Révolution Vive
« Au Honduras, on
cherche à faire taire la presse
indépendante et populaire »
Giorgio Trucchi
Rel-UITA
Mardi 26 janvier 2010
César Silva, journaliste hondurien récemment enlevé et torturé,
nous livre son témoignage.
Le 29 décembre dernier, César Silva, journaliste engagé dans
la lutte du peuple hondurien contre le coup d’Etat, a été
victime d’un enlèvement et sauvagement torturé par des inconnus
qui, selon lui, étaient des militaires ou des policiers en
civil. Selon plusieurs organisations des droits de l’Homme
présentes au Honduras, ce fait relève d’une stratégie répressive
mise en place par le gouvernement de facto en connivence avec
les forces répressives du pays, pour semer la terreur parmi la
population et les media qui ne se sont pas soumis aux forces
responsables du coup d’Etat. César Silva et Edwin Renán
Fajardo, le jeune homme de 22 ans assassiné le 22 décembre
dernier, sont les auteurs d’un grand nombre de documents
audiovisuels qui on été indispensables pour raconter au
monde la tragédie que vit le peuple hondurien depuis le 28 juin,
et pour organiser des activités de formation et de prise de
conscience pour la résistance dans différents quartiers et
bidonvilles de la capitale et dans le reste du pays.
Au cours de son enlèvement, il a été emmené dans la banlieue
de Tegucigalpa, la tête recouverte d’un sac, et a subi un
interrogatoire pendant toute une journée pour qu’il livre des
informations sur de supposés dépôts d’armes de la Résistance
dans le pays. Il a été sauvagement roué de coups, torturé,
dévêtu, et presque asphyxié. Mais il a finalement été libéré, ce
qui n’a pas été le cas de Walter Tróchez, le défenseur des
droits de l’Homme assassiné quelques jours après sa
séquestration.
Sirel a pu rencontrer César Silva quelque part en Amérique
Centrale, dans un lieu dont nous ne mentionnerons pas le nom, à
la demande de l’interviewé, pour des raisons de sécurité. Tout
de suite après son enlèvement et sa libération, celui-ci a
décidé de suivre les conseils des ses amis et d’abandonner le
pays pour préserver sa vie.
Comment s’est déroulé l’enlèvement ?
Je revenais du sud du pays où nous avions distribué du
matériel audiovisuel à des réseaux de paysans. En arrivant à la
capitale, j’ai arrêté un taxi pour rentrer chez moi. Je ne
m’imaginais pas que mon téléphone portable avait été mis sur
écoute et que toutes mes conversations étaient enregistrées, de
sorte que l’on pouvait connaître tous mes déplacements.
Alors que l’on arrivait au périphérique, une camionnette
s’est approchée du taxi et les personnes qui s’y trouvaient ont
sorti des pistolets et nous ont arrêtés. Pensant qu’il
s’agissait d’un braquage, je leur ai dit d’emporter mon
équipement, mais ils ont répondu sans détours : « ces merdes ne
nous intéressent pas, connard, c’est toi qu’on est venus
chercher. »
Ils m’ont fait monter dans la camionnette, ont menacé le taxi
en lui disant d’oublier ce qu’il venait de voir, et ils ont
démarré. D’abord ils m’ont obligé à me baisser et à garder ma
tête entre mes genoux, et quand je ne pouvais plus supporter la
position, ils m’ont frappé au visage et l’ont recouvert d’un
sac. Une heure plus tard nous nous sommes arrêtés à la campagne
et on m’a enfermé dans une pièce plongée dans une obscurité
totale. C’est alors que l’interrogatoire a commencé.
Que s’est-il ensuite passé ?
Ceux qui m’interrogeaient étaient de plus en plus agressifs à
mesure que le temps passait, même si l’un d’entre eux tentait
d’être plus aimable avec moi. Je savais qu’il s’agissait bien
évidemment d’une stratégie. Ils m’ont demandé où étaient les
armes, par où on faisait entrer les troupes dans le pays,
combien de cellules étaient à ma charge et quels étaient mes
contacts internationaux.
Je ne comprenais pas ce qu’ils voulaient et je leur répétais
que j’étais journaliste et que je ne savais rien aux sujets de
ces armes. Ensuite ils ont commencé à s’énerver et à me frapper
violemment au visage, dans le ventre, dans le dos et dans les
testicules. Ils m’ont enlevé mes habits et m’ont jeté à terre,
m’ont mis de l’eau dans le nez et ont appuyé une chaise sur ma
trachée pour me faire suffoquer.
Ils savaient parfaitement qui j’étais, et qu’à un moment
donné je me mettrais à parler du matériel audiovisuel que je
produisais avec Renán Fajardo. Ils en ont même fait mention
explicite. Au petit matin, ils ont à nouveau essayé de me faire
peur et se sont mis à planifier mon assassinat à voix haute.
Mais ils ont finalement décidé de me libérer. Ils m’ont fait
monter dans un véhicule et quand ils se sont arrêtés la personne
qui étaient à côté de moi m’a donné un coup de pied dans le dos
et m’a jeté dans la rue.
Je me suis relevé et j’ai décidé de dénoncer ce qui venait de
se passer au COFADEH (Comité des familles des Détenus Disparus
au Honduras) pour que l’on conserve une trace écrite de ce qui
est en train de se passer dans le pays.
T’es-tu demandé quelles étaient les raisons pour
lesquelles tu as été séquestré ?
Quand la répression n’a plus lieu au quotidien à l’occasion
des mobilisations, ce sont les enlèvements sélectifs qui
commencent à se mettre en place. En ce qui me concerne, je crois
que le travail que j’ai accompli avec Renán pendant la fermeture
de Radio Globo y Cholusat Sur-Canal 36 a été assez néfaste aux
responsables du coup d’Etat. C’est un travail qui était diffusé
partout et qui d’une certaine manière permettait de briser
l’isolement et la désinformation, objectifs du gouvernement de
fait.
Le matériel audiovisuel que nous produisions se penchait sur
tout ce qui se passait dans le pays. Il racontait la répression,
les assassinats, la violence, et nous le distribuions pour qu’il
soit utilisé par la Résistance, afin d’informer les gens qui ne
pouvaient avoir accès aux informations dans les milieux fermés.
Nous avons finalement décidé d’arrêter ce travail quand ont
commencé les violations de domicile et la répression au cours
des activités organisées dans les quartiers et les bidonvilles
par les chefs de la résistance. Plusieurs assassinats ont eu
lieu parmi ceux-ci.
D’après toi, pourquoi a-t-on décidé de ne pas
t’assassiner ?
Je crois qu’ils n’avaient jamais reçu l’ordre de le faire, et
surtout parce qu’ils voulaient utiliser mon cas pour semer la
terreur parmi mes collègues nationaux dont le travail est
véritablement préjudiciable aux responsables du coup d’Etat. Le
message se dirige aux autres : s’ils ont pu faire cela avec moi,
ils peuvent le faire à n’importe quel moment et avec n’importe
quel autre journaliste. Ce qu’ils veulent, c’est que nous nous
taisions.
Par contre, ce qui me préoccupe vraiment, c’est qu’il y a
déjà un grand nombre de collègues qui se sont pliés aux ordres
du pouvoir de facto, qui se sont vendus pour quelques billets et
qui vendent le sang du peuple pour un boulot.
Pourquoi as-tu décidé de quitter le pays ?
Après mon enlèvement je savais qu’ils pouvaient débarquer
chez moi à tout moment pour m’assassiner. De plus, les
organisations de droits de l’Homme et plusieurs amis m’ont dit
qu’ils ne voulaient plus voir de nouvelles photos de victimes et
m’ont conseillé de quitter le pays. J’espère que ce ne sera que
temporaire, car mon désir est de revenir et de pouvoir continuer
à faire mon travail.
Je n’ai pas peur, mais je dois être plus prudent pour
ne pas livrer ainsi ma vie aussi facilement. Ils n’ont qu’à
lutter un peu plus s’ils veulent me tuer.
Source :
http://www.rel-uita.org/internacion...
Article publié par Rebelión (http://www.rebelion.org/noticia.php...).
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