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La dimension spirituelle du mois de
Ramadan
Hatim I. Belfkih
Vendredi 14 septembre 2007
Toute prescription appartenant au corpus de la
praxis musulmane réponds à des normes et est conditionnée par
des règles. Mais les productions normative et jurisprudentielle
ont tendance à passer sous silence l’esprit et la finalité de
l’objet de leurs études. Combien de traités abordent le sens
des actes d’adoration ? Combien d’ouvrages s’arrêtent
sur leurs visées spirituelles, leurs secrets ? La question
induit la réponse !
Nous accueillons un mois béni dont Dieu (qu’Il
soit glorifié) a prescrit le jeûne. Les livres de jurisprudence
regorgent de détails sur les modalités de sa validité, ses
interdits, ses recommandations. Mais quid de son esprit, de sa
dimension spirituelle ?
Le jeûne de ce mois n’est pas une adoration
ponctuelle réclamant soumission et rigueur le temps de quelques
rites qui une fois finis permettent de revenir à des occupations
plus contingentes, plus immédiates. Son rôle ne s’arrête pas
dès lors qu’ont été remplies les
strictes conditions du jeûne diurne, pour que, la nuit venue, on
se laisse aller à l’excès après la privation, à la négligence
après l’effort, à l’oubli après le rappel.
Le vrai sens du jeûne est de réfréner ses
pulsions négatives, de porter son ego à rompre avec ses
habitudes, d’atténuer l’ardeur de ses désirs pour la préparer
à ce qui lui apportera bonheur et félicité, de lui faire
accepter ce qui l’aidera à purifier son cœur.
En effet, derrière le jeûne se dessine toute
la logique du rapprochement à Dieu. Il est une réalité qui
n’est secret pour personne mais que tend à occulter
l’habitude. Cette réalité tient en la présence d’un lien
direct entre la condition du corps et la vie du cœur. La première
le ramène à son origine matérielle, le rabaisse vers la terre,
l’autre le renvoie à sa source spirituelle, l’élève par le
souffle Primordiale.
La Sagesse Infinie de Dieu a voulu que l’Homme
soit la conjugaison de l’esprit et de la matière. On ne peut se
départir de l’un ou de l’autre. Mais la recherche de l’équilibre
entre les deux n’est pas chose aisée, car il n’y a pas de symétrie
dans la gestion de ces deux entités. En effet, nous vivons en
plein dans l’univers sensoriel, il nous est imposé, on ne peut
s’en soustraire.
Tandis que la vie spirituelle requiert un acte
volontaire, une exigence, une rigueur de notre part. Elle est
fonction de notre capacité à éduquer notre cœur. Une éducation
qui nous accompagne tout le long de notre parcours terrestre. Un
parcours situé et daté, qui s’inscrit dans le temps.
La gestion du temps est déterminante dans le
cheminement vers Dieu. Quoique le temps d’une vie soit
insuffisant pour adorer Dieu comme il convient à Sa Majesté.
Aussi, nous fait-Il don de moments exceptionnels qui accélèrent
notre mouvement vers Lui. Le Prophète (que Dieu lui rende Grâce
et Paix) a dit : "Il y a dans les jours de votre vie,
des souffles bénéfiques [nafahâte] de la part de votre
Seigneur. Soyez soucieux de vous y exposez ".
Ces propos qui nous enjoignent de ne point rater
nos rendez-vous privilégiés avec Dieu sont précieux et
salutaires. Précieux en ce qu’ils nous informent que tous les
moments ne se valent pas ! Qu’il faudrait en conséquence
accorder aux instants d’exceptions toute l’importance qui leur
sied. Et salutaires en ce qu’ils offrent une issue à ceux qui
sont conscients que le temps leur manquera pour finir de se
purifier, si tant est qu’on puisse se purifier par nos actions
ou que la purification ait un terme.
Il y a des moments propices à l’invocation,
d’autres où le salaire de l’action est décuplé, d’autres
encore où le candidat au cheminement spirituel est aspiré par la
grâce divine qui l’amènera à couvrir les distances et à
franchir les obstacles que ne lui permettraient pas ses actions.
Le Ramadan a le mérite d’englober tout cela.
Il occupe une place toute particulière du fait de la multiplicité
des opportunités bénies qui le ponctue tels la nuit du destin,
les dix derniers jours, la période de la rupture du jeûne,...
Le mois du Ramadan est une occasion à ne pas
rater. C’est une station de ressourcement qui porte sur deux
dimensions. La première est de l’ordre de la vie matérielle en
atténuant sa prise sur les perceptions sensibles. La seconde relève
du monde de l’imperceptible en offrant un moment propice à l’élévation
spirituelle notamment par l’enchaînement des démons.
C’est une ascèse qui, un mois durant, la
personne est tenue d’habituer tous ses membres à rompre avec
toute habitude. Son ventre bien sûr est le premier concerné.
Mais sa langue, ses yeux, son ouïe aussi. Tout le corps est convié
au jeûne. Chaque organe a une abstinence qui le caractérise.
Le Ramadan est un espace d’entraînement un
mois durant pour affronter le reste de l’année. C’est un mois
d’effort pour retrouver le sens de l’effort. C’est un mois
de méditation pieuse pour élever la perspective de son
aspiration au-delà de son horizon limité. C’est un mois de
solidarité et de partage, pour Dieu et avec les hommes.
Les mérites de ce mois et de ce qui s’y
rapporte sont pléthore. On se suffira de ce hadith pour étayer
tout ce qui précède :
Le compagnon Salman le Perse (que Dieu l’agrée)
rapporte : " Le dernier jour du mois de Cha’baane, le
Messager de Dieu nous fit ce discours : "
Ô gens ! Un grand mois béni vient à vous, un mois
comportant une nuit meilleure que mille mois. Jeûner sa journée
est obligatoire, veiller sa nuit est recommandé. Les actes surérogatoires
qui y seront accomplis auront la valeur d’actes obligatoires en
dehors de ce mois et l’acte obligatoire en vaudra soixante-dix.
C’est un mois de patience et il n’y a d’autre récompense
pour la patience que le Paradis.
C’est un mois de solidarité. C’est aussi un
mois où Dieu bénie et augmente la part de ce qu’Il lui a
destiné. Quiconque offrira le repas de la rupture du jeûne
obtiendra le pardon de ses péchés, une protection contre
l’enfer et recevra la même récompense que le jeûneur sans que
celle de ce dernier ne soit en rien diminuée ".
Les Compagnons dirent : " Ô Messager de
Dieu, nous ne sommes pas tous capables d’offrir ce repas au jeûneur.
Il répondit : " Dieu accorde la même récompense pour
celui qui donne au moment de la rupture du jeûne une simple
datte, un peu d’eau ou un peu de lait. C’est un mois dont le début
est miséricorde, le milieu pardon et la fin affranchissement de
l’Enfer.
Quiconque allégera le fardeau de ses subordonnés
en ce mois, Dieu lui pardonnera et le libérera de l’enfer.
Durant ce mois, multipliez quatre vertus : deux pour gagner
l’agrément de votre Seigneur et deux dont vous ne pouvez vous
passer. Les deux premières sont : la mention de" Lâ ilâha
ilallâh " et solliciter le pardon de Dieu. Et les deux dernières
sont : implorer Dieu pour Son Paradis et Lui demander
protection contre l’Enfer. Celui qui donnera à boire à un jeûneur,
Dieu lui fera boire de mon bassin une gorgée qui étanchera sa
soif jusqu’à son entrée au Paradis. " Rapporté par
Khouzaïmah dans son Sahih."
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