L’armement des rebelles libyens,
qui a fait polémique lors de la
conférence de Londres, ne relève
plus désormais de l’éventualité. La
France, qui fut l’un des premier
pays à avoir proposé de donner un
coup de main militaire aux hommes du
CNT, est déjà passée à l’acte. Son
état-major a confirmé le parachutage
d’armes légères aux rebelles dans la
région du Djebel Nafusa, au sud de
Tripoli.
Ces révélations marqueront sans
doute un tournant dans le bourbier
libyen en ce sens qu’elles
consacrent de fait, l’extension –
hors Conseil de sécurité – de la
résolution 1973 pour couvrir la
fourniture d’armes aux rebelles. Le
quotidien français le Figaro, proche
de l’Elysée, qui a révélé
l’information citant «des sources
françaises haut placées», souligne
que la France a livré des
«lance-roquettes, des fusils
d’assaut, des mitrailleuses et
missiles antichars Milan».
Une source officieuse proche du
dossier cité par l’AFP soutient
également que la France avait fait
passer des armes via des
parachutages et par les frontières
terrestres avec des pays voisins. La
quantité avoisinerait les «quarante
tonnes d’armes» dont «quelques chars
légers». Les mêmes sources ajoutent
que la décision aurait été prise à
la suite d’une réunion mi-avril
entre le président français Nicolas
Sarkozy et le chef d’état-major des
rebelles libyens, le général
Abdelfatah Younès, accompagné
d’autres membres de la rébellion,
selon la même source. Le Figaro cite
une «source française haut placée»
affirmant qu’«il n’y avait aucune
autre façon de procéder», et
explique ces largages d’armes par la
volonté de Paris de donner un coup
de pouce à la rébellion sur ce front
sud. Il ajoute que l’armée française
dispose d’un système «très
performant et très précis de
parachutage et qu’elle a agi sans
l’appui de ses alliés», en
particulier la Grande-Bretagne.
Paris et Londres furent à l’origine
d’une intervention militaire
déclenchée le 19 mars pour stopper
les troupes de Mouammar El Gueddafi
qui étaient sur le point de
reprendre Benghazi (est), deuxième
ville du pays et fief de la
rébellion. Mais trois mois après son
lancement, la coalition, désormais
conduite par l’OTAN, paraît
s’enliser et ne parvient pas à faire
partir le dirigeant libyen.
La guerre par procuration
Ce largage d’armes est donc
destiné à prêter main-forte aux
rebelles qui ont du mal à repousser
les troupes d’El Gueddafi pour
foncer vers Tripoli. Signe que les
armes de la France ont donné un bon
coup de main aux rebelles, le Figaro
dit avoir pu consulter une carte de
la Direction générale de la sécurité
extérieure (DGSE), les services de
renseignements français, montrant
que plusieurs localités de la région
sont passées récemment aux mains des
rebelles. Il s’agit de Nalout, Tiji,
Al Jawsh, Shakshuk et Yafran.
Concrètement, la France est en train
de faire la guerre par procuration
en Libye à l’ombre du Conseil de
sécurité et de l’OTAN encore rétifs
à un engagement militaire.
Londres tacle gentiment
Paris
Ce qui risque de compliquer un
peu plus l’équation et donner du
grain à moudre à ceux, nombreux,
notamment l’Union africaine, qui
dénoncent le dérapage de l’OTAN de
la protection des civiles à des
bombardements meurtriers.
Curieusement le coupe
franco-britannique a assumé le même
jour avoir agi en dehors du
parapluie onusien et atlantique. Le
chef de la diplomatie britannique,
William Hague, a reconnu hier que
son pays avait accordé au Conseil
national de transition (CNT), la
somme de 100 millions de dollars (70
millions d’euros) dans le cadre d’un
fonds de soutien spécial. «La
semaine dernière, ils ont reçu les
100 premiers millions de dollars de
dons internationaux pour payer les
salaires et acheter du carburant,
par l’intermédiaire du mécanisme de
financement temporaire mis en place
par le groupe de contact», a-t-il
révélé devant la Chambre des
communes. Pour autant, Londres a
exclu l’envoi d’armes en Libye.
«Non, la Grande-Bretagne n’envisage
pas de fournir des armes à
l’opposition en Libye. Nous pensons
que cela soulève un certain nombre
de questions, à commencer par la
résolution des Nations unies
(autorisant l’intervention en Libye,
ndlr), même si dans certaines
circonstances cela pourrait être
justifié», a déclaré le secrétaire
d’Etat britannique à la Défense,
Gerald Howarth, lors d’une
conférence à Bruxelles. Voilà qui
place la France dans une bien
mauvaise posture. D’ailleurs la DGSE
interrogée par l’AFP a rappelé
qu’elle ne faisait «jamais de
commentaire sur ses opérations
réelles ou supposées». Le ministre
français des Affaires étrangères,
Alain Juppé, n’a pas souhaité lui
non plus commenter ces informations.
Il est vrai que cette politique de
cavalier seul de la France paraît
indéfendable.