Opinion
Etats-Unis : départ d'Irak... sur la
pointe des pieds
Gilles Munier
Gilles
Munier
Mardi 3 janvier
2012
(Afrique Asie – janvier 2012)
Comme la
résistance irakienne le prévoyait, les
troupes étasuniennes ont quitté l’Irak «
la queue entre les jambes », sans
tambour ni trompette. Cela dit, les
Irakiens sont loin d’en avoir fini avec
l’occupation américaine.
Barack Obama avait beau dire, le 12
décembre dernier, que les « derniers
soldats américains » quittaient l’Irak «
la tête haute et dans l’honneur », sur
le terrain la réalité était toute autre.
A part leurs obligés politiques et les
trafiquants et proxénètes qui rodaient
autour de leurs bases, personne ne les
regrette. Pour les Irakiens, toutes
tendances confondues, les G.I sont la
lie de la terre, des « serial killers ».
Les communicants du Pentagone se gardent
bien de dire que l’armée US a dû payer
cash plus d’une vingtaine de chefs de
tribus sur la route du sud de l’Irak
pour que les convois militaires
parviennent au Koweït sans être
attaqués.
Redéploiement
militaire, plutôt que retrait
Dans un communiqué, l’Armée de
l’Ordre naqshabandi, membre du front de
libération dirigé par Izzat Ibrahim al-Douri,
chef du parti Baas clandestin, fait
remarquer que l’ambassade des Etats-Unis
héberge « des milliers de mercenaires de
sociétés de sécurité », que des
consulats bourrés d’espions ont été
ouverts dans chaque gouvernorat et que
des officiers américains, baptisés «
instructeurs », conseilleront les forces
de répression du régime. Le porte-parole
de l’organisation en conclut que
l’occupation de l’Irak se poursuit sous
une autre forme. C’est également le
constat de Jason Chaffetz, Représentant
républicain de l’Utah au Congrès des
Etats-Unis, qui note qu’Obama s’est
livré à un « tour de passe-passe »,
après le refus du gouvernement irakien
d’accorder l’immunité aux G.I’s, en
augmentant le nombre des « contractors »
haïs par la population. La résistance
nationale et Al-Qaïda au Pays des deux
fleuves ont donc de beaux jours devant
eux.
En effet, si les Etats-Unis ont
construit à Bagdad une ambassade-bunker
occupant une surface équivalent à celle
de l’Etat du Vatican, ce n’est pas pour
laisser les Irakiens maîtres de leur
destin, mais pour tirer les ficelles des
agents recrutés par la CIA ces neuf
dernières années. Selon The Huffington
Post, 50% des 16 000 personnes
constituant le personnel de l’ambassade,
sont des agents de sécurité. En d’autres
termes des militaires et des espions.
Ces chiffres ne comprennent pas les
contractors – mercenaires - protégeant
les consulats et le Bureau de
coopération en matière de sécurité qui
forme la nouvelle armée irakienne aux
matériels en attente de livraison :
hélicoptères, tanks, et 18 F-16. Les
contrats signés dans se domaine sont
estimés à 13 milliards de dollars.
D’autres, d’une valeur de 900 millions
de dollars, sont en discussion. Au
total, pas moins de 3 500 « contractors
» seront dispatchées à travers l’Irak,
dans dix agences dépendant du Bureau de
coopération. On comprend à l’énumération
de ces chiffres que le Pentagone préfère
parler de « redéploiement » militaire,
plutôt que de « retrait » !
Vers la
dictature
Les troupes qui s’en vont laissent
derrière elles un pays brisé en mille
morceaux. En neuf ans, alors que le
pétrole coule à flot, les gouvernements
américano-iraniens successifs n’ont pas
été capables de remettre en état les
infrastructures détruites en avril 2003.
Saddam Hussein, se rappellent les
Irakiens, avait rétabli la distribution
d’eau potable et d’électricité en six
mois, et fait reconstruire à l’identique
les bâtiments et ouvrages détruits.
Mi-décembre, Salah al-Mutlaq,
vice-Premier ministre irakien, s’est dit
« choqué » d’entendre Barack Obama
présenter Nouri al-Maliki en visite à la
Maison-Blanche, comme « le chef élu d’un
Etat souverain, autonome et démocratique
», d’autant qu’il était accompagné par
Hadi al-Amiri, ministre des Transports
et ancien chef de la milice Badr, accusé
d’enlèvements et de tortures par les
Irakiens. Depuis les dernières élections
législatives, le Premier ministre
irakien a entre ses mains tous les
organes de sécurité et a fait arrêter un
millier de baasistes soupçonnés de
complot. Une brigade chiite, acquise à
sa cause, suffirait pour occuper la Zone
verte et cueillir au saut du lit tous
les dirigeants opposés à son régime. En
fait, dit Al-Mutlaq, l’Irak se dirige
vers la dictature et la partition,
c’est-à-dire vers de nouvelles guerres.
Des vérités pas bonnes à dire, Maliki
demande maintenant au Parlement de le
démettre de son poste et s’en prend à
Tarik al-Hashemi, vice-président de la
République, chef du Parti islamique, les
Frères Musulmans irakiens.
Sur le même sujet, lire aussi :
Les dirigeants irakiens s’entre-
assassinent
http://0z.fr/WpiDa
150 000 collaborateurs irakiens
abandonnés par les troupes américaines
http://0z.fr/KWZaR
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 3 janvier 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
Le sommaire de Gilles Munier
Le
dossier Irak
Les dernières mises à jour
|