|
Egypte
L'onde de choc d'El Baradei
intrigue le palais :
Est-ce l'automne du patriarche Moubarak ?
Hassan Moali
Mohamed El
Baradei
Mercredi 24 février 2010
Il y a visiblement un immense mur de séparation entre les
aspirations du peuple égyptien et la volonté des maîtres du
Caire.
Est-ce l’automne du patriarche Moubarak au pays des pharaons ?
Beaucoup sans doute le souhaitent en Egypte et dans tout le
monde arabe. Mohammed El Baradei, l’ex-chef de l’Agence
internationale de l’énergie atomique (AIEA), annoncé comme
possible candidat à la présidentielle de 2011, se met déjà dans
la peau du « sauveur ». En Egypte, cette épithète un tantinet
exagérée, exprime le désir d’un peuple opprimé d’éviter de se
farcir pour un autre bail le même Moubarak.
Ou, scénario tout aussi redoutable, mettre en échec une volonté
clairement affichée par le clan de procéder à un transfert
dynastique du pouvoir de père en fils. Au Caire et dans tout le
pays profond, tout le monde a compris que Gamal, le fils de son
père, a commencé les « échauffements » en attendant de descendre
dans l’arène pour recevoir les clés de « Oum Dounia ». On
comprend mieux dès lors l’accueil triomphal réservé, vendredi
dernier, par plus de 2000 personnes à l’aéroport du Caire, à
Mohamed El Baradei. Entre El Baradei et son peuple il y a sans
doute des atomes crochus. L’image a évidemment fait plaisir. A
l’ex-patron de l’AIEA d’abord, mais surtout à ces milliers de
partisans qui voient en lui le salut pour un aussi grand pays
géré comme une entreprise familiale.
Ce retour d’El Baradei depuis sa cure « atomique » à la tête de
l’AIEA semble avoir réanimé un peu la vie politique en Egypte
trop marquée par les intrigues du palais des Al Moubarak.
Beaucoup dans ce pays veulent croire que le changement est enfin
arrivé après 29 longues années de règne sans partage de Hosni
Moubarak sur fond d’état d’urgence reconduit automatiquement.
Atomes
crochus
Il y a un phénomène de « tous » sauf Moubarak (TSM) qui
s’installe durablement dans la tête des Egyptiens. El Baradei
incarne admirablement bien cette stature d’homme intègre tout
auréolé de son prix Nobel de la paix et qui pourrait tirer
l’Egypte vers le haut et redonner espoir à son peuple. « Je suis
prêt à être candidat à la présidentielle, si le peuple me le
demande, peu importe qui se présentera contre moi à
l’élection », a-t-il déclaré à la chaîne de télévision Dream TV.
Mais si le peuple égyptien le réclame comme on l’a vu à
l’aéroport du Caire, il n’est pas sûr que l’establishment
Moubarak voit du bon œil cette intrusion dans ses affaires
« internes » du clan. La preuve ? Les médias gouvernementaux ont
tôt fait de mettre entre guillemets sa carrure d’homme d’Etat.
Il l’accuse entre autres de « ne rien connaître à l’Egypte ».
C’est déjà un signe qu’il n’est pas le bienvenu chez lui en
Egypte. Et s’il décide de franchir le pas, Al Moubarak lui ont
déjà placé des chausse-trapes légales. En effet, la Constitution
impose aux candidats indépendants d’obtenir l’appui de 250 élus,
dont au moins 65 membres de l’Assemblée nationale, 25 du Conseil
consultatif (Sénat) et au moins dix élus municipaux.
El
Baradei et Benflis…
Cela relève de la gageur tant le Parlement et les municipalités
sont dominés par le parti au pouvoir de Moubarak, le Parti
national démocratique (PND). El Baradei hausse le ton, espérant
être entendu : « Que quelqu’un comme moi ne puisse pas se
présenter à la présidentielle, c’est un désastre. Comment une
Constitution peut-elle empêcher 99% des gens d’être
candidats ? », s’est-il interrogé dans cet entretien dont des
extraits ont été publiés par le quotidien indépendant Al Masri
Al Youm. Le régime va-t-il concéder une révision de la
Constitution pour lui permettre de se porter candidat ? Réponse
d’un haut responsable du PND, Moustafa El Fekki : « La stabilité
est une bonne chose et ce que nous connaissons est mieux que ce
que nous ignorons. » « Le régime n’accédera jamais à cette
demande », confirme également Mohammed Habib, une figure des
Frères musulmans, principal groupe d’opposition, dans le
quotidien indépendant Al Masri Al Youm.
Il y a visiblement un immense mur de séparation entre les
aspirations populaires du peuple égyptien et la volonté des
maîtres du Caire. Le système de Moubarak est tellement bien « réseauté »
après 29 ans de « clientélisation », qu’il sera difficile pour
El Baradei de secouer une citadelle du pouvoir aussi bien
gardée. A moins d’enfiler, sans le vouloir, le costume du
candidat alibi pour mieux faire passer la pilule de Hosni ou
Gamal Moubarak. Un peu comme Benflis contre Bouteflika en 2004
en Algérie. En Egypte, le cinéma se pratique partout, y compris
dans les aéroports…
Droits réservés © El Watan 2007
Dossier
Monde
Les dernières mises à
jour
|