Actualités du droit
Le droit que viole
Israël
Gilles Devers

Jeudi 15 novembre
2012 L’Etat d’Israël, membre de l’ONU, viole
les droits du peuple palestinien, peuple
auquel on refuse l’entrée à l’ONU.
Le droit
applicable
Selon la Cour
Internationale de Justice, la IV°
Convention de Genève est applicable dans
les territoires occupés de Palestine.
« La Cour estime
que la IV° convention de Genève est
applicable dans tout territoire occupé
en cas de conflit armé surgissant entre
deux ou plusieurs parties contractantes.
Israël et la Jordanie étaient parties à
cette convention lorsque éclata le
conflit armé de 1967. Des lors ladite
convention est applicable dans les
territoires palestiniens qui étaient
avant le conflit à l'est de la Ligne
verte, et qui ont à l'occasion de ce
conflit été occupés par Israël, sans
qu'il y ait lieu de rechercher quel
était auparavant le statut exact de ces
territoires
(CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un
mur dans le territoire palestinien
occupé, par. 78 et 101) ».
Pour la CIJ, Israël
doit respecter le droit à
l'autodétermination du peuple
palestinien et les obligations
auxquelles il est tenu en vertu du droit
international humanitaire et du droit
international relatif aux droits de
l'homme. Par ailleurs, Israël doit
assurer la liberté d'accès aux Lieux
saints passés sous son contrôle à la
suite du conflit de 1967.
De même, la CIJ a
dit qu’étaient applicables les textes
protégeant les droits de l’homme, à
savoir le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, le
Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, et la
Convention des Nations Unies relative
aux droits de l'enfant du 20 novembre
1989 (CIJ, 9
juillet 2004, par. 149).
Cette analyse rejoint
celle
- du CICR
(Déclaration du 5 décembre 2001) ;
- de l'Assemblée
générale de l’ONU (Résolution 56/60
du 10 décembre 2001 et 58/97 du 9
décembre 2003) ;
- du Conseil de
sécurité.
Par la résolution 242
(1967), le Conseil de sécurité a rappelé
« l’inadmissibilité de l’acquisition de
territoires par la guerre ». Par la
résolution 446 (1979) du 22 mars 1979,
le Conseil de sécurité a dit que les
colonies de peuplement n’ont « aucune
validité en droit », affirmant «que la
convention de Genève du 12 août 1949,
est applicable aux territoires arabes
occupés par Israël depuis 1967, y
compris Jérusalem ».
Dans sa résolution
1860 du 8 janvier 2009, le Conseil de
Sécurité a encore rappelé que « la bande
de Gaza fait partie intégrante du
territoire palestinien occupé depuis
1967 et fera partie de l’État
palestinien ».
Le rejet du droit
international par Israël
L’Etat d’Israël
conteste l’application de ces traités
aux territoires occupés. Dans ce cadre,
c'est la Haute Cour de Justice, qui joue
le rôle clé. Elle s'attribue les mérites
d'une Cour suprême, et publie de longs
arrêts forts documentés.
Tout le problème est
que cette Cour a réécrit les principes
du droit international au profit de la
politique colonialiste de l'Etat
d'Israël. Le constat est simple à faire
: la Haute Cour conteste l'autorité de
la Cour Internationale de Justice et ses
jugements...
La Haute Cour de
Justice nie la notion d’occupation, et
en déduit qui la 4° Convention de Genève
n’est pas applicable (HCJ 9132/07
Albassioni v. Prime Minister, 2008).
La Haute Cour
affirme examiner la légalité d’un acte
militaire, et encore de ses propres
analyses du droit international, mais
elle refuse d’en contrôler la mesure ou
effectivité, au motif il s’agit d’une
question de sécurité, que seul le
pouvoir politique peut analyser
(HCJ 9132/07
Albassioni c. Prime Minister, 2008 ; HCJ
3451/02, Almandi c. The Minister of
Defense, 2002).
La Haute Cour s’en
remet à l’armée pour l’application du
droit, ce qui lui a permis de refuser de
l’évacuation de blessés lors de
l’opération Plomb Durci
(HCJ, Physicians for
Human Rights c. Premier Ministre
d’Israël, 2009 : HCJ, Gisha Legal Center
for Freedom of Movement c. Premier
Ministre d’Israël, 19 janvier 2009, HCJ
248/09).
Israël a ratifié le
Pacte de 1966 sur les droits civils et
politique… mais refuse de l’appliquer
aux territoires occupés. Lors de la
présentation du rapport de l’article
40,2, le 9 octobre 2003, le représentant
a expliqué qu’il refusait de s’exprimer
par écrit sur le sujet :
M. Levy (Israël)
dit que, si la délégation israélienne
est certes disposée à répondre oralement
et par écrit à la plupart des questions
de la liste, elle souhaiterait néanmoins
n’apporter que des réponses orales à
celles du point 1
(CCPR/C/SR.2117, 9
octobre 2003, Examen des rapports de
l’article 40, 2 rapport périodique
d’Israël, par. 30).
La Palestine est
un Etat, au regard du statut de la CPI
Cette question est
tranchée par la jurisprudence du
Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie,
que reconnait la CPI. Le TPIY a jugé
qu’il fallait adapter les conditions
posées à l’article 4 de la IV°
Convention aux réalités contemporaines,
quitte à exclure la condition de
nationalité pour permettre l’octroi d’un
statut protecteur aux victimes.(TPIY,
Arrêts Tadic, 15 juillet 1999 ; Celebici,
16 novembre 1998 ; Blaskic, 3 mars
2000). Selon
le TPIY, les questions liées à la
nationalité ne peuvent être des
obstacles décisifs pour les victimes des
crimes les plus graves.
La CPI s’est beaucoup
avancée sur l’interprétation, au sens
pénal, des notions d’Etat et de
nationalité.
Elle a jugé que la
IV° Convention de Genève s’applique à
des entités qui ne sont pas des États :
« Les mouvements de libération luttant
notamment contre la domination coloniale
et les mouvements de résistance
représentant un sujet de droit
international préexistant peuvent être
des Parties au conflit » au sens des
Conventions. Mais l’autorité qui les
représente doit avoir certaines
caractéristiques d’un gouvernement, au
moins à l’égard de ses forces armées »
(CPI, Chambre
Préliminaire, 29 janvier 2007, Thomas
Lubanga Dyilo, par. 272).
Pour la CPI, le
terme « national » ne fait pas
uniquement référence à la nationalité en
tant que telle, mais également à
l’appartenance à la partie ennemie au
cours d’un conflit armé, et interpréter
le terme « national » au sens de «
gouvernemental » contreviendrait à
l’objet et au but du Statut de la Cour,
qui n’est autre que de ne plus laisser
impunis « les crimes les plus graves qui
touchent l’ensemble de la communauté
internationale »
(CPI, Chambre
Préliminaire, 29 janvier 2007, Thomas
Lubanga Dyilo, par. 280 et 281).
Le fait que la
Palestine ne soit pas un Etat membre
l’ONU ne remet pas en cause la
compétence de la CPI dès lors que :
(1) aucun autre Etat
n’est en mesure d’agir au nom du peuple
palestinien, et rien ne justifie que
cette population soit la seule du monde
à être privée de la protection de la CPI
;
(2) il s’agit d’agir
contre l’Etat qui usurpe la souveraineté
du peuple palestinien. Dès lors que les
Palestiniens engagent une action en
justice contre Israël, on ne peut leur
opposer qu’ils ne sont pas pleinement un
Etat, car l’objet du procès est de
restituer aux Palestiniens la
souveraineté que leur a volée Israël.
Ajoutons qu’au sein
de la CPI, une majorité d’Etat partie a
reconnu la Palestine comme Etat, et que
les Iles Cook, Etat non membre de l’ONU,
a été accepté comme Etat membre de la
CPI.
Ne peut être remis en
cause le droit d’accès au juge des
habitants de Gaza – dont il est
désormais largement admis qu’il relève
du jus cogens (CEDH arrêt Golder c.
Royaume-Uni, 21 février 1975, par. 35
;Cour interaméricaine des droits de
l’homme, Goiburú c. Paraguay, 22
septembre 2006, par. 131 ; Tribunal
spécial pour le Liban, Juge de la mise
en état, 15 avril 2009, CH/PTJ/2009/03 ;
TPIY, Jugement Fwundzija ,10 décembre
1998, par. 153-157) au motif que la
communauté internationale a failli pour
avoir contribué à créer le contexte du
conflit israélo-palestinien, par la
résolution 181 du 29 novembre 1947, et
par ses carences ultérieures.
D’ailleurs,
l’Assemblée Générale de l’ONU ne cesse
de rappeler l’engagement de sa
responsabilité, donnée dont la Cour
Pénale Internationale, indépendante,
doit tenir compte au titre de
l’environnement juridique.
Par exemple, la
résolution du 20 juillet 2004 :
« L’Assemblée
Générale de l’ONU
« Réaffirmant la
responsabilité permanente de
l’Organisation des Nations Unies
vis-à-vis de la question de Palestine
jusqu’à ce que tous les aspects de cette
question soient réglés de manière
satisfaisante, sur la base de la
légitimité internationale(Résolution
AG/1488, 2 Résolution ES-10/15 du 20
juillet 2004).
Au surplus, force est
de constater que ce qui est réputé faire
défaut à la Palestine pour acquérir le
statut d’Etat de plein exercice est
justement ce que lui usurpe l’Etat
d’Israël, pour mieux commettre ses
crimes et interdire aux victimes d’agir
en justice.
Le procureur Ocampo,
juste avant de partir, a décidé
d’interroger l’ONU pour savoir si la
Palestine était un Etat. Une décision
aberrante : la CPI est indépendante de
l’ONU, et ne doit son existence qu’à
l’Assemblée des Etats parties. C’est
donc un abandon en rase campagne… De
plus, ce n’est pas aux Etats de se
prononcer, mais la Cour elle-même, par
la formation dite de la chambre
préliminaire. Le procureur mérite donc
toutes les critiques, mais on ne peut
rien dire à l'encontre de la CPI... qui
ne pourra se prononcer que lorsqu'elle
aura été saisie par le procureur.
Le blocus de Gaza
Au mépris de toutes
les règles de droit international,
Israël, la puissance occupante a décidé
unilatéralement d’imposer un blocus
économique à la population de Gaza. Or,
l’interdiction des punitions collectives
est une norme de droit international
coutumier applicable dans les conflits
armés internationaux.
Cette interdiction
est d’abord une conséquence de la règle
selon laquelle nul ne peut être puni
pour une infraction si ce n’est sur la
base d’une responsabilité pénale
individuelle.
Le Règlement de La
Haye précise qu’aucune peine ne peut
être édictée contre des personnes à
raison de faits individuels dont elles
ne peuvent être considérées comme
responsables
(Art. 50).
La IVe Convention
de Genève dispose qu’« aucune personne
protégée ne peut être punie pour une
infraction qu’elle n’a pas commise
personnellement »
(Art. 33, al. 1).
L’interdiction des peines collectives
inclut les « sanctions et brimades de
tous ordres, administratives, policières
ou autres»
(Yves Sandoz, Christophe Swinarski et
Bruno Zimmermann (éd.), Commentaire des
Protocoles additionnels, CICR, Genève,
1986, par. 3055; voir aussi le par.
4536).
Pour le Tribunal
pénal international pour le Rwanda et du
Tribunal spécial pour la Sierra Leone
spécifient, le fait d’infliger des
peines collectives constitue un crime de
guerre (TPIR
(1994), art. 4, al. 1 b ; Tribunal
spécial pour la Sierra Leone (2002),
art. 3, al. 1 b).
Dans son
Observation générale sur l’article 4 du
Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, concernant les
états d’exception, le Comité des Nations
Unies pour les droits de l’homme a
déclaré que les États parties ne
pouvaient «en aucune circonstance»
invoquer un état d’urgence «pour
justifier des actes attentatoires au
droit humanitaire ou aux normes
impératives du droit international, par
exemple des châtiments collectifs»(Observation
générale n° 29).
Aux termes du Statut
de la Cour pénale internationale, est
défini comme des crimes de guerre :
« 8.2.b xxv) Le fait
d’affamer délibérément des civils comme
méthode de guerre, en les privant de
biens indispensables à leur survie, y
compris en empêchant intentionnellement
l’envoi des secours prévus par les
Conventions de Genève ».
Pendant les
négociations des éléments des crimes du
Statut de la Cour pénale internationale,
il a été reconnu que le sens usuel du
mot « affamer » recouvrait non seulement
le sens strict de faire mourir par
privation d’eau et de nourriture, mais
aussi le sens plus général de priver ou
de fournir en quantités insuffisantes
des biens essentiels ou des choses
indispensables à la survie. De ce fait,
d’autres exemples mentionnés pendant ces
négociations comprenaient des articles
non alimentaires indispensables, tels
que les médicaments et, dans certains
cas, les couvertures (Knut Dörmann,
«Preparatory Commission for the
International Criminal Court : The
Elements of War Crimes, Revue
internationale de la Croix-Rouge n° 842,
juin 2001, pp. 475-476).
Les Protocoles
additionnels I et II considèrent tous
deux les vivres et les médicaments comme
essentiels à la survie de la population
civile, tandis que le Protocole
additionnel I mentionne aussi les
vêtements, le matériel de couchage, et
les logements d’urgence (Protocole
additionnel I (1977), art. 69, par. 1;
Protocole additionnel II (1977), art.
18, par. 2).

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