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Pakistan,
non-assistance à peuple en danger
Hassane Zerrouky
Photo: RIA Novosti - ©
REUTERS/ADREES LATIF
Jeudi 19 août 2010
À peine 301 millions de dollars ont été récoltés alors
que la faim, la soif, les maladies menacent les millions de
réfugiés, parmi lesquels de nombreux enfants, chassés par les
inondations.
Les Pakistanais sont de fait dans une situation de
non-assistance à un peuple en danger. Face à la pire catastrophe
naturelle de l’histoire de leur pays, ils ont le sentiment
d’être abandonnés. Bien que l’ONU ait tiré la sonnette d’alarme,
les secours arrivent au compte-gouttes. Pourtant, le déluge qui
s’est abattu sur le pays a ravagé un cinquième du territoire,
l’équivalent en surface de l’Italie. Le tableau est terrible :
plus de 1 600 morts, des centaines de localités emportées par
les eaux et rayées de la carte, 15 millions de sinistrés, dont
plusieurs millions de personnes déplacées campant dans des abris
de fortune. À quoi s’ajoute la menace, à terme, d’une
catastrophe économique dans un pays où plus de 60 % de la
population vit avec moins de deux dollars par jour !
Les pertes dans les campagnes (coton et bétail) sont immenses
alors que l’agriculture représente 20 % du produit intérieur
brut (PIB), et la destruction des infrastructures
socio-économiques (réseau électrique, de télécommunications et
d’eau potable, routes et ponts…) est estimée, selon une
hypothèse basse, à plus de deux milliards de dollars. Les
experts prévoient plusieurs années avant que les paysans ne
retrouvent engrais, graines, récolte et nourriture. Une
situation qui a conduit la Banque mondiale à débloquer un prêt
d’urgence de 900 millions de dollars. Et sous réserve d’une
évaluation plus exacte des dégâts, le coût de la reconstruction
est estimé à plus de 2,5 milliards de dollars, a indiqué Zamir
Akram, ambassadeur du Pakistan auprès des Nations unies. Lequel
a tenu à préciser qu’il faudra toutefois entre sept et dix jours
encore pour évaluer l’ampleur exacte des dégâts.
Haïti oui, Pakistan non !
C’est sur le plan sanitaire que les besoins les plus aigus se
font sentir. L’ONG Oxfam estime à 3,5 millions le nombre
d’enfants exposés aux risques de maladies mortelles. Qui plus
est, hépatite, typhoïde et même choléra guettent les millions de
sinistrés, dans un pays qui manque de tout, y compris de la
nourriture de base, d’eau potable, de médicaments, de matériel
hospitalier d’urgence… Et cela alors que le gouvernement donne
l’impression d’être dépassé par l’ampleur de la tragédie.
Au regard du risque de catastrophe humanitaire qui menace le
Pakistan en proie déjà à la pression et au terrorisme
islamistes, la communauté internationale tarde à réagir. Une
semaine après avoir lancé son appel, l’ONU a annoncé, hier,
avoir récolté 65 % des 460 millions de dollars nécessaires pour
les secours d’urgence aux six millions de sinistrés répertoriés
comme les plus vulnérables, soit 301 millions de dollars, selon
l’ambassadeur du Pakistan auprès des Nations unies.
Curieusement, les pays occidentaux qui financent à coups de
milliards de dollars la « guerre contre le terrorisme » peinent
à mettre la main au porte-monnaie dès lors qu’il s’agit de
financer l’aide humanitaire. Certes, la Commission européenne a
porté son aide de 40 à 70 millions d’euros, mais c’est peu.
Plusieurs pays donateurs, dont le Japon, l’Australie, la Turquie
et l’Arabie saoudite, se sont engagés à apporter une aide
supplémentaire, sans autre précision. Quant aux ONG humanitaires
– Secours populaire, Oxfam, Médecins sans frontières… –, elles
peinent également à récolter des dons : moins de un million
d’euros jusqu’ici.
Le Pakistan est sans doute victime d’une image dégradée, en
proie à une violence extrême, où les islamistes radicaux font
régner une insécurité de tous les instants, d’un pays où il
semble que Ben Laden et al-Qaida continuent d’agir en toute
impunité, où, du fait de la loi religieuse (la charia), les
femmes ne sont pas des citoyennes à part entière. En outre, le
Pakistan donne également l’image d’un pays instable
politiquement – l’assassinat de Benazir Bhutto en mars 2007 est
encore présent dans les mémoires –, entachée par une corruption
gangrenant les institutions à tous les niveaux. La presse
britannique évoquait, au début de la semaine, le détournement
par le président pakistanais, Asif Ali Zardari, d’une partie des
367 millions d’euros destinés aux sinistrés du tremblement de
terre d’octobre 2008.
Ces images négatives jouent contre la nécessaire solidarité
dont a besoin, tout comme les Haïtiens et les victimes du
tsunami, un peuple pakistanais qui n’en peut mais.
Le sommaire de Hassane Zerrouky
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Publié le 20 août 2010 avec l'aimable autorisation de
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