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Le journaliste Hocine Belalloufi commente l’actualité palestinienne

« Le carnage de Gaza est l'expression de l'échec israélien »
Hafida Ameyar

Samedi 31 janvier 2009

Hocine Belalloufi, journaliste, est l’auteur du livre Grand Moyen-Orient : Guerres ou paix ?,  paru en septembre 2008, aux éditions Lazhari Labter (Algérie) et Dar El-Farabi (Liban).
Dans ce premier essai, notre confrère se penche particulièrement sur la question palestinienne,  la nature de l’État d’Israël et celle des régimes arabes.

Liberté : Il y a quelques mois, tu as publié un livre sur le Grand Moyen-Orient (*), où tu abordes justement la situation du Proche-Orient. As-tu été surpris par les dernières attaques israéliennes et le carnage qui s’en est suivi à Gaza ?
Hocine Belalloufi : Il n’était pas possible de prévoir avec exactitude quand, où et comment Israël allait frapper.
Mais l’agression de Gaza n’a pas constitué une surprise. Devancés il y a quelques mois dans les sondages par le candidat de l’opposition, Benyamin Netanyahu (Likoud), Tzivi Lipni (Qadima) et Ehud Barak (Parti travailliste) devaient agresser les Palestiniens, à défaut de pouvoir prendre leur revanche au Liban ou de s’attaquer à l’Iran. Lors de chaque campagne électorale, l’opposition israélienne, quelle qu’elle soit, reproche au gouvernement, quel qu’il soit, de ne pas suffisamment protéger les citoyens israéliens face au “terrorisme”, terme qui désigne la résistance nationale palestinienne, mais qui peut aussi désigner la résistance nationale libanaise. Elle lui reproche également de freiner le lancement de nouvelles “implantations” dans les territoires occupés en 1967 (Cisjordanie) et l’extension de celles déjà existantes, c’est-à-dire de ne pas coloniser suffisamment et assez vite le peu de terres qui subsistent de la Palestine historique. La dernière attaque ne m’a pas surpris, parce qu’Israël ne veut pas la paix. Ni avec les Palestiniens ni avec les Syriens, ni avec les Libanais. Les dirigeants sionistes pourraient avoir la paix en
24 heures avec les Palestiniens, s’ils acceptaient un État palestinien sur les terres de 1967, avec Jérusalem pour capitale et le retour des réfugiés… Mais ce qui les intéresse, c’est la terre et l’expulsion des Palestiniens. Ils recourent donc systématiquement à la guerre et à la terreur.
Le carnage s’explique de deux façons. Premièrement, les bombardements visaient la population.
Il ne s’agissait pas de “dommages collatéraux” dus à la densité de la population. Ce carnage ne découlait pas davantage de la “lâcheté” des résistants palestiniens qui se cachent au sein de la population.
Il s’agissait d’un choix délibéré visant à punir la population palestinienne, qui a continué à soutenir le Hamas, après avoir voté pour lui. L’embargo criminel d’une année et demie visait déjà à la punir et à la découpler du Hamas et de la résistance en général. Mais, comme cela avait échoué, Israël a été plus loin en cherchant à retourner la population contre la résistance nationale palestinienne. Ce carnage est également l’expression d’un échec. L’armée sioniste s’acharne sur la population parce qu’elle n’a pas réussi, pour l’instant du moins, à atteindre ses objectifs militaires et politiques qui sont : la fin des tirs de roquettes sur Israël, la fermeture étanche de la frontière entre Gaza et l’Egypte, la destruction ou l’affaiblissement du Hamas et de la résistance nationale palestinienne, ainsi que la victoire au prochain scrutin législatif israélien. Aujourd’hui, le monde entier a vu que les dirigeants sionistes sont des criminels et nombreux sont ceux qui, dans les grands pays alliés d’Israël, osent les critiquer…

Tu soutiens que le projet américain du GMO réactive la stratégie de la “révolution arabe” des années 1950, 1960 et 1970. J’ai un peu de mal à te suivre, sachant que le contexte est tout autre et que même la conception réductrice de “monde arabo-musulman” renvoie entre autre à l’histoire coloniale…?
La stratégie de la révolution arabe des années 50, 60 et 70 reposait sur l’interaction de la révolution nationale palestinienne contre Israël et des luttes des peuples arabes contre les régimes réactionnaires arabes, valets des grandes puissances impérialistes.
Il faut se rappeler que la guerre de 1948 a opposé les armées arabes à Israël et que les officiers libres qui, à l’instar de Nasser, renversèrent le roi Farouk, n’avaient pas accepté l’humiliation de la défaite. Depuis, Israël a livré des guerres ou a agressé tous les États de la région : Égypte, Syrie, Jordanie, Liban, Irak… Par la suite, la capitulation de l’Egypte et la victoire américaine dans la guerre du Golfe (1991) ont abouti à des négociations bilatérales entre Israël et chaque partie prenante du conflit : OLP, Jordanie, Syrie. Mais, avec l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak par les troupes américaines, de la Somalie par les troupes éthiopiennes intervenant pour le compte de Washington, avec l’agression israélo-américaine contre le Liban en 2006 et les menaces contre la Syrie, l’Iran et le Soudan, voire l’Érythrée, on assiste à un retour à une domination directe de l’impérialisme dans la région, qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle colonisation. Ces offensives s’inscrivent dans une politique globale, celle du Grand Moyen-Orient de George Bush, qui entend imposer la pax americana à une région stratégique pour le capitalisme mondial, du fait de ses ressources en énergie, de son rôle de carrefour de trois continents, d’artère vitale (canal de Suez) pour le commerce mondial. Le GMO borde la Russie et aboutit aux confins occidentaux de la Chine, deux pays concurrents des États-Unis. Les interventions militaires américaines dans la région ne sont donc pas l’expression d’une haine de l’Islam ou des Arabes, mais constituent fondamentalement le bras armé de la mondialisation néolibérale.
Ailleurs, dans les pays non occupés de la région, cette mondialisation néolibérale s’opère avec la complicité de régimes autoritaires locaux et provoquent des dégâts sociaux et politiques considérables. L’offensive néolibérale a provoqué partout l’émergence de résistances, qui ont pour ennemi commun le système de domination impérialiste sur la région.
C’est donc la communauté d’ennemis et d’intérêts qui forment la base objective de l’unification des différents types de résistances dans la région : luttes de libération nationale au Sahara Occidental, en Palestine, en Somalie, en Irak, en Afghanistan… luttes nationales pour préserver l’indépendance économique, luttes démocratiques et sociales dans les autres États indépendants… enfin, résistance des  “États voyous” qui oppriment leurs propres peuples, mais qui défendent leurs aspirations à l’indépendance face à l’impérialisme.
Ce sont les États-Unis qui redonnent toute son actualité à la stratégie de la révolution arabe, mais celle-ci ne se réduit pas au déclenchement d’une guerre unique, de l’Atlantique à l’océan Indien. Il s’agit de faire converger des luttes différentes, armées, politiques, syndicales… parce qu’elles ont un même ennemi global, l’impérialisme, mais qui se décline différemment dans chaque pays…
Ce n’est qu’en cas de déflagration générale due, par exemple, à une attaque de la Syrie ou de l’Iran par Israël et les États-Unis, que la lutte armée se généraliserait à toute la région du Moyen-Orient. Nous n’en sommes pas là.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, le droit international a retenu l’État-nation comme unique forme permettant à un peuple de vivre souverainement sur ses terres. Comment se fait-il alors que le peuple palestinien n’arrive pas à réaliser son État indépendant aux côtés de l’État d’Israël ?
C’est le rapport de force sur le terrain et non le droit international qui détermine en dernière instance si un peuple arrive ou non à accéder à l’indépendance nationale. Le peuple palestinien n’est pas encore arrivé à édifier son État, parce qu’il a été expulsé de sa terre et atomisé dans différents pays arabes voisins et en Israël.  Il était donc affaibli et divisé. Il s’agissait d’un peuple de réfugiés. Après la terrible répression britannique de 1936-1939 contre le mouvement national palestinien, il lui a fallu consacrer un certain temps et beaucoup d’énergie à se reconstituer et à se donner une nouvelle direction. Entre-temps, la catastrophe de 1948 était intervenue et des régimes arabes avaient pris l’OLP en otage. Toute l’histoire du conflit en Palestine démontre que le peuple palestinien seul ne peut renverser le rapport de force face à Israël, qui bénéficie du soutien total et inconditionnel des USA et de l’UE. Il y a eu des erreurs stratégiques que la résistance palestinienne a reconnues, en particulier en Jordanie, dans les années 1960 et au Liban, dans les années 1970, erreurs qui ont abouti à la perte de contact de la résistance palestinienne et de la Palestine. Mais les raisons de l’incapacité de la résistance palestinienne à imposer son État indépendant sont plus profondes. Elles renvoient en premier lieu aux limites des régimes progressistes anti-impérialistes des années 1950, 1960 et 1970, qui n’ont pas assumé le rôle d’arrière stratégique de la résistance palestinienne. Plus aucun État arabe n’accepte, depuis longtemps, que les Palestiniens combattent à partir de leur territoire. Il y a également l’échec historique de ce nationalisme arabe, qui entendait résister à l’impérialisme, tout en opprimant son peuple et en refusant de s’appuyer sur les travailleurs et les paysans. Ces raisons relèvent de la nature des directions nationalistes arabes, qui ont d’ailleurs fini par échouer lamentablement, en donnant des Sadate, des Saddam Hussein…
Ces raisons locales doivent aussi être mises en relation avec la contre-révolution libérale de la deuxième partie des années 1970, qui va mettre au pas, pratiquement, tous les régimes progressistes de la région et qui va isoler encore un peu plus le peuple palestinien. Une autre raison réside dans la bureaucratisation et la corruption qui ont gangrené l’OLP, puis l’Autorité palestinienne.
Mais d’une façon générale, c’est le rapport de forces global entre les peuples de la région et l’impérialisme, qui a empêché le peuple palestinien de recouvrer ses droits. Voilà pourquoi, ce qui se passe aujourd’hui dans toute la région du GMO est porteur d’espoir. 
Les peuples se réveillent, se repolitisent, se battent de nouveau, en sortant dans la rue exprimer leur soutien à la cause palestinienne et s’organisent. Ce processus sera long, difficile, semé d’embûches, mais il n’existe pas de raccourcis. Seule la lutte paie…

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Publié le 31 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de Liberté.



Source : Liberté-Algérie
http://www.liberte-algerie.com/...


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