« Pourquoi un écrivain ressenti-il le
besoin d’inventer des histoires au sujet de l’Holocauste ? »,
s’interroge Melissa Katsoulis dans le quotidien britannique
consensuel The Independent.
Mme Katsoulis vient de publier un ouvrage
consacré à l’histoire des impostures
littéraires. Elle s’intéresse, en
particulier, dans un genre fictionnel unique en son genre, à
savoir les ‘fantasmagories holocaustiques’.
D’un côté, elle avoue qu’un « privilège
spécial doit être accordé à ces écrivains de moins en moins
nombreux qui ont survécu à la Seconde guerre mondiale en
Europe ». Elle est même prête à admettre l’approche particulière
qu’Elie Wiesel a de la « vérité et de la fiction » et que « des
histoires qui ne sont jamais arrivées peuvent être vraies ».
De l’autre, elle dit que « ces
mémorialistes qui pensent pouvoir affirmer qu’ils étaient sur
les lieux alors que ce n’est pas le cas devraient se souvenir du
fait que le détournement des expériences d’autrui à des fins
égoïstes ne peut que se terminer en ignominie.
Katsoulis suggère que « ce que les lecteurs
recherchent, peut-être, dans les histoires traumatisantes,
s’assimile à ce que les gens recherchent dans la pornographie, à
savoir quelque chose de « limite », qu’ils n’ont encore jamais
vu, suivi par une résolution spectaculaire ». Tout à fait comme
dans le cas de la pornographie, le lectorat conquis d’avance à
la douleur juive « veut s’identifier (sans danger) avec ce qu’il
est en train de lire, et expérimenter un instant la crise vécue
par quelqu’un d’autre, afin de la mesurer à leur propre crise ».
La référence que Katsoulis fait à la
« pornographie » est tout à fait intéressante, lorsqu’on garde
présent à l’esprit le fait qu’à l’époque du procès Eichmann, à
Jérusalem (dans les années 1960), un genre nouveau de
pornographie, appelé le style Stalag,
émergea en Israël. Stalag était le nom d’un magazine fictionnel
à la courte existence, hautement érotisé, dont les illustrations
s’inspiraient de l’exploitation des prisonniers des camps par
les Nazis.
Toutefois, la référence que fait Katsoulis
à la « pornographie » n’est pas sans soulever certaines
questions. Alors que la consommation de pornographie peut être
conçue comme une tentative de rechercher un plaisir libidinal au
travers de l’imagerie d’autres que soi en train de s’adonner à
leurs fantaisies, l’on est fondé à se demander quelle sorte de
satisfaction peut bien retirer quiconque du rabâchage de la
mémoire de l’Holocauste ? Recherchons-nous une satisfaction ? Si
oui, quelle sorte de satisfaction recherchons-nous, exactement ?
Quels sont les symptômes que célèbrent les conteurs d’histoires,
et quels sont-nos symptômes lorsque nous les consommons ?
En lieu et place d’une culture accro à des
images recyclées de dégradation et de souffrance, j’attendrais
plutôt qu’une leçon morale émerge de la Shoa. J’aurais tendance
à espérer une recherche sincère de miséricorde et de compassion.
A l’évidence, cela ne s’est à aucun moment produit. Même si nous
mettons de côté la barbarie israélienne en Palestine, l’Occident
et l’empire anglophone n’ont jamais cessé de déclencher des
guerres au nom des fausses valeurs issues de l’Holocauste (la
démocratie, le progressisme, les droits « universels » de
l’homme, etc.).
Katsoulis souligne que les « embobineurs »
ont « eu une enfance difficile, mais que, sentant que leur
crédibilité était ignominieusement faible, ils ont eu tendance à
avoir recours au grand signifiant de l’Holocauste pour attirer
sur eux la compassion à laquelle ils aspiraient ». Je vous
invite à lire
Katsoulis et, si vous en avez le temps, à parcourir les
commentaires, qui sont non moins révélateurs.
Personnellement, j’ai vu récemment deux
courtes vidéos qui m’ont laissé comme deux ronds de flan.
La première était une interview télévisée d’Herman
Rosenblatt « ce retraité américain aux
yeux clignotants, qui a raconté une histoire tellement magique
qu’elle a bouleversé jusqu’au dernier cynique de New York »,
n’était rien d’autre qu’un mensonge compulsif. Rosenblat s’étant
vu accuser d’être un faussaire, il dit, s’adressant à la
caméra :
« ça
n’était pas un mensonge : c’était mon imagination. J’ai cru mon
imagination, je me suis cru moi-même, et j’y crois encore
aujourd’hui ».
« Mais vous savez que ça n’était pas
vrai ! », le contrait le journaliste de la chaîne ABC.
« Oui », qu’il répond. « Mais, dans mon imagination, c’était
vrai ! »
J’imagine que personne ne saurait
argumenter face à un tel argument postmoderniste.
Dans un autre vidéo-clip, Irene Weisberg Zisblatt,
dont le témoignage est repris dans le film documentaire
The Last Days de
Steven Spielberg, est surprise en train de mentir à la caméra au
minimum à deux reprises.
Je ne suis pas en train de juger, ici, la
malhonnêteté de Zisblatt, ni sa tendance à l’exagération. Il est
plus que vraisemblable que cette femme a connu l’enfer sur
Terre. Mais j’en ai après Stephen Spielberg, qui a décidé, pour
quelque raison, d’exploiter cette femme dans sa tentative
hollywoodienne d’archiver et de décrire ce qu’il appelle la
« vérité » de l’holocauste.
La question pendante est celle du
pourquoi ? Pourquoi ment-elle ? Pourquoi ment-il ? Pourquoi tout
le monde ment ? Et si eux mentent et ont le droit de croire aux
fruits de leur imagination, où sommes-nous en mesure d’apprendre
la vérité ? Que sommes-nous en mesure d’apprendre au sujet de la
vérité ? Qu’est-ce que la vérité ? Y a-t-il une quelconque
vérité ? Et si nous pouvons jamais être assez chanceux pour
trouver la vérité, voire même seulement « une vérité »,
pouvons-nous l’annoncer sans encourir le risque de l’exclusion
sociale, voire pire, sans perdre notre liberté ?
Katsoulis dénonce une tendance perverse
inhérente à notre logos occidental. Il est prouvé au-delà de
tout doute que notre liberté de parole, et même de penser, est
soumise à une grave agression. Allant plus loin qu’elle,
j’aurais tendance à dire que la religion holocaustique est la
pire des agressions actuelles contre l’humanité et contre
l’humanisme. Primo : elle nous interdit de revisiter et de
réviser notre propre mémoire vive ; deuxio : elle nous empêche
de retirer une leçon éthique universelle de l’histoire et,
enfin, tertio : elle nous conduit à toujours plus de crimes
génocidaires.
En lieu et place d’une doctrine déterminée
par la revanche, ce dont nous avons le plus grand besoin, c’est
de la grâce et de la compassion. Au lieu d’un système de
croyance monolithique et unique prônant une notion fallacieuse
de la liberté centrée sur la douleur juive, ce dont nous avons
réellement besoin, c’est d’un réel pluralisme et d’une vraie
tolérance qui soit capable d’accepter plus qu’une unique
‘vérité’ et qui encourage les systèmes de croyance à se
respecter mutuellement.
De fait, les juifs auraient dû être les
premiers à comprendre tout cela. Comme l’a suggéré Emmanuel Levinas après la Seconde
guerre mondiale, les juifs auraient dû se positionner sur le
front de la bataille contre le mal et contre le racisme. Bien
qu’il y ait une poignée de juifs « haïsseurs d’eux-mêmes » qui
se vouent à dénoncer le crime sioniste, cela ne s’est jamais
produit. Non seulement cela ne s’est jamais produit, mais l’Etat
juif est l’exemple suprême d’un Etat raciste nationaliste et
terroriste.
Katsoulis n’a rien d’une négationniste de
l’Holocauste. Elle pense que l’Holocauste a eu lieu, mais elle
étudie le vol de son souvenir. « Quand un écrivain se présente
devant d’autres rescapés et présente pour parole d’Evangile ce
qui a été volé aux souvenirs de témoins réels, il peut
s’attendre à être reçu fraîchement ». Katsoulis formule une
critique de cette « « industrie » de l’Holocauste
non-réglementée, dans laquelle le fait d’avoir été victime est
récompensé par l’argent et la notoriété ».
Cependant, je souhaiterais élargir la
recherche de Katsoulis. Je maintiens qu’en réalité, nous sommes
les témoins d’un holocauste en cours en Palestine, en Irak, en
Afghanistan et au Pakistan. Nous assistons aussi aux préparatifs
d’Israël en vue de nucléariser l’Iran au nom de l’histoire juive
et au nom, en particulier, de l’Holocauste. Devant nos yeux est
en train d’émerger un danger d’une magnitude colossale, et nous
sommes peu ou prou paralysés par un chapitre de l’Histoire qui,
comparé aux crimes israéliens contemporains, a de moins en moins
de signification et/ou de pertinence.
Au lieu d’être assujettis à une idolâtrie pour un passé
intouchable, nous devrions commencer à être concernés par le HIC
et NUNC, par les génocides qui sont en train d’être perpétrés en
nos noms et sous notre nez par Israël et ses séides dans le
monde entier.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
Source et traduction : Marcel Charbonnier
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