Les
actualités du droit
Syrie : le Conseil
des droits de l'homme accuse
Gilles Devers

Samedi 14 septembre 2013
S’agissant de la Syrie, je sais que plus
d’un attend que le blog prenne
position : pour ou contre. Alors t’es
pro-régime ou anti-régime ? Eh bien,
chères amies et chers amis, ce n’est pas
demain la veille… Chacun son rôle,
chacun sa place, et il est de plus
impossible de ramener l'analyse à cette
alternative : choisir son camp. C’est
une affaire trop sérieuse, devenue
l’enjeu autour duquel va se redessiner
la diplomatie pour les prochaines
années. J’essaie d’être un observateur
avisé, mais nous sommes placés devant
des déferlantes de la propagande, de
part et d’autre, et il est clairement
impossible de s’affirmer, alors que les
bases de la connaissance sont si ténues.
Ma démarche, la vôtre, est simple : « je
cherche à comprendre ».
Ce que vivent les Syriens est absolument
horrible : 100 000 morts, toutes les
familles sont touchées, et le chemin du
retour à la paix n'est pas tracé.
Je soumets à notre réflexion ce document
important, à savoir le rapport de la
commission instituée par le Conseil des
Droits de l’Homme de l’ONU pour
déterminer ce qui se passe là-bas. Cette
commission, qui réunissait Paulo Sérgio
Pinheiro (Président), Karen Koning AbuZayd,
Vitit Muntarbhorn et Carla Del Ponte, a
enquêté sur place entre le 15 mai et le
15 juillet 2013. C’est dire qu’elle ne
se prononce pas sur les faits d’août
2013, à savoir l’usage des armes
chimiques.
Précision
Vous trouverez ci-dessous le résumé du
document et les conclusions, tel que,
sans y changer un mot, et je ne peux que
vous encourager à prendre le temps de
lire le rapport complet des experts de
l'ONU. C’est autre chose que les
publi-reportages de CNN ou de ses
filiales. Je fais juste cette remarque :
voyez la complexité du sujet et des
méthodes d’enquête. Ce texte est un
rapport d’enquête et pas un jugement.
Comme il retient des responsabilités de
part et d'autre, il sera critiqué de
part et d'autre. Il sera sans doute
l'objet de remarques critiques sur les
méthodes d'enquête, de partialité, tant
il est difficile d'établir les faits
dans le cadre d'une guerre interne. Mais
un tel document, qui s'ajoute à d'autres
rapports antérieurs, ramène à peu de
choses les déclarations dithyrambiques
des rois de la gonflette expliquant
qu'en huit jours leurs services secrets
ont tout élucidé. Ou de cet abruti
d’Ayrault qui a osé prendre la parole
devant l’Assemblée Nationale pour
appeler à la guerre… après avoir vu des
vidéos !
Voici le lien vers le texte complet du
rapport, dans la colonne
"Documents", 6th Report of Commission of
Inquiry on Syria - A/HRC/24/46, avec
l'accès à une version en Français:
http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/HRCIndex.aspx
En anglais, la vidéo de la présentation
du rapport:
http://www.youtube.com/watch?v=tNfQomIXEAg&feature=yo...

Résumé
La République arabe syrienne est un
champ de bataille. Ses villes et ses
villages sont pilonnés et assiégés sans
répit. Des massacres sont commis en
toute impunité. Le nombre des Syriens
disparus est incalculable. Le présent
rapport rend compte des enquêtes
effectuées entre le 15 mai et le
15 juillet 2013. Ses conclusions se
fondent sur 258 entretiens et d’autres
éléments de preuve qui ont été
rassemblés.
Les forces du gouvernement et de ses
partisans ont continué de lancer des
attaques généralisées contre la
population civile, commettant meurtres,
tortures, viols et disparitions forcées
constitutifs de crimes contre
l’humanité. Ils ont assiégé des
quartiers entiers qu’ils ont soumis à
des pilonnages aveugles. Les forces
gouvernementales ont continué de
commettre des violations flagrantes des
droits de l’homme et des crimes de
guerre tels que la torture, les prises
d’otages, les meurtres, les exécutions
sans procédure régulière, les viols, les
attaques contre des objets protégés et
les pillages.
Les groupes armés antigouvernementaux
ont commis des crimes de guerre,
notamment des meurtres, des exécutions
sans procédure régulière, des actes de
torture, des prises d’otages et des
attaques contre des objets protégés. Ils
ont assiégés et soumis à un pilonnage
aveugle des quartiers civils.
Les groupes armés antigouvernementaux et
kurdes ont recruté et utilisé des
enfants soldats dans les hostilités.
Les auteurs de ces violations et de ces
crimes, de quelque bord qu’ils soient,
font fi du droit international. Ils ne
craignent pas d’avoir à rendre des
comptes. Il est impératif de les
traduire en justice.
Conclusions et recommandations
Les pilonnages incessants ont fait des
milliers de morts civils et déplacé les
populations de villes entières. Des
massacres et autres exécutions illégales
sont perpétrés en toute impunité. Un
nombre incalculable d’hommes, d’enfants
et de femmes ont disparu. Nombreux sont
ceux tués en détention et les survivants
conservent les séquelles physiques et
mentales des tortures subies. Des
hôpitaux et des écoles ont été
bombardés.
La porosité des frontières de la
République arabe syrienne a facilité
l’intervention d’acteurs armés
étrangers, de plus en plus selon des
clivages confessionnels. La dynamique du
conflit est extrêmement complexe et
déborde largement les frontières du
pays. Les relents de confessionnalisme
présents dans bon nombre de violations
sont enracinés dans la politique. C’est
la politique qui alimente le
confessionnalisme, engendre la violence
et donne du pouvoir à ses auteurs.
Ces violations ont fait l’objet de
10 rapports et mises à jour. Les auteurs
des violations ne sont aucunement
dissuadés et ne craignent pas d’avoir
plus tard à en répondre.
Il n’y a aucune solution militaire à ce
conflit. Ceux qui fournissent des armes
recherchent une victoire qui ne peut
être qu’illusoire. Une solution
politique, fondée sur les principes du
communiqué final du Groupe d’action pour
la Syrie est la seule voie qui peut
mener à la paix.
La commission renouvelle les
recommandations formulées dans ses
rapports précédents et met l’accent sur
celles formulées ci-dessous.
La commission d’enquête recommande que
toutes les parties:
a) Cessent de bombarder aveuglément des
zones comportant des populations
civiles, notamment les zones où se
trouvent des concentrations de personnes
déplacées à l’intérieur du pays;
b) Prennent toutes les précautions
possibles afin de réduire autant que
faire se peut l’impact des attaques sur
les personnes et objets civils.
c) Arrêtent d’exécuter des civils et des
belligérants hors combat;
d) Arrêtent de torturer les détenus et
traitent ces derniers avec humanité;
e) Arrêtent d’enlever des personnes et
de prendre des otages;
f) Rejettent l’emploi d’agents chimiques
militarisés;
g) Cessent de recruter des enfants
soldats;
h) Prennent des mesures spécifiques
propres à assurer que quiconque dans
leur rang commet des violations ait à en
répondre;
i) Rejettent le discours du
confessionnalisme;
j) S’engagent à cesser les combats pour
permettre aux secours humanitaires de se
déplacer sans entrave dans tout le pays
et à créer un espace dans lequel
pourront être prises les premières
mesures vers le dialogue;
k) Informent immédiatement les détenus
des motifs de leur arrestation et leur
accordent l’accès à un examen judiciaire
indépendant, à leur famille et à un
avocat;
l) Informent les familles des détenus du
lieu de détention de ces derniers et
autorisent les visites;
m) Veillent à la préservation des
preuves matérielles des violations et
des crimes internationaux.
La commission recommande que le
Gouvernement de la République arabe
syrienne:
a) Cesse d’utiliser contre des zones
civiles des armes peu précises telles
que les bombes thermobariques, les
bombes à fragmentation, les bombes
rebondissantes et autres, qui sont sans
système de guidage ou mal guidées;
b) Veille à ce que les personnes qui
procèdent aux arrestations soient
formées et respectent le droit
fondamental des détenus à la présomption
d’innocence;
c) Accorde à la commission un accès qui
permette à celle-ci d’enquêter sur les
allégations de crimes de manière plus
approfondie et sous tous les angles.
La commission recommande que les groupes
armés antigouvernementaux rejettent les
éléments extrémistes.
La commission recommande que la
communauté internationale:
a) Appuie le processus de paix fondé sur
le communiqué de Genève et le travail
accompli par le Représentant spécial
conjoint de l’ONU et de la Ligue des
États arabes pour la Syrie;
b) Veille à ce que toute négociation de
paix se déroule dans le cadre du droit
international, considérant l’urgente
nécessité d’une saisine de la justice
aux échelons national et international;
c) Arrête les transferts d’armes compte
tenu du risque évident que celles-ci
soient utilisées pour commettre des
violations du droit international;
d) Prenne des mesures concrètes pour
freiner l’influence croissante des
extrémistes.
La commission recommande que le Conseil
des droits de l’homme:
a) Appuie les recommandations de la
commission et son accès au Conseil de
sécurité;
b) Transmette le présent rapport au
Conseil de sécurité par l’entremise du
Secrétaire général.
La commission recommande que l’Assemblée
générale:
a) Appuie le travail de la commission,
en l’invitant à présenter régulièrement
des mises à jour;
b) Défende les recommandations de la
commission et use de son influence en
faveur d’une solution pacifique pour le
pays.
La commission recommande que le
Secrétaire général:
a) Prenne des mesures concrètes pour
faire en sorte que toutes les parties
assument leurs responsabilités de
protéger les civils en situation de
conflit armé;
b) Appuie le travail de la commission et
lui accorde un accès au Conseil pour
faire périodiquement le point sur les
évolutions de la situation;
c) Facilite un processus de paix global
pour le pays, avec la participation de
toutes les parties prenantes, et en pose
les bases;
d) S’engage à veiller à ce que les
responsables de violations aient à
répondre de leurs actes, y compris leur
éventuel renvoi devant la justice
internationale.
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