éducation nationale n’a pas anticipé
le mouvement, elle est aujourd’hui
dépassée. Pourtant Paris a produit bien
plus de savants dans cette langue que la
plupart des pays arabes. Mais l’arabe
est devenu la langue des terroristes.
Dans l’administration, son apprentissage
est encouragé seulement dans la police
et chez les gardiens de prisons.
Laisser une langue devenir l’arme d’un
mouvement de pensée c’est prendre le
risque d’une fragmentation politique.
Tenter d’éradiquer son usage par la
suspicion et la répression, c’est
précipiter de mouvement car on ne tait
pas une langue.
(texte publié en déc 2009)
Le sommaire d'Hedy Belhassine
Les dernières mises à jour
|